Live from Geekland #1


Bienvenue dans cette nouvelle rubrique ! Tout d’abord, et parce que mon éducation a coûté suffisamment cher à mes parents, je tiens à commencer par remercier mes deux hôtes au noir plumage pour la petite place qu’ils m’accordent sur leur blog.

Pourquoi cette rubrique consacrée intégralement à la V.O. ?
Parce que, qu’on le veuille ou non, notre loisir est d’origine nord-américaine. Même si le JdR français a su creuser brillamment son propre sillon depuis très longtemps, l’influence américaine reste très présente, ne serait-ce que parce que les deux jeux les plus vendus sont américains, mais aussi car les modes ou les tendances qui naissent là-bas finissent toujours par nous atteindre, d’une façon ou d’une autre.
Parce que l’actualité de la V.O. n’est pas traitée d’une façon très satisfaisante dans Casus Belli : réduite à la portion congrue quand l’actualité française est intense, même si des nouveautés intéressantes sont sorties ; servant de bouche-trou quand l’actualité V.F. est plus réduite ; subordonnée à une éventuelle traduction qui permettra un traitement plus en profondeur lors de sa sortie, mais au prix de la perte de la nouveauté.
Parce que le ton de Casus Belli est plus contraint, ce qui est normal car son audience et son statut de monument historique obligent à rester – en bien ou en mal – dans l’understatement. Ici, c’est un peu la famille, alors je pourrais me libérer du discours Loyal Bon pour être plus direct, à travers une posture Chaotique Neutre. Ce n’est pas faire injure aux deux corbeaux que de reconnaître que leur blog a une audience plus limitée que Casus Belli mais de qualité.
Ainsi, cette rubrique, dont j’espère pouvoir maintenir la périodicité mensuelle, sera le lieu d’un passage en revue de l’actualité de la V.O. américaine et britannique. La sélection n’y sera pas objective ni exhaustive, et le traitement sera parfois partiel ou partial, voir lapidaire. Vous voilà prévenus.

Le discours de la méthode
Comme c’est une première, faisons le tour du propriétaire. Chaque mois, si le contenu restera soumis à l’actualité (comprenez : vous allez en baver après la GenCon), plusieurs rubriques seront récurrentes. The Dragon’s Dungeon et Dark is the World rapporteront les sorties des deux plus grosses gammes du monde du JdR : Donjons & Dragons et le Monde des Ténèbres, respectivement. Le flux continu des sorties chez ces deux éditeurs permettra d’avoir toujours quelque chose à dire. En fin de rubrique, le Backlog sera l’occasion de parler d’un ouvrage qui n’est plus d’actualité, mais que j’aurais découvert en retard ou par hasard, personne n’est parfait. After the commercial break sera un lieu d’autopromotion prémonitoire éhonté, puisque j’annoncerais les jeux abordés dans la rubrique suivante si les éditeurs respectent leur planning, ce qu’ils font toujours donc n’ayez crainte.
Pour les plus pressés ou pour ceux qui font une confiance aveugle à mon opinion (c'est-à-dire, ma mère, ma femme et ma fille), chaque ouvrage donc il sera question se verra associé une note. Le mode de notation est emprunté – et adapté – de l’excellent The Last Boyscout : l’échelle de doigts. Cette note (de 0 à 10) indique combien de doigts j’aurais été prêt à me couper pour avoir écrit un tel jeu ou supplément.

I am the Law !
Une fois n’est pas coutume, mais je vais déroger aux règles que je viens d’énoncer pour parler de deux ouvrages qui ont leur place dans d’autres rubriques, mais qui ont en commun un de leurs auteurs, et non des moindres : Robin D. Laws. Ce canadien dispose d’une secte de fidèles fanatiques dont je fais partie et qui se lamentait en silence depuis que Robin Feng Shui – HeroQuest - Dying Earth Laws avait quitté le monde de l’écriture de JdR. Nous ignorons si c’est la pression du fisc ou la nécessité d’envoyer sa progéniture à l’université qui nous vaut le retour de M. Laws, mais ne boudons pas notre plaisir : il est bien là et, excusez du peu, dans les deux plus grosses gammes.
Or donc, M. Laws pige dans le Dungeon Master’s Guide 2 (WotC, 288 pages, ISBN 0-7869-3687-8, $39.95) et y a commis les deux premiers chapitres. Ces deux chapitres sont en réalité la version revue et augmentée du Robin’s Laws of Good Game Mastering (Steve Jackson Games, 32 pages, ISBN 1-55624-629-8, $9.95). Le lecteur y retrouvera les différents archétypes de joueurs (tacticien, acteur, spécialiste, etc.), des conseils sur la manière de communiquer bien utiles aux geeks asociaux que nous sommes, des indications sur la manière de préparer un scénario suivant le temps de préparation disponible et j’en passe. On ne peut que se féliciter de voir les conseils avisés de Robin Laws enfin disponibles au plus grand nombre à travers un ouvrage de référence de la gamme du jeu le plus joué au monde. Ces chapitres justifient presque à eux seuls l’achat du Dungeon Master’s Guide 2, mais le reste de l’ouvrage n’a pas à rougir devant la prestation de M. Laws, même s’il s’agit de chapitres plus directement utilitaires que théoriques, comme la gamme D&D nous en a donné l’habitude. J’offre six doigts sans hésitation.
Incidemment, les observateurs attentifs du mercato rôliste ne pourront s’empêcher de remarquer l’intégration de Robin Laws au pool de freelancers de D&D peu de temps après l’embauche de Mike « Iron Heroes » Mearls par Wizards of the Coast. Etant entendu que Monte Cook n’est sans doute pas bien loin puisqu’il reste le mentor de Mearls, la question qui se pose est de savoir si cette équipe a été formée pour travailler sur la quatrième édition de D&D ou sur le Player’s Handbook 2 annoncé pour cet été. Rendez-vous cet été en lisant les crédits du PHB 2. En tout état de cause, ce nouveau PHB 2 sera le baromètre indiquant si la quatrième édition est proche ou non. S’il est dense et offre assez de contenu pour renouveler ou faire évoluer durablement le jeu, nous pourrons probablement compter sur quelques années de répit avant que WotC ne change son JdR fétiche et fasse main basse sur les économies de millions de joueurs.
Ce n’est pas tout ! Robin Laws a aussi participé au tout frais Requiem Chronocler’s Guide (White Wolf, 192 pages, ISBN 1-58846-261-7, $29.95) pour la gamme Vampire : the Requiem. Il n’est d’ailleurs pas le seul grand nom à participer à cet ouvrage collectif : Greg Stolze, Jared Sorensen et Jeff Tidball sont, entre autres, aussi de la partie. Ce guide est une compilation d’articles relativement courts qui sont autant d’invitations à sortir du carcan pompeux des chroniques dâââârk. Par exemple Procedural, bien évidemment écrit par Robin Laws, décrit par le menu comment importer dans votre chronique les codes de ces séries télé où chaque épisode fonctionne sur le même schéma que le précédent, comme CSI/Les Experts. D’autres parlent de guerre, du jeu en solo, des chroniques sans clans et vont même jusqu’à proposer des règles pour ne plus utiliser que les Vices, les Vertus et quelques attributs pour aller vers un gameplay radicalement différent et épuré. Autant le dire, ce supplément est de haute tenue et mérite bien ses sept doigts. Il illustre à merveille l’orientation modulaire et souple du nouveau World of Darkness. A la lecture, on a les dés qui fourmillent devant tant de possibilités : une réussite. Un dernier mot pour saluer la couverture signée par notre Aleksis Briclot national. Tel Hitchcock, la star française de l’illustration à l’habitude d’apparaître dans ses œuvres. Avec son succès grandissant, attendez vous à voir des dreadlocks sur plus de couvertures.

Dieu est mort
Qu’il me soit ici permis de me recueillir quelque minutes sur la tombe d’un JdR qui nourrit de nombreux joueurs, moi compris : Cyberpunk. Sa troisième édition (R. Talsorian Games, 304 pages, ISBN 1-891933-03-5, $29.99) vient de sortir et la déception est grande. Je ne parle pas du système quasi inchangé (il y a pire), de la maquette douteuse ou des illustrations discutables (les goûts et les couleurs). Je parle du fait que Cyberpunk était le JdR générique le plus adapté à son genre. Son background était vraiment léger et, surtout, situé en arrière plan, si bien qu’il était possible d’y faire ce que l’on voulait. Les archétypes professionnels étaient des classes généralistes bien confortables.
Aujourd’hui, le background du jeu est directement traduit dans les règles et les professions ont disparus au profit d’AltCults reflétant l’historique de l’univers. En outre, chaque AltCult semble vivre isolé et les modalités de vie en commun ne sont pas vraiment abordées. Bref, Cyberpunk a perdu son aspect généraliste et fourre-tout de l’anticipation au profit d’un background certes haut en couleur, mais parfois ridicule. Malgré tout, il serait injuste de ne pas évoquer le principe des méta-personnages qui considère les organisations comme des personnages évoluant à un niveau d’abstraction supérieur. Si vous aimiez l’ancien, deux doigts et si vous n’avez pas d’a priori, cinq doigts bien mérités.

The Dragon’s Dungeon
Méfiez-vous, le Player’s Guide to Eberron (Wizards of the Coast, 160 pages, ISBN 0-7869-3912-5, $29.95) est une escroquerie puisqu’il contient des informations auxquels les joueurs ne devraient pas avoir accès. Ceci posé, c’est un supplément assez plaisant à lire se présentant comme une encyclopédie. Les entrées – sur 2 à 6 pages – couvrent des sujets aussi variés que la Dernière Guerre, Khyber, les Traditions Magiques ou les races. Si leur intérêt est variable, chaque article possède une encadré permettant de savoir le ND du jet de Connaissance suivant l’information recherchée. Très utile pour juger de la disponibilité de l’information.
Même dans l’entrée sur la Dernière Guerre, la cause de la destruction de Cyre n’est pas dévoilée et il semble que cette information ne sera jamais rendue publique dans la gamme officielle. Si cette volonté de laisser des zones d’ombre pour que le MJ puisse y tisser ses propres intrigues est louable, il eût été préférable que les auteurs l’écrivassent clairement dès le début. Il est vraiment dommage que les auteurs ne disent jamais aux MJ : « Voilà votre bac à sable, faites-y ce que bon vous semble, nous ne publieront pas de supplément sur le sujet dans deux ans. Les univers sont toujours suffisamment vastes pour y laisser des éléments inexpliqués sur lesquels les MJ pourront broder. »
Ce faux guide du joueur mais véritable guide du maître mérite sans problème ses sept doigts.

Dark is the World
Avec la sortie d’Armory (White Wolf, 216 pages, ISBN 1-58846-486-5, $29.99), l’éditeur d’Atlanta ajoute une nouvelle pierre à la gamme-socle de son jeu d’horreur contemporaine. Un jeu destiné à offrir une plateforme souple et légère aux histoires angoissantes de la nouvelle version du Monde des Ténèbres. Son système Storytelling avait mis l’accent sur l’ambiance, en particulier en rendant le combat plus abstrait par l’utilisation d’un jet unique, regroupant réussite et dégâts, lors de chaque attaque. Avec Armory, White Wolf tombe la masque et illustre de façon éclatante la duplicité dont il a toujours fait preuve, et qui est probablement à l’origine de son succès commercial. Il est possible de tout résumer en une seule question : que viennent faire les caractéristiques des obus antichar à ailettes de 122mm dans un jeu d’horreur surnaturelle ?
Dès son origine, White Wolf a choisi une communication valorisante envers ses clients en leur disant en substance qu’ils étaient différents des autres, qu’ils étaient les nobles héritiers des conteurs de veillée et qu’ils pourraient explorer les tourments de l’horreur existentielle grâce à leurs jeux. Pendant ce temps, il leur fournissait du background sombre, certes, mais surtout une liste interminable de nouveaux pouvoirs, tous plus puissants les uns que les autres. En résumé, White Wolf avait parfaitement emballé la classique (mais gratifiante et profitable) quête de puissance dans un discours positif et une esthétique soignée.
Avec le nouveau Monde des Ténèbres, la remise à plat du système avec l’adoption du Storytelling, semblait remettre la vision horrifique et narrativiste en selle. Las ! Avec Armory, les différents neurotoxiques (A4 compris) n’auront plus de secrets pour vous, de même que les armes automatiques à emprunt de gaz ou à culasse mobile. Finalement, si vous jouer au MdT pour ce qu’il est, vous n’en avez pas besoin. Si vous en avez besoin, il y a d’autres jeux bien mieux adaptés au combat tactique comme Spycraft. Là où Armory rate sa cible, c’est qu’il aurait pu fournir les outils pour donner de l’importance et une âme – au sens littéral – aux équipements : transformer une Twingo en Christine, assigner une malédiction à une cassette vidéo et j’en passe…
Dans un nouveau Monde des Ténèbres de haute tenue, Armory détonne singulièrement et peine à obtenir ses deux doigts et ce, uniquement grâce à l’importante somme d’information qu’il rassemble.

Backlog
Passé inaperçu il y a un an, Villany Amok (Hero Games, 176 pages, ISBN 1-58366-042-9, $26.99) mérite plus que tout autre d’ouvrir la section Backlog. Pourtant, Villany Amok est un supplément pour Champions, c'est-à-dire pour un jeu de super-héros, un genre qui n’est pas vraiment ma came. Le concept ? Prendre les thèmes éculés des comics et en proposer mille variations pour les renouveler de l’intérieur. Au menu ? Le hold-up, le prélude à une invasion alien, la drogue miracle qui donne des super-pouvoirs, le bâtiment en feu, l’expérience scientifique qui tourne mal, le mariage de super-héros perturbé, etc. Tout cela est, en effet, très convenu mais après tout, les structuralistes ont montré depuis bien longtemps que les situations narratives de base sont peu nombreuses. A chaque fois, Scott Bennie – l’auteur – offre une multitude de possibilités pour construire un scénario différent : changer le début, le milieu, la fin, comment étoffer l’intrigue, sur quoi la faire déboucher et pour chaque idée, il offre une complication pour la rendre encore plus vicieuse. Avec son seul contenu, un MJ peut faire jouer des super-héros jusqu’à la fin des temps. Bref, de l’or en barre pour tout MJ en mal d’inspiration.
A bien y réfléchir, toute gamme de JdR devrait avoir son Villany Amok. Et chaque concepteur de JdR – ou tout auteur souhaitant le devenir – devrait se le procurer pour s’en inspirer, car Villany Amok est l’exemple parfait de ce que devrait être un supplément de JdR, son idéal platonicien. Il ne contient pas de nouvelles règles, de nouvelles factions ou les plans d’une énième ville, autant d’informations qui, si elles induisent des scénarios, n’en donnent pas. Il propose des histoires en germe – pas des scénarios –, présentées sous une forme modulaire, qui permettent au MJ d’exploiter son livre de base. La seule objection à ce type d’ouvrage, est que l’écriture des scénarios demande un peu plus de travail, puisqu’il faut assembler les briques. Mais est-ce vraiment une objection ?
Villany Amok obtient 9 doigts haut la main. Avec du med-fan ou de la SF, les deux mains y passaient.

After the commercial break
La prochaine fois, la sortie de la nouvelle édition d’Exalted sera le prétexte à un essai comparatif (les Yankees adorent ça !) Exalted v2/Weapons of the Gods. Il y aura aussi sans doute du Vorlon au dessert, avec Darkness and Light pour Babylon 5 et un passage à basse altitude sur la pile des PDF indépendants que j’ai à épuiser : Fastlane, Primetime Adventures et Dogs in the Vineyard. Guardians of the Veil – avec une couverture à dreadlocks – et Tome of Magic devraient fermer la marche.

Commentaires

  1. Anonyme23/5/06

    Faites un bon accueil à Christophe et sa rubrique qui s'adresse à nous, les geeks.

    Ce premier numéro promet beaucoup...

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  2. Anonyme23/5/06

    humu sera bientôt plus connu que casus... hu hu hu
    en tout cas j'aime ces critiques, les même pour les french serait classe. Bravo :-)

    ps : à qd un casus chaotique mauvais...

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  3. Anonyme23/5/06

    Quoi? HuMu est en train de devenir un Casus Off et on ne m'a pas prévenu ! Vite, que je resorte mon scénario Deadlands.. ;-) Bravo Chris, à suivre!

    -Guillaume

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  4. Anonyme23/5/06

    Cette rubrique me parle en tout cas :)
    J'aime beaucoup le ton et le style mais il est évident qu'il y a moins de contrainte à écrire sur HuMu que dans Casus.
    En tout cas, à mon avis, ça ne se substitue pas du tout à Casus...

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