Les années club (1ère partie)

Où l'on apprend que le catholicisme mène aux jeux de rôles

C’était une autre époque, un autre temps. On croyait que Mitterrand était de gauche, La Cinq diffusait L’enfer du devoir et Internet n’était encore qu’un gros minitel rose pour geeks. En province, les adolescents n’avaient que deux passe-temps : le foot et les mobylettes (les plus populaires allant jouer au foot en mobylette). Ceux qui n’étaient pas intéressés par les prémisses du tuning sur Peugeot 103 façon « T’as vu ma mob’ comme elle déchire maintenant que le l’ai kitée et que je lui ai sciée les pédales » et qui ne savaient que tirer des gros pointus dans le ballon étaient des ringards. Ces gros nazes même pas foutus de s’intéresser aux filles eurent, on ne sait comment, l’idée saugrenue de se réunir pour jouer à des jeux pas encore de rôles.

C’étaient de grosses boites remplies de figurines qui proposaient que des Space Marines massacrent des Aliens à coup de bolter dans les couloirs d’un vaisseau spatial ou bien que des Elfes anéantissent des Gobelins dans un donjon architecturalement improbable. C’était des après-midi joyeux où les dés et la mauvaise foi résonnaient gaiement. Des heures à rouler les dés et à avancer de trois cases en tapant ou en tirant sur tout ce qui bouge. Un jour, l’un de ces vauriens eut même l’audace de dire « Eh ben mon grand frère, lui, il joue à HeroQuest mais sans les figurines. » Mais les autres ne l’écoutèrent pas, car ils savaient bien que c’était impossible.

Le basculement eut lieu un week-end, lors d’une retraite spirituelle visant à préparer la Confirmation. Plusieurs des chenapans jeteurs de dés fréquentaient le catéchisme et ce week-end enfermé dans le séminaire était plus pénible qu’une soirée diapos chez Tatie Yvonne. Alors qu’ils pestaient parce qu’ils n’avaient pas pensé à amener Space Crusade pour occuper le samedi soir dans le dortoir du séminaire, un gars jusqu’alors ignoré par les gredins sortit de son sac à dos une étrange série de livrets avec un donjon et un dragon sur la couverture. « Ça vous dirait pas de tirer des persos à Donj’ ? » qu’il les apostropha. Une nuit blanche allait s’ensuivre et bien des gobelins allaient mourir dans ce séminaire.

Au moment de se quitter le dimanche soir, nos nouveaux baptisés du JdR cherchèrent un moyen de se revoir pour poursuivre leur aventure. Les retraites spirituelles dans les séminaires restaient rares. Le MJ donna la solution, qui était évidente : « Bah, vous avez qu’à venir au club samedi prochain. » Dieu venait de perdre une poignée de clients.

Commentaires

  1. Anonyme30/11/06

    J'aime beaucoup. Nous on avait des cartes oranges et on a continué l'aumônerie en parallèle, mais l'esprit était similaire :)

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  2. Anonyme30/11/06

    J'ai triché avec la réalité : j'ai conservé le biclassage rôliste/catho jusqu'à 18 ans.

    J'ai revendu le livre de base "Ancien Testament" et le la campagne "Nouveau Testament" peu de temps après avoir lu une autre édition de ce jeu, qu'ils avaient renommée "Coran" pour l'occasion.

    Mais c'est dingue comme ces deux hobbies sont liés.

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  3. Rhaaa, oui merci petit Jésus, les meilleurs parties de JDR étaient celles qu'on faisait dans la salle au-dessus de la chapelle.

    Pascal, toujours biclassé ^_^

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  4. Anonyme2/12/06

    Le catéchisme semble être le meilleur moyen pour initier les jeunes au JdR. À croire que les gamins qui avaient du temps à perdre à l'aumônerie étaient un public tout désigné pour finir rôliste.

    D'un autre côté, le catéchisme était un bon moyen pour se faire rencontrer des jeunes (je veux dire, en dehors des clubs sportifs), d'où de plus grandes chances d'être converti au JdR que dans une équipe de rugby.

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  5. Ah L'enfer du devoir, Paint it black comme BOF

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