Les Incidents de la nuit


Les soldes. Sur une table encombrée d'invendus, des noms d'auteurs inconnus jetés en vrac à l'indifférence générale. Des piles de livres sans gloire : le Bulgare en version Assimil. L'art arabe dans le bas-Maghreb de 1802 à 1804. Le Guide du caravaning gay. Sous un tas en difficile équilibre contenant de faux incunables de poche tranche la couleur remarquable qu'utilise L'Association pour publier ses BD si contemporaines. Deux piasses le tome, une aubaine de maquignon. Je fais tanguer la pile, fébrile, je bouscule une vieille dame obnubilée par un splendide Barbecue pour les nuls écorné. Là, dans cette décharge littéraire, dorment trois volumes signés David B. Et ils seront miens, dusse-je manier une biographie de Roch Voisine comme une arme pour faire reculer la mégère même pas apprivoisée qui fait obstacle entre moi et MES livres. Nos regards se croisent, le premier qui baissera les yeux aura perdu. Long silence. Je commence à faiblir, l'oeil droit me pique et me fait pleurer. Son regard a elle plonge malencontreusement sur un horoscope de 2003 en parfait état de conservation. J'ai gagné et je fonce à la caisse pour payer avant qu'un autre quidam remette en question ma propriété.


Les Incidents de la nuit mettent en scène David B. lui-même. À la frontière entre le rêve et la réalité, il fréquente une étrange bibliothèque non-euclidienne qui contient des trésors de papier. David B. est à la recherche d'une série de publication racontant des histoires fantastiques d'un autre temps. Plus il se renseigne sur ses fameux Incidents de la nuit, plus les choses se densifient : la Mort cherchant à tuer un bonapartiste en quête d'immortalité, une brève histoire des génocides, et toujours cette librairie fantasque aux entrailles d'encre et de reliures.

C'est érudit, ça oscille entre le l'irréel et l'invraissemblable, c'est illustré avec le trait sans pareil de David B. Mais ça n'a pas de fin, car la série est morte. Bien que le troisième volume annonce une suite intitulée Les Yeux du pont, le fleuve s'est tari avant d'atteindre la mer des lecteurs. C'est rageant, mais ça rend ces trois volumes de 32 pages encore plus énigmatiques.

L'Ascension du Haut Mal, du même auteur, m'avait plongé dans une introspection aussi lourde que bénéfique, mais ces trois carnets sont bien moins exigeants. Toutefois, il y a toujours cette sombre ambiance cauchemardesque, comme si Hieronymus Bosch se mettait à faire de la BD.

Commentaires

  1. Anonyme18/7/07

    Y a même un petit côté UA qui devrait pas vous déplaire...

    J'adore les Incidents (comme tout le reste de ce que fait David B.) et je recommande vivement le dernier album du même auteur "Par les Chamins Noirs". Ambiance Années 20 déjantée.

    Sinon, on ne recommande plus les Chercheurs de Trésor à l'atmosphère Mille et une Nuits.

    Bref, David B. c'est bon, mangez-en !

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  2. Tu es bien chanceux!! Vive les ventes de garage aux surprises telles que celles-ci ^_^

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