Peste - Chuck Palahniuk


Ceci est un détournement de billet.
Philippe avait écrit un billet sur Peste le 19 mars 2008.
Je viens de terminer la version Poche du livre. J'ai donc relu la critique de Philippe avant d'écrire la mienne... et je me suis rendu compte qu'il avait tout dit et que j'étais totalement d'accord avec son point de vue. Alors je me permets de faire remonter ce billet plutôt que de faire une redite.

Cédric






Depuis que Cédric m'a fait découvrir Chuck Palahniuk en me disant que ses bouquins étaient d'excellentes lectures et des inspis en or pour Unknown Armies, je suis attentif à ce que publie le bonhomme. J'avais critiqué A l'estomac sur ce blog, et, quand Peste est sorti, c'est tout naturellement que je me suis précipité dessus. En prévoyant quand même d'avoir cette fois-ci une bassine où vomir à portée de mains.



Peste est la (fausse) biographie orale de Buster "Rant" Casey, composée à partir des recueils des témoignages de tous ceux qui l'ont cotoyé. Concrètement, le texte est formé d'un choeur de paragraphes enchevêtrés donnant chacun la parole à un personnage. Chaque chapitre forme un fil directeur, et au sein de chaque chapitre les paragraphes attribués à un personnage se suivent tout en formant une sorte de contrepoint aux interventions des autres. Ce puzzle peut paraître bizarre, mais il est très bien maîtrisé et la forme du roman est plus accessible que l'enchaînement des nouvelles de A l'estomac.


Puisqu'il s'agit d'une biographie, Peste décrit la naissance, la vie, la mort et la vie posthume de Rant Casey. Le fil de celle-ci est présentée dès la 3e page, par le biais du père de Rant alors qu'il est en route pour aller chercher le corps de son fils. Rant est le fruit du viol de sa mère, grandit dans un trou paumé du nom (approprié) de Middletown, gagne la ville, rejoint une secte de chauffards nocturnes, devient le vecteur d'une pandémie, meurt dans un accident de voiture en direct à la télé, et devient une icône de la jeunesse.


Dans le récit de la jeunesse campagnarde de Rant, on retrouve le Chuck des précédents livres : anecdotes et faits divers émaillent un récit peuplé de rebondissements surprenants et de personnages déjantés. Le microcosme de Middletown donne évidemment l'occasion de critiquer certains travers de la société américaine, mais cette vision sociale est moins prédominante que dans A l'estomac. Rant enfant est déjà sérieusement barré : piqué par une araignée dans son enfance, il devient accro au poison et passe son temps à fourrer ses membres dans tous les trous, tanières, crevasses, qu'il peut trouver. Il récolte quantité de morsures et maladies, dont la rage, dont il devient porteur sain et qu'il refile à toute la ville. Car Rant est populaire et, ado, sait reconnaître toutes les femmes de la ville rien qu'en reniflant leurs serviettes hygiéniques usagées. Car s'il est moins trash que A l'estomac, Peste reste quand même assez cru, et on retrouve ces références constantes aux sécretions corporelles (urine, salive, sueur, sperme, sang, mucus, etc.). Chuck conduit sur le corps de ses personnages les mêmes outrages que sur la société qu'il dépeint, en en exposant les tripes et viscères.


Après cette 1e partie bien déjantée où l'on retrouve la patte de l'écrivain, on suit Rant dans son exode rural et sa découverte de la grande ville. Et là, surprise, on découvre que l'on est dans un bouquin d'anticipation (pour éviter le terme cyberpunk). Les gens ont des cablages neuronaux qui leur permettent de se passer des "transferts", la population est séparée en diurnes / nocturnes, et Rant rejoint des adeptes du crashing, un loisir consistant décorer sa bagnole selon un thème donné à l'avance pour aller emboutir les voitures des autres participants. Entre les digressions anthropologiques sur la nature cathartique de ce passe-temps et la perte de la focalisation sur le personnage de Rant, cette partie m'a moins convaincue que le premier tiers du livre.



Le récit ne s'achève pas avec la mort de Rant, et acquiert bien au contraire une nouvelle dimension, et, pour la première fois à ma connaissance chez Palahniuk, une connotation franchement fantastique. Ce développement m'a pris complètement par surprise, et je n'en dis donc pas plus pour ne pas gâcher le plaisir. Disons simplement que si la 1e partie du bouquin offre des pistes pour des personnages et situations "street-level" dans UA (Rant pourrait pratiquer une variante de l'epideromancie qui utilise maladies et poisons pour se mutiler), la fin est complètement "cosmic-level", avec Avatars en quête d'Immortalité, Cabales et Rituels prêts-à-l'emploi.



Au final, s'il ne s'agit pas du bouquin le plus réussi de l'auteur, Peste reste une très bonne lecture et une inspiration en or pour une campagne toute prête à servir chaud à une table de joueurs d'Unknown Armies. Vous pouvez déguster, la sauce à la merde est moins relevée que la dernière fois.

Woah, j'ai signé deux billets en 2008, il va falloir que je modère mes ardeurs...

Commentaires

  1. Ce billet donne envie.
    La couverture me laissait de glace jusqu'à maintenant mais désormais, j'ai bien envie de lire ce roman qui a l'air bien palahniukien. Miam, miam.

    Cédric

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  2. Spoiler (léger) :

    Spoiler :
    en tous cas, c'est la 1e fois que je vois une réponse au paradoxe temporel du grand-père (quand tu remontes dans le temps et que tu tues ton grand-père, cesses-tu d'exister ?). Rien que pour ça, ça vaut le coup d'être lu.

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  3. Euh, GROS GROS SPOILER tout de même !

    J'ai posté ma chronique sur mon blog si cela vous intéresse : http://tortue-geniale.over-blog.net/article-17579175.html

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  4. Anonyme22/3/09

    Au passage, le blog est très sympa.

    Pour le sujet présent, en matière de fantastique, Palahniuk n'en est pas à son coup d'essai. Je te recommande vivement "Berceuse" qui a une approche du fantastique interessante.

    Thomas Rey

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  5. Anonyme23/3/09

    Pas de doute, c'est du Palahniuk... Pas lu, mais les références au "corporel" auxquelles vous faites allusion, me rappellent inévitablement "Survivant"...

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  6. Je n'ai pas blogué sur Berceuse et Survivant, que j'ai lus tous les deux mais qui m'ont moins accroché que Fight Club, Peste et A l'estomac. Cédric a écrit un petit billet sur ces romans. Quant à moi, il me reste encore Choke et Monstres invisibles à lire.

    Et merci Thomas pour ton appréciation :)

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  7. Anonyme30/3/09

    Choke c'est du caviar, un film vient de sortir qui est vachement plus léger que le bouquin (un peu obligé) mais qui se laisse regarder. Monstre invisibles est un peu difficile à suivre au début et tout d'un coup, Fiat Lux. Dans Monstres Invisibles, j'aime tout particulièrement l'immense documentation réalisée par Palahniuk sur des sujets divers, anecdotes qu'on retrouve dans Fight Club ou Survivant.

    Thomas REY

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  8. Cette documentation est un trait que l'on retrouve dans tous les bouquins de Chuck, j'ai l'impression.
    Merci pour le 1er avis sur le film, je me demandais ce que ça donnerait. Ca sort bientôt en France, non ? J'ai vu une nouvelle édition de Choke avec l'affiche du film, en général c'est un signe qui ne trompe pas.

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  9. Je suis passé à côté de cette chronique à l'époque et tout bonnement à côté de l'auteur pour être honnête. C'est aussi pour cela que j'aime beaucoup ce blog, me faire régulièrement découvrir des ouvragesou des auteurs qui sortent du cadre de mes lectures habituelles. Nul doute que celui ci m'a taper dans l'oeil. Lorsque j'en aurai l'occasion je verrai sir j'ai les "tripes" ou pas ;o))

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