Deadwood


Je radote en disant que HBO produit les meilleures séries du monde, mais Deadwood est encore une fois une merveille de télévision. Comme toute bonne série qui se respecte, elle a été annulée en cours de route à la fin de sa troisième saison (pour un total de 36 épisodes) alors que son auteur tablait sur quatre saisons pour boucler son histoire.

L'action prend place en 1876 dans la bourgade de Deadwood (Dakota), une ville boueuse qui est sortie de terre très rapidement suite à une ruée vers l'or. Établie sur des territoires indiens, elle n'est rattachée à aucun état, d'où de sombres magouilles politicardes de ses voisins pour tenter de récupérer cette richesse. Deadwood est un bourbier peuplé de rustres qui ne pensent qu'à une chose : faire fortune, quel qu'en soit le prix. D'ailleurs, le sous-titre de la série est "Fortune comes with a price". Les héros ne sont donc pas de beaux cowboys repoussant d'ignobles indiens mais des salopards de première, des putes sans scrupules, des meurtriers sans âme, des tenanciers de bordel prêts à tout, des opportunistes prêts à tirer dans le dos du premier venu... On est loin de La petite maison dans la prairie et de ses leçons de morale.

Deadwood est crade. Les morts finissent dans l'enclos à cochon où ils sont dévorés. Les gens du coin n'hésitent pas à lyncher le Noir pour se passer les nerfs. Pas de duel d'honneur dans la Grande Rue : les rares fusillades sont sordides et ressemblent plus à des guets-apens. Une passe avec une pute chinoise y coûte 10 cents.

Mais ce qui frappe le plus, c'est la vulgarité du language et des images. En dehors d'une poignée de pieds-tendres (tel le rédacteur du journal local ou la riche veuve qui possède une énorme concession), tout le monde jure en permanence. Putain et enculé sont les deux mots les plus prononcés par les protagonistes et rien n'est épargné au téléspectateur : la caméra ne s'arrête pas quand les filles du bordel travaillent fort. Je n'ose imaginer le nombre de plaintes que HBO a dû recevoir de la part de l'auditoire. La légende veut que le mot fuck soit prononcé 43 fois durant la première heure de la série et 2980 fois au cours des trois saisons (soit 1,56 fuck par minute). Ce n'est bien évidemment pas un argument de vente, mais je trouve ce réalisme assez jouissif, surtout quand on a supporté Docteur Quinn, femme médecin pendant des années.

Les héros ? Arf... Buffalo Bill en fin de carrière. Calamity Jane en poivreaute ultime. Seth Bullock, le marshal droit dans ses bottes. Une fille qui travaille pour Pinkerton. Un Chinois qui ne parle pas un mot d'anglais. Une pute qui veut apprendre la comptabilité... La grande majorité des personnes est inspirée par les vraies personnalités qui ont peuplé Deadwood à la grande époque. C'est d'ailleurs rigolo d'aller sur la page Wikipédia de la série pour mesurer l'écart entre la réalité et la fiction. Rien qu'en regardant le casting sur le site de HBO, on se rend compte de l'incroyable richesse des personnages et des acteurs de la série.

En résumé, Deadwood est au western ce que Rome est à Astérix.

Pour finir, un petit florilège de répliques d'Al Swearengen, mon personnage préféré. C'est un odieux tenancier de saloon/bordel qui manigance en permanence pour faire vivre Deadwood et s'en mettre plein les poches au passage :

(alors qu'un client annonce qu'une famille vient de se faire massacrer à quelques pas de Deadwood)
Al Swearengen: God rest the souls of that poor family... and pussy's half price for the next 15 minutes.
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Al Swearengen: You want a blow job while I talk to you?
Judge: No.
Al Swearengen: I wasn't offering personally.
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(parlant de ses clients)
Al Swearengen
: Sometimes I wish we could just hit 'em over the head, rob 'em, and throw their bodies in the creek.

Des fois, quand je rêve, j'imagine un cross over entre Deadwood et Firefly/Serenity.


Commentaires

  1. Anonyme28/1/09

    Entièrement d'accord. C'est excellentissime car filmé au ras du sol comme Rome, ce qui permet de voir en gros plan un lieu et des personnages très réalistes et très loin de l'image d'Epinal de la chose.
    En revanche, j'ai décroché sur la saison 2, l'effet de surprise ne jouant plus, j'ai retrouvé mes à priori sur l'univers du western.

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  2. C'est une des meilleures séries américaines qui soient. Personnages incroyables, dialogues travaillés au milimètre, ambiance exceptionnel. Dans une veine comparable, Carnival est pas mal non plus

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  3. La réticence que j'ai avec Deadwood, c'est que l'arc narratif est étrange. Ça manque d'un enjeu par saison, un truc qui te donne envie de savoir la suite. À mon sens le suspens basé sur "est-ce que Deadwood va rester indépendante ?" ne fonctionne pas. D'autant plus que l'aspect politique de cette intrigue est volontairement peu expliqué par le scénario. Les protagonistes discutent de faits et de personnages extérieurs à Deadwood, c'est impossible de comprendre ce qui se trame avec les états voisins sans être un expert de cette période. Du coup le spectateur est un peu mis de côté, ce qui n'aide pas à se sentir intégré à l'univers.

    La saison 2 amène pourtant des choses terriblement intéressantes (le fils et la femme de Seth débarquent à Deadwood, le télégraphe est installé en ville, des intérêts financiers énormes entrent dans la danse, Chinatown devient une vraie poudrière, Al est malade...) mais il manque un petit truc pour accrocher le téléspectateur.

    J'ai eu le même souci avec Carnival où je n'ai pas dépassé la première saison (je m'endormais souvent devant les épisodes, ceci dit)...

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  4. Anonyme22/2/09

    Juste une petite rectification, il ne s agit pas de Buffalo Bill, mais de James Butler Hickok dit Wild Bill .

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