E-books, poches, et grands format

J'ai longtemps été fétichiste romantique du livre, couvant d'un regard nostalgique les bouquins qui m'avaient apporté des heures de plaisir et de satisfaction. Je ne faisais pas la distinction entre la lecture, le souvenir de cette lecture, et l'objet qui avait permis de la réaliser (Note : placer ici une allusion intelligence à Ferdinand de Saussure). Un livre était à la fois une promesse de lecture future (de relecture, de prêt, de transmission) et un souvenir. Partant de là, il m'était difficile de me séparer de tous ces bouquins lus un jour et jamais ouverts depuis. Et le livre pouvait être une horreur absolue en tant qu'objet édité (par exemple, un roman de Fantasy US ou un bouquin Pocket illustré par Siudmak), s'il m'avait procuré du plaisir, il fallait qu'il soit conservé.

Mais aujourd'hui que je remets en cause mon attachement à mes possessions matérielles, et que, plus prosaïquement, que j'ai besoin de place, je parcours d'un regard dessillé ces rayonnages de poche jaunissants, et je me dis que, décidemmment, ils sont bien vilains. Ai-je besoin de les entasser autant ? Tous méritent-ils d'être gardés ? Quel est mon rapport avec eux ?

Des lectures récentes, faites à gauche et à droite, m'ont amené à changer mon point de vue : le billet de Cédric, à propos de sa chouette liseuse numérique, le débat qui s'en est suivi, et tout ce qui va dans le même sens (la plate-forme numérique du Bélial, la réponse d'Ayerdhal...); Daylon, dont la lecture régulière du blog m'amène à penser que le talent est la chose la plus injustement distribuée du monde et que je suis de ceux qui peuvent s'en plaindre plutôt que s'en réjouir, à propos de la conception et de la fabrication de CLEER, de L.L. "Le Pendu" Kloetzer; les efforts de l'éditeur Gilles Dumay pour promouvoir la collection Lunes d'Encre; etc.

Je sais maintenant où j'en suis : j'ai deux besoins, deux envies différentes, qui peuvent être satisfaites ou non par le même acte d'achat : celui de lire, et celui de posséder un bel objet éditorial. Quand j'achète un poche, quand je commande un bouquin technique, je satisfais le besoin de lecture. Quand j'achète un grand format soigneusement édité, je satisfais celui de possession. Les deux besoins peuvent être dissociés : je satisfais celui de lecture en allant à la bibliothèque ou en téléchargeant un format numérique; et je peux racheter un livre déjà lu dans un format particulièrement esthétique.

Fort de ce constat, j'ai commencé à faire deux choses, en apparence contradictoires : me débarrasser des livres pour lesqules les réponses aux questions "Relirai-je un jour ce livre ?", "Conseillerai-je un jour ce livre ?" sont "non" et "non"; racheter en grand format les bouquins que j'ai adorés, pour le plaisir de les avoir sous les yeux et sous les doigts. J'ai ainsi acheté une belle et ancienne édition des Misérables, ainsi que la réédition chez Lunes d'Encre de l'Ombre du Bourreau. Enfin, je vais me procurer une liseuse, et je lirai notamment avec tous les bouquins de Big Commercial Fantasy pour lesquels j'ai une faiblesse compulsive.

J'espère, avec un budget lecture à peu près identique à aujourd'hui :
  • Gagner de la place
  • Lire plus ou plus facilement, le besoin de lecture étant moins contrarié par la pression du porte-monnaie (grâce au format numérique et à la bibliothèque)
  • Avoir de beaux livres sur mes rayonnages
Et, finalement, je ne pense pas acheter encore beaucoup de poches - sauf si j'ai oublié mon livre avant de prendre le train, bien sûr !

Commentaires

  1. Bon, moi j'aime mes poches et je n'ai jamais acheté que ça même durant les périodes où j'étais plus argenté. Mais disons que je suis taré et n'en parlons plus ;o)
    De plus, tu as raison de dire que ça prend une place folle et qu'on ne les relit (presque) jamais.
    En revanche, dis-moi que demain je pourrais trouver tous les livres que je souhaite en SFFF (ou autre, peu importe), récemment sortis ou non et en VERSION FRANÇAISE et sans que j'ai l'impression en le payant de me faire détrousser au coin du bois et je cours acheter une liseuse.

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  2. @Munin D'accord avec toi. Maintenant j'achète de belles éditions pour les yeux et sinon je préfère la version numérique (d'autant que certaines choses ne sont pas traduites ou trop lentement).

    @Arutha Je ne relis presque rien (déjà pas le temps de lire ce qui est neuf) et en terme de place je suis au bout de ce qui est stockable. Mais surtout je peux assure tout le monde qu'une liseuse est d'usage très confortable, bien plus qu'un poche, et qu'à prix égal je n'hésite pas une seconde et même un peu plus cher j'achète encore pour le confort.

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  3. @ arutha : je ne cherche pas à critiquer les autres attitudes que la mienne vis-à-vis des livres, je présente mon point de vue et le fruit de mes réflexions. Continue à collectionner les poches, je ne traiterai pas de taré pour autant.

    @ Cédric (qui n'a pas encore participé) : je suis preneur d'un billet sur les plate-formes de ventes de livres numériques, car, comme je te le disais par mail, je ne comprends pas trop où acheter à part sur Amazon avec le Kindle.

    @ Gromovar : moi non plus, je ne relis presque jamais. Mais j'ai aussi décidé de ne plus céder au supplice de la LAL, en arrêtant de chercher les nouveautés. J'ai pris la résolution de ne plus acheter de livres (pour la lecture, pas pour la possession) tant que je n'aurai pas lu tous les bouquins de ma PAL. Ca risque de me prendre un moment...

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  4. Ayé, tu as basculé vers le côté obscur de la lecture !
    J'exige une vidéo quand tu brûleras ta collection d'Eddings.

    Maintenant, concernant les plate-formes, chaque marque à son portail. Moi, c'est le Reader Store de Sony (http://ebookstore.sony.com/index.html) mais j'imagine que le Kindle est directement relié au catalogue Amazon.

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  5. AAah OK chaque outil a son store propriétaire. J'avais pas compris. Donc Sony => Reader Store, Kindle => Amazon, iPad => iBooks... En choisissant l'outil, tu choisis la plate-forme.

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  6. C'était pour faire de l'humour ... même si c'était pas drôle.
    Encore une fois vos arguments sont parfaitement recevables. Il n'en reste pas moins qu'il n'y a pas d'offres (intéressante) pour ceux qui ne lisent qu'en français.
    Pour ceux qui lisent en anglais, c'est juste le bonheur total.
    Sans oublier tout de même, il faut être honnête, tout ceux qui ont envie de lire les grands classiques français. Ceux-là ont de quoi faire et ont une offre gratuite très complète.

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  7. Ce qui est important dans tout ça, c'est que Gene Wolfe est le meilleur et donc que tu as bon goût :) Tu en a lu d'autres ?

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  8. Je te rejoint en ce qui concerne la constitution d'une bibliothèque de beaux livres que j'ai aimé et que je relirai. ;)

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  9. Anonyme28/9/10

    Coucou Cédric, chuis l'auteur de la nouvelle dans Bardak... Ca fait un bail.

    Personnellement, mon ebook reader me sert à choper les quelques centaines de bouquins star trek que je pourrais jamais acheter (j'achete la série Titan mais sinon...), les bouquins Doctor Who, ainsi que deux-trois autres trucs difficiles à trouver/trop chers pour ce que c'est.

    Une fois j'ai aussi récupéré des novellas pulp écrites pour l'univers de Crimson Skies et je les ai mis en forme pour etre agreable sur ebook. C'était plus agréable à lire qu'à l'écran, et j'ai pu les emporter en vacances.

    Vraiment je pense que y'a plein d'usages possibles (dont me trimballer les devoirs de traduction pour la fac que j'ai la flemme de réécrire à la main après les avoir travaillés à l'ordi...)

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