J'étais garde du corps d'Hitler


Ce n'est pas un livre que j'ai acheté, c'est un livre laissé chez moi par un visiteur de passage. Il n'avait pas sa place dans la PàL, il traînait à part, condamné par avance. Le titre racoleur, la couverture qui tapine dans les plus bas instincts historiques. Il est pourtant arrivé à se faire lire.

Rochus Misch est un jeune orphelin devenu apprenti peintre quand la guerre éclate. Il sert sous les drapeaux comme il se doit et prend rapidement une balle dans la poitrine. À la sortie de sa convalescence, on le transfert à la chancellerie dans un commando chargé de protéger Hitler. Jusqu'à la fin du régime, Misch va donc être le témoin direct de la vie de la garde rapprochée d'Hitler.

J'étais garde du corps d'Hitler. Avec un titre pareil, on s'attend à une vie incroyable. Des complots stoppés à la dernière minute. Des tentatives d'empoisonnement avortées. Pas du tout. Misch est en vérité plus un facteur/téléphoniste qu'un vrai garde du corps. Son emploi est surtout administratif. Quand une bombe explose dans le bunker d'Hitler, Misch n'est même pas là. C'est au contraire de ce que laisse penser la couverture une petite vie de fonctionnaire. Misch liste les petits tâches de la chancellerie. Porter un cadeau de Noël à telle actrice. Apporter des messages à Hitler. Assurer les liaisons téléphoniques quand tout ce petit monde part dans un autre QG. C'est finalement un travail aussi passionnant que celui de commis adjoint au sous-secrétaire de la cour des comptes.

Ce sont les derniers jours d'Hitler et de son entourage qui sont les plus intéressants. Une sorte de redite du film La Chute (que Misch qualifie de drame d'opérette tant le film exagère sur l'ambiance régnant dans le bunker). Mais pour le reste, ce sont des souvenirs évasifs d'un vieux monsieur qui a la mémoire courte. Car à l'entendre, il ne savait rien. Oh non. Lui ne lisait pas les messages qu'il transmettait, il se contentait de les porter à Hitler. D'ailleurs il insiste bien : il n'a jamais lu Mein Kampf, n'a jamais été membre du parti nazi et a été même marié toute sa vie à une militante de la social-démocratie. Il ne savait rien des camps de concentration, évidemment. Il n'était qu'un simple soldat un peu con-con qui voulait faire son travail le plus correctement possible et avoir la reconnaissance de son patron. D'ailleurs, Misch n'a aucun regret et ne connait pas la culpabilité. C'est vrai, quoi, il faisait son devoir. Il estime avoir payé son ardoise quand il est passé dans les mains des bourreaux de la Lubyanka (c'est vrai que ça solde pas mal les comptes).

Je sais, c'est facile d'avoir le cul posé dans son année 2010 bien moelleuse et de fustiger la moralité d'un soldat peut être naïf. Sans doute était-il vraiment dépassé par ce qui l’entourait. Et c'est vrai qu'au final, il n'est coupable de rien. Il n'a fait déporter personne. Il n'a même jamais tiré un coup de feu de toute la guerre. Il était juste un rouage inconscient de cette saloperie de système. D'accord. Tiens, voilà mon pardon, pour ce qu'il vaut. Mais alors pourquoi éditer ces mémoires ? Elles n'apportent rien historiquement (je suis loin d'être un spécialiste de la période, mais je n'ai pourtant rien appris de neuf), elles sont floues, parfois erronées. Il n'a aucun recul sur ce qu'il a vu, il n'analyse rien. Il annone les détails sans importance. Il se caractérise même par une totale absence de conscience politique, il ne comprend par ce qui l’entoure. Son témoignage prend de la valeur parce qu'il est le dernier témoin vivant de tout ce merdier, mais en toute franchise, ses souvenirs ne sont pas significatifs. Ce n'est qu'un coup éditorial. Une petite crapulerie qui fait vendre du papier en obligeant Clio à faire le trottoir. Car je doute que Mish ait souhaité de lui-même témoigner. On sent qu'un journaliste (celui qui préface le bouquin) est allé lui soutirer des entretiens histoire d'en tirer un jus qui tache.

Commentaires

  1. Vivement les prochains tomes de la série "Mon dictateur et moi".

    Au programme pour 2011

    "Dans les cuisines de Staline"
    "Sommelier de Pinochet"
    " Médecin personnel d'Amin Dada" (ah non, ça c'est déjà fait)

    et le best-seller "Pol Pot, mon pote"

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  2. Je ne suis pas contre les livres-témoignages des proches des grands salopards de l'Histoire, mais il faut le texte apporte quelque chose. Qu'il permette de comprendre une facette du tyran.

    Dans le cas présent, Misch est le premier à reconnaître qu'il était rarement en contact avec Hitler, qu'il ne comprenait rien à rien à la situation politique de l'Allemagne et que même des années plus tard, il ne tire aucune leçon de tout ça.

    Bref, on sent le pauvre type que les journaleux sont allés faire chier quand le film La Chute a fait parlé de lui.

    Si les entretiens avaient été menés par des historiens capables d'analyser son témoignage, de le mettre en perspective, ça aurait peut être donné un bouquin intéressant. Mais en l'état, c'est des souvenirs peu intéressant qui touchent toutefois à Hitler et donc se transforment en or.

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