Gotham Central

Gotham Central, où comment mettre du Ed McBain dans ton Batman.




Mais que font les flics dans les villes où il y a des super-héros (et donc ces super-méchants) ? La réponse tient dans cette série découpée en 4 volumes de 220 pages chacun où l’on suit le quotidien d’une unité de flics : la Major Crimes Unit (tout comme dans The Wire, tiens donc). Ils font les trois-huit en enquêtant sur les trucs les plus tordus que connait Gotham City. Et elle s’y connait en bizarreries, cette ville de dingues. Et quand ça coince, quand l’enquête finit dans une impasse parce que le coupable s’appelle le Chapelier fou ou le Joker, on allume la mort dans l’âme le projecteur qui permet d’appeler Batman à l’aide. On ne le fait pas de gaité de cœur : c’est un affreux constat d’échec que de devoir passer la main à ce type. C’est même juridiquement compliqué, si bien que la seule qui ait le droit d’actionner le signal, c’est la secrétaire. Batman déboule, il sort l’enquête du cul-de-sac dans lequel elle était vautrée et les flics ont alors l’absolue confirmation que le système est mal branlé et qu’ils ne servent à rien.



Et donc, Gotham Central, c’est la vie ordinaire de flics dans une cité pas ordinaire où un corps retrouvé dans une allée louche finit invariablement par mener à un professeur fou ou à soupçonner Catwoman. Les coupables sont originaux, mais les victimes sont aussi mortes que si elles avaient été tuées par un drogué à New York. Et ces flics ont des vies de flics faites de rivalité, d’arrangements avec la légalité, de contestation de l’autorité, de connivence avec son partenaire… C’est un très joli Gotham PD Blues avec des histoires personnelles qui savent être touchantes entre une attaque de Mr Freeze ou un plan machiavélique du Pingouin. On a là de vrais personnages tout en relief, c’est de la belle ouvrage. Des qui ne peuvent pas piffrer Batman, d’autres qui en rêvent la nuit. Des qui doivent se faire respecter avec les poings, d’autres qui crèvent en service. C’est un beau portrait de famille.



Le hic, c’est que l’utilisation systématique d’un super-méchant du Batverse m’a plus souvent ennuyé que charmé. J’ai toujours pensé que Batman n’avait pas besoin de lutter contre des monstres pour être intéressant. Sa quête de justice n’a pas besoin de Poison Ivy pour être belle et inspirante. C’est même tout le contraire. Si bien que la série est légèrement torpillée par ces méchants grandiloquents qui en plus deviennent ridicules par le nombre. Des intrigues n’employant pas systématiquement un esprit dérangé méritant de vivre à l’asile d’Arkham auraient été préférables. En fait, j’ai eu le plus souvent envie que la série soit détachée du Batverse. C’est dommage car le traitement de Batman est bon : ses rapport avec les flics sont ambigües, il n’est pas présenté comme LA solution, c’est juste une béquille dont tu aimerais bien te débarrasser car elle prouverait que tu ne boites plus.

Mais avec la série Powers, qui met elle aussi en scène des flics dans une ville qui a fait le plein de super, c’est une très bonne source d’inspiration pour un éventuel jeu de rôles basé sur la coexistence de héros et de gens plus ordinaires.


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