Jabberwocky de Terry Gilliam



Jabberwocky est le premier film de Terry Gilliam (si l’on omet la double casquette de réalisateur qu’il partage avec Terry Jones sur Sacré Graal) et le premier film post-python d’un des membres du groupe. Le personnage principal est incarné par Michael Palin, donc on reste un peu dans la famille, et il est difficile de ne pas voir des parallèles avec Sacré Graal dans le traitement du moyen-âge fantastique.

Néanmoins, les deux films sont très différents. Là où le scénario de Sacré Graal n’est qu’un prétexte à aligner des sketches thématiques hilarants, Jabberwocky propose une vraie histoire, une sorte de road movie médiéval qui voit Denis (Michael Palin) le fils moderne d’un tonnelier de la vieille école se faire déshériter par son père sur son lit de mort. Il part à la ville pour faire fortune et revenir demander la main de Griselda, la fille odieuse et porcine du marchand Fishfinger, notable du village. Le tout en des temps troublés où le Jabberwock (monstre inspiré du poème absurde Jabberwocky de Lewis Carrol) ravage la région.

La ville est le personnage central du film, crasseuse, corrompue, illuminée et gouvernée par Bruno le Douteux (Bruno the Questionable), roi sénile et entouré de courtisans obséquieux. D’ailleurs, dès les premières minutes du film, avant même que Denis n’arrive à la ville, on sait qu’on va patauger tout le long dans la fange et les viscères : la première attaque du Jabberwock, superbement filmée, nous montre le massacre d’un braconnier (cameo de Terry Jones qui finit dans un état comparable à celui de son rôle de Monsieur Créosote dans Le Sens de la Vie) dans une explosion d’organes internes; Denis quant à lui passe les premières minutes du film à se faire chier dessus pisser dessus (littérallement).

Arrivé à la ville, tout n’est que boue, sang, mutilations, j’en passe et des meilleures. Tout ça n’est pas de bon goût (évidemment, c’est Gilliam…) mais ça contribue à créer cette atmosphère d’un moyen-âge fantastique, mais certainement pas fantasmé. Toutes les figures classiques du conte européen, le dragon, le chevalier blanc, le chevalier noir, le vieux roi, les courtisans, les chrétiens fanatiques font partie intégrante de l’histoire, mais leur rôle est légèrement (ou parfois très franchement) décalé si bien qu’on est jamais dans le conte de fées. Il y aune pointe d'absurde, mais elle n'est pas aussi prononcée que chez les Monty Python.

Au final, Jabberwocky est un film qui ne manque pas d’imperfections, et dont le scénario comporte des lourdeurs, mais qui est traversé d’éclairs de génie (les courtisans discutant sur leurs chaises à porteur, le héraut bavard du Roi et ses déboires, le sanglant tournoi de Chevaliers, etc.) Il faut le voir avec un œil indulgent, comme le premier film d’un réalisateur qui deviendra un monstre sacré avec Brazil dix ans plus tard. Mais pour qui aime l’esprit irrévérencieux des Monty Python c’est aussi un film drôle, qui se tient, l’histoire d’un idiot sympathique qui veut prendre son destin en mains et se fait prendre en mains par le destin à la place.

On trouve Jabberwocky en VOST à vil prix en DVD, ce serait bête de se priver...

Commentaires

  1. La scène d'intro est géniale je trouve. Par contre j'ai toujours eu du mal avec l'humour "monty pithonesque" alors ce film, qui en est encore fort imprégné, bof quoi.

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  2. Ah ben c'est clair qu'il faut avoir un minimum d'affinités avec la "formule python". La grosse différence entre Jabberwocky et Sacré Graal c'est que le premier offre un récit barré mais cohérent, contrairement au second. Sans doute à cause de ça, Jabberwocky est aussi moins drôle, ou en tous cas pas à pisser de rire.

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