47 Ronin

Oui, ça va spoiler. Évidemment.

Tout a débuté par une véritable brève de comptoir entendue dans la file d'attente :
"Je suis allé voir ce film hier (le gars pointe l'affiche du Hobbit 2), mais je crois bien que c'est le genre de film où il y a une suite".
Ça partait bien.

Car oui, je suis allé voir un film de fantasy où un groupe de héros rentrent chez eux pour laver leur honneur, mais ils tombent sur un dragon. Non, ce n'est pas La Désolation de Smaug, c'est 47 Ronin aka 47 Gros Nains.


Normalement, je ne me saurais pas vanté d'être allé voir ce film, mais en lisant ça et là que les producteurs du film exigeaient un embargo de la part des critiques, et sachant qu'il ne sera diffusé en France qu'en avril 2014, j'en parle. Non mais.

Mais d'abord, un court préambule : oui, je fais partie de ces gens qui ont d'abord connu cette histoire via un film japonais en noir et blanc avec Toshiro Mifune et des sous-titres baveux sur une cassette VHS usée. Ambiance Télérama. Ça ne fait pas de moi un puriste du Japon médiéval hurlant à la mort car ils ont titré Ronin au lieu de Rōnin, mais disons que je ne fais pas partie du public-cible de cette version.

Pour mémoire, tout a débuté avec cette bande-annonce qui ne laissait présager rien de bon. Eh bien pour une fois, une bande-annonce a tenu parole.

C'est donc l'histoire d'un gaijin qui tombe amoureux de la fille du daimyo mais pas de bol, y'a une méchante sorcière qui bidouille pour éliminer le seigneur, qui est obligé de se faire seppuku. Alors ses 47 samouraïs se vengent un an plus tard. Et c'est exactement ce à quoi vous vous attendez : des boules de feu et des ninjas avec Sad Keanu. Pas moins, pas plus. Surtout pas plus.

Donc, Keanu le survivant, il joue un sang-mêlé sur lequel tous les samouraïs du coin chient, mais en fait c'est lui qui va leur apprendre ce qu'est l'honneur et la vengeance. Un peu comme Tom Cruise dans Le Dernier samouraï, mais avec des pouvoirs magiques. C'est vraiment insultant de prendre une légende nationale et de la triturer pour faire en sorte qu'un étranger explique aux gens du coin comment faire pour gagner. C'est comme si dans les 3 mousquetaires, c'était le serviteur anglais de d'Artagnan qui retrouvait les joyaux pour les rendre à la reine.

Parce que c'est pas un si mauvais film de fantasy si on accepte que ça n'a rien à voir avec le mythe des 47 ronin. D'ailleurs, on dit 47 ronin, mais quand ils passent enfin à l'action, c'est 47 ninjas. Ça passe direct de "on est des samouraïs de base" à "en fait, on maîtrise trop bien le shinobi", sans raison. Ils se cachent juste dans la forêt pas loin (qui a dit ronin des bois ?) pendant un an, et paf, ils s'improvisent ninjas.

Ce qui aurait pu être intéressant c'est de montrer ce que sont devenus les 47 gusses après un an de bannissement, de montrer leur déchéance, leur doute, puis la rédemption. Mais non, c'est pas le propos du film : c'est une histoire de fantasy, avec des plans à la Peter Jackson (je vous jure, on voit plusieurs fois le groupe de ronin qui chevauche en file indienne sur le crête d'un endroit qui pourrait être dans les Terres du milieu tandis que l'hélicoptère fait un plan large) et de la magie numérique outrancière. Même Zombie-Boy, qui est sur l'affiche, a en fait un caméo de 12 secondes et une réplique qui n'apportent rien à l'histoire. Ah oui, et il y a la quête des épées magiques, aussi, qui est bien inutile. Oui, épée. Je ne sais pas si c'est un truc de la traduction en VF mais on ne parle jamais de sabre ou de katana mais bien d'épée. D'ailleurs, nous vous attendez pas à des duels somptueux : les rares combats sont gauches. Keanu se bat contre le même samouraï en métal que dans Wolverine 2.

Moi, que Keanu incarne un samourai, je dis pourquoi pas. J'ai adoré qu'Idriss Elba incarne Heimdall dans Thor, alors je ne suis pas regardant. Et j'ai déjà vu Milla Jovovich joué Milady de Winter contre des mousquetaires ninjas, mes standards sont donc très bas. Mais ajouter un personnage blanc élevé par les tengu juste pour que le spectateur ne soit pas trop perdu, c'est d'un ridicule consommé. C'est un peu comme si Mark Dacasco se mettait à faire du kung-fu dans le Gévaudan (ah merde, non, ça s'était bien).

Oser dire à la fin de 47 ronin que le film fait référence aux vrais samouraïs sur la tombe desquels les Japonais se recueillent chaque année, c'est ajouter l'insulte au mépris. Tarantino ne dédie pas Inglourious Basterds à la mémoire de Jean Moulin : il délire mais n'essaye pas de prétendre à une quelconque vérité historique. Ben là, si : ils te mettent un dragon, des ninjas et un samouraï blanc. Et ils te disent : "vous savez que c'est tirée d'une histoire vraie ?"

Ça aurait pu être pire. Si, ils auraient pu mettre un happy ending à la noix, histoire de vraiment dénaturer l'histoire. Mais ils ont comme une petite gêne, quand même. Ça aurait fini par se voir.

Bref, un film avec 47 ronin durant lequel il est impossible de se s'attacher aux samouraïs en question car ils ne sont pas du tout les héros de l'histoire. Pire, puisqu'en fait c'est une méchante sorcière qui tire toutes les ficelles, les 47 ronin finissent donc par tuer un daimyo qui n'est finalement qu'une victime de plus des enchantements de la manipulatrice. Du coup leur vengeance est rendue stupide : ils tuent un innocent. Vous imaginez Edmond Dantès se trompant de cible ou Lagardère plantant son épée lors du duel final dans un type qui n'est pas vraiment responsable de l'embrouille initiale ?

Et je ne vous parle pas de l'histoire d'amour téléphonée pour faire chouiner dans les chaumières.

Donc non, non et non. 47 fois non.

Commentaires

  1. Fin d'année en beauté : 2 billets pour le prix d'un :-)

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    1. Ah zut, je n'avais pas vu ton billet, Philippe.
      Désolé pour le télescopage.

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    2. C'est un cadeau de fin d'année pour nos gentils lecteurs !

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    3. Quand deux négociateurs de haut vol essayent de nous vendre un chef-d'oeuvre sans se concerter...

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