Épisode 4
Numéro 168 de la
collection Fantastique / SF / Aventure.
En deux mots
Un jeune homme de
bonne famille rentre en Angleterre, fortune faite, pour commencer une paisible
carrière de gentleman farmer aux côtés de son oncle. Il se découvre vite des
voisins... compliqués.
Théoriquement, nous
sommes en 1860, date donnée au début du roman, mais à un moment, l'un des
personnages « éteint l'électricité », ce qui laisse entendre que le
« 6 » devrait être un « 9 »... ou que quelqu'un, auteur ou
traducteur, a fait une boulette. Dans le fond, peu importe, ce coin
d'Angleterre est inchangé depuis des siècles, pour le meilleur et surtout pour
le pire.
Inchangé, mais pas
complètement à l'écart du monde. Angleterre rurale ou pas, l'Empire est présent
en filigrane. L'un des voisins du personnage principal a un serviteur noir
récupéré au cours de ses voyages ; l'héroïne est la fille d'une Birmane et d'un
soldat anglais, et le héros n'a aucun mal à acheter des mangoustes en ville
quand il découvre qu'il a un problème de serpents.
Pourquoi c'est bien
Alors déjà, un
avertissement, ce n'est pas un bon
roman. C'est bien écrit, il y a des pages excellentes... mais Stoker se perd
dans ses sous-intrigues, rajoute des fioritures qui paraissent superflues à
notre regard moderne, fait sauter la caméra d'un protagoniste à l'autre sans
raison apparente et, d'une manière générale, dilue un propos qui aurait tenu en
moitié moins de place s'il avait fait des coupes, ou dans le double s'il
l'avait développé. Les meilleurs morceaux sont ceux qui ressemblent le plus à Dracula, avec un homologue de Van
Helsing qui se charge du travail en bibliothèque pour expliquer le passé de la
région au héros.
En revanche, c'est
encore une bonne balade dans l'inconscient des Victoriens. Vous allez dire que je
radote, mais leurs réactions sont parfois plus extrêmes que les nôtres...
L'héroïne est capable
et intelligente, mais surtout, surtout, il ne faut rien lui expliquer, il faut
la protéger, la mettre à l'abri... et tant pis si elle prend des initiatives intempestives
qui mettent sa vie en danger.
Le domestique noir est
l'objet d'un dialogue sur le thème « non, mais s'il vous embête,
abattez-le, ce n'est pas un problème, tout le monde s'en fiche et il y en a plein
d'autres de là où il vient ». Alors certes, ce sont des méchants qui
discutent, mais quand même...
Quand au monstre, même
identifié, s'en débarrasser s'avère compliqué car « toutes sortes de problèmes de légalité devaient être envisagés ; non
seulement en ce qui concernait la mise à mort d'un être, même d'une
monstruosité à forme humaine, mais aussi en ce qui concernait ses biens. »
Amis vampires, démons,
sorciers et goules, n'oubliez pas : à cette époque, acheter un bout de terrain
vous rend plus difficile à tuer, ou au moins garantit que la police enquêtera
sur vos meurtriers.
Pourquoi c'est
lovecraftien
La Chose que les héros
combattent est là depuis l'époque romaine au moins et se présente comme un ver
colossal qui vit dans les entrailles de la terre et sait prendre une apparence humaine.
Sa nature exacte n'est jamais expliquée, même s'il est plutôt
« wyrm » (reptile) que « worm » (invertébré). Quoi qu'il en
soit, il ne manque qu'un exemplaire pourrissant du De Vermiis Mysteriis retrouvé au grenier et un nom plein de
consonnes pour en faire une entité estampillée « Mythe de Cthulhu ».
Quant à la folie, elle
guette plus ou moins tout le monde, bons comme mauvais, par l'intermédiaire du
mesmérisme – car l'ancêtre de l'un des personnages a étudié à Paris avec
Mesmer, avant la Révolution, et depuis, des pouvoirs bizarres courent dans sa
lignée.
Qu’en pensait Lovecraft ?
Épouvante et surnaturel en littérature est une bonne source
pour connaître son avis sur ses prédécesseurs…
Bram Stoker a écrit « une série de romans dont une
technique insuffisante compromet fâcheusement l’impact. Le Repaire du ver
blanc, qui imagine une gigantesque entité
primitive tapie dans un caveau sous un vieux château, ruine complètement une
idée magnifique par une action presque infantile. »
Pourquoi c’est appeldecthulien
À notre niveau de
rôlistes, un roman où le héros s'écrie « Je
n'avais jamais pensé que combattre un monstre antédiluvien fût un travail si
compliqué » ne peut pas laisser les joueurs de L'Appel de Cthulhu indifférent... surtout qu'au bout du compte, sa
solution est à base de dynamite, dosée par caisses, et transforme plus ou moins
le manoir où rôde le monstre en cratère fumant.
Bilan
Avec un peu de ménage
dans les intrigues secondaires, c'est un scénario Cthulhu 1890 tout rédigé.
Sans ménage dans les
intrigues secondaires, c'est un bac à sable Cthulhu
1890 tout rédigé.
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