Épisode 7
Numéro 160 de la
collection Fantastique / SF / Aventure
Histoire de clarifier
ce qui suit pour ceux qui ne seraient pas dans la confidence, « John
Flanders » était l’un des nombreux pseudonymes de Jean Raymond Marie de
Kremer, alias « Jean Ray », le plus grand auteur fantastique
francophone du XXe siècle, auquel je voue une admiration sans faille depuis
l’âge de cinq ans (parce que ma maman, qui avait des idées bien à elle sur
l'éducation, me lisait des Harry Dickson
pour m’endormir).
En deux mots
Trois orphelins
londoniens sont confiés à leur oncle, qui gère une maison de correction quelque
part dans le nord de l’Angleterre. L’endroit est hanté, son précédent
propriétaire a disparu dans d’étranges circonstances, et une bande de brigands
de grands chemins rôde aux alentours. Quant à l’intérieur… l’oncle est une
brute avinée, son domestique est sénile, les pensionnaires sont martyrisés par
des surveillants sadiques.
Bref, il est temps de
faire le ménage dans tout ça.
Aucune date n’est
donnée, mais on est encore au temps des diligences et des pistolets à deux
coups, ce qui nous situe plutôt dans les premières années du XIXe siècle, voire
à la fin du XVIIIe, que dans les années 1890 ou 1920. Peu importe, d’ailleurs.
Pourquoi c’est bien
Parce que Jean Ray /
John Flanders est le pape de suspension d’incrédulité. Si vous aimez les
intrigues cartésiennes où on peut pointer qui fait quoi sur des petits papiers,
fuyez !
Les feux follets de
Satan s’adressent aux amateurs du Grand Nawak, où l’on peut croiser des fous
qui retrouvent soudain la raison pour ourdir des vengeances compliquées, des
assassinés qui ne le sont pas vraiment, des types mystérieux qui sortent de
nulle part pour expliquer un pan de l’intrigue tout en reconnaissant qu’ils ne
comprennent pas tout, ou carrément lire des phrases comme « Un coup sourd ! Un cri inhumain, suivi d’un profond silence !
La tête de [XXXX] tomba au pied du poteau de torture. »
On
perd assez vite le fil des machinations (cousues de fil rouge) des uns et des autres, puis on
arrête de se demander qui est qui parmi tous ces types masqués qui rôdent
autour du château, et on se laisse porter.
Bien sûr, à un moment,
il faut conclure, et l’auteur se charge de vous expliquer que donc, parce que,
étant donné que, hop hop hop, ce ne sont pas ces droïdes que vous recherchez et
ces brigands n’étaient pas ce que vous pensiez, et ils vécurent heureux pour le
restant de leurs jours, là-dessus je vais me coucher, surtout n’oubliez pas
d’éteindre les lumières et de nettoyer les flaques de sang dans les coins, et à
la prochaine !
On obtempère, tout
content, et ce n’est qu’une fois à la maison qu’on se surprend à avoir comme un
doute sur la marchandise qu’on vient de vous vendre, mais à ce moment-là, il
est trop tard, et puis c’était quand même une chouette histoire, alors bon, ce
n’est pas grave…
Pourquoi c’est
lovecraftien
Ça ne l’est pas pour
un kopeck.
C’est rayien au
possible, en revanche. On dirait un Harry
Dickson en un peu plus long et un peu plus bordélique.
Pourquoi c’est
appeldecthulhien
Voyons…
Château hanté ?
Oui.
Méchants très méchants ?
Oui.
Sociétés secrètes ?
Oui.
Personnages
pittoresques prêts à être repris tels quels ? Oui.
La seule difficulté
pour en faire un scénario de L’Appel de
Cthulhu, ou d'autre chose, est d’avoir assez de talent pour faire
avaler de grandes rasades de n’importe quoi aux joueurs et de faire en sorte
qu’ils en redemandent. Mais ça, y a pas à tortiller, ça s’appelle le talent, on
l’a ou pas, et Jean Ray en avait à revendre.
Un peu de mal à reconnaître le style de Ray/Flanders. Est on certain,ici,de sa paternité totale ? L’auteur semble tout heureux d’avoir découvert le verbe «marmotter» dont il abuse sans modération. Je ne me souviens pas avoir jamais rencontré ce mot dans le reste de son œuvre. Œuvre mineure ,en tout cas, pour ce génie inégalé.
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