Mapuche


C'est encore une fois la faute à Philippe qui m'a fait découvrir Caryl Férey avec ce billet de 2008. Je suis tombé dans Utu et Haka avec délectation, malgré la dureté du propos, j'ai enchaîné avec Zulu avec le même plaisir un peu malsain, et j'attendais le prochain polar ethnique de Férey en salivant. Et c'est donc Mapuche qui a débarqué chez mon libraire.

L'Argentine, de nos jours. D'un côté, il y a Rubén Calderon, fils d'un illustre poète mort lors de la dictature. Torturé au sens propre comme au sens figuré, vivant dans l'ombre de la légende de son père, il fait le détective pour les abuelas, ces mères-courage qui défient le pouvoir pour exiger de connaître la vérité sur les enlèvements et les meurtres orchestrés par la dictature, malgré la chape de plomb des amnisties générales et de l'apaisement national qui balaye la merde sous le tapis. C'est un spécialiste de la recherche des disparus, il vit des droits d'auteur de son paternel. De l'autre côté, il y a Jana, une Mapuche, qui a survécu à la crise financière tant bien que mal en tapinant, et qui sculpte pour faire sortir sa colère. Elle est copine avec un travelo dont un collègue vient de disparaître sur les docks, là où il racole. Rubén cherche à retrouver la fille bohème d'un richard, Jana un petit trav ayant l'habitude de se faire cracher dessus par les flics du quartier... Évidemment, ces deux-là vont se rencontrer, et leurs histoires s'entremêler.

Comme toujours avec Férey, le récit est solidement ancré dans le réel. On sent qu'il s'est déplacé personnellement sur chacun des lieux de l'intrigue, qu'il a dormi chez l'habitant, qu'il a absorbé l'esprit du pays comme une éponge durant un voyage immersif au possible. Ça pue le vrai. L'intrigue est béton, dégueulasse, et met superbement en scène les affres de la dictature, l'attente des survivants, le désespoir des petites gens, les fantômes du passé, l'avenir merdique des autochtones...

Hélas, le bouquin prend une étrange tangente vers la fin, quand nos deux héros amoureux (c'est pas un spoiler, c'est cousu de fil blanc) s'embarquent dans des scènes à la Charles Bronson, façon Un Justicier dans la pampa. Des fusillades, des trucs de sniper, prise d'assaut du quartier général des méchants... Beurk. Le livre m'a fait péter à la figure mon âge : je ne supporte plus les histoires où le héros fume de l'herbe en sodomisant sa copine et où l'auteur vous cite sa bande-son en égrenant les noms de groupes faussement underground qu'il écoute. Même quand Férey évoque un groupe montréalais comme Godspeed You! Black Emperor. Et puis que les riches soit tous des salauds, je m'y attends un peu dans ce genre de littérature. Mais que tous les enculés d'en-face soit des violeurs, des assassins et qu'ils puent littéralement de la bouche, ça devient trop caricatural. Caryl Férey fait du Caryl Férey, et ça devient un reproche plus qu'une marque de fabrique à mes yeux.

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