Le Démon des morts, de Graham Masterton (1983)



Épisode 12


Numéro 1 de la collection « NéO+ », 1986




En deux mots

Granitehead, un village des alentours de Salem, dans les années 80. Le narrateur, un antiquaire, se débat avec un deuil brutal : son épouse enceinte vient d’être tuée dans un accident de voiture.

Il croit l’entendre, aux petites heures de la nuit, mais bien sûr, après une perte aussi dramatique, des hallucinations sont à prévoir, et il n’est sûr de rien.

Peu après, il achète dans une vente aux enchères une gravure ancienne représentant la baie de Salem…

Deux cent cinquante pages plus tard, il se retrouve au milieu d’un entrepôt grouillant de zombies meurtriers, à noyer un dieu aztèque sous de l’azote liquide.

Dans l’intervalle, il aura fait la connaissance d’archéologues obsessionnels, d’une marchande de lingerie à gros seins, d’un culte de sorcières, d’un occultiste octogénaire aux motivations peu claires et d’un Indien qui a peut-être bien trois cents ans, allez savoir. La plupart de ses proches seront morts dans des circonstances abominables, ainsi d’ailleurs que la moitié de la ville.


Pourquoi c’est bien

Parce que ça fonctionne !

Le lecteur monte en puissance peu à peu, des hallucinations aux manifestations, des manifestations à la hantise, et de la hantise au surnaturel à grand spectacle. Les dialogues sont bien écrits, Masterton maîtrise un comique de situation un peu grinçant qui fait souvent mouche…


Pourquoi c’est lovecraftien

Au niveau le plus superficiel, parce que Masterton a glissé des allusions à Lovecraft dans sa narration. Ce sont les années 80, après tout : son héros a lu les œuvres de l’homme de Providence et les mentionne quand ça commence à dérailler autour de lui.

Une seconde couche, plus discrète, relie directement Le démon des morts au corpus du Mythe. Masterton reprend une partie du cadre du Rôdeur devant le seuil, l’un des indigestes pastiches d’August Derleth. Ce n’est pas une suite, et c’est tant mieux, les non-initiés n'y verront que du feu, mais quand on connaît, les liens sautent aux yeux.

Restent, bien sûr, le décor lui-même – le petit port de Nouvelle-Angleterre avec ses inquiétants cottages, ses habitants qui cachent des secrets et tout ce qui s’en suit – et une généreuse louche de background sur les procès de sorcellerie de 1691, toutes choses qui auraient certainement parlé à Lovecraft.

En revanche, les deux ou trois scènes de sexe qui ponctuent le bouquin l’auraient certainement écœuré, mais contrairement à Lovecraft, Masterton a toujours écrit pour vendre…


Pourquoi c’est appeldecthulhien

Vu sous un certain angle, ce bouquin ressemble de manière troublante à un compte rendu de partie rédigé par l’un des personnages. Les narrateurs de Masterton ont tous un air de famille – ce sont des types terre à terre, menant des vies banales, qui se retrouvent plongés dans des circonstances hallucinantes et s’en sortent en se cramponnant à leur sens de l’humour, quitte à faire des vannes inappropriées. Bref, ils ont comme une ressemblance avec les mecs qui s’agglutinent autour de votre écran par les nuits sans lune.

Pour en faire un scénario, relisez le résumé, remplacez « groupe d’archéologues » par « investigateurs », « dieu aztèque » par « Grand Ancien », mettez les autres éléments dans un shaker, secouez et servez.

Pour les amateurs, puisqu’il y en a parmi mes lecteurs, je signale qu’il y a de la dynamite et une explosion sous-marine, déclenchée par une mèche rapide « composée en grande partie de magnésium ».


Bilan

Masterton a produit des quantités industrielles de romans d’horreur, dosant diversement atmosphère, enquête, sexe et gore. Presque tous exploitent l'idée d'un dieu ou d'un démon issu d'une mythologie oubliée qui se prépare à revenir. Au minimum, ils ont faim d’âmes et soif de sang. Parfois, il y joignent une solide érection matinale.

Dans le tas, il y a trop de trucs médiocres ou d’autoplagiats éhontés pour que je les recommande tous en bloc. Mais de temps en temps, il a un moment de grâce et réussit quelque chose de brillant. Le démon des morts n’est pas son meilleur livre, mais il est très loin d’être le plus mauvais.

Et c’est un de mes préférés.

Commentaires

  1. Petites questions, tu les lis tous en ce moment les romans que tu critiques ou c'est une rétrospective issue de tes souvenirs ? :D et qu'est ce qu'un NéO+ ?

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  2. 1) Oui, je les lis ou je les relis, selon les cas. Je n'ai pas à ce point bonne mémoire :)

    2) Les Nouvelles éditions Oswald avaient deux collections principales, une de polar et une de fantastique / SF. La plupart de leurs titres faisaient autour de 200 pages, rarement davantage. En 1986, ils ont lancé NéO+, pour éditer des bouquins plus épais, polars ou fantastique / SF. En pratique, la collection NéO+ a rapidement été vampirisée par le fantastique.

    La collection polars compte environ 150 titres (et je n'en ai pas un seul).
    La collection SF/Fantastique environ 200 titres (j'en ai grosso modo la moitié)
    La collection NéO+ compte 26 titres (il m'en manque quelques-uns).

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