Notre vénérée chérie, de Robert Marasco (1973)



Épisode 14


Numéro 163 de la collection Fantastique / SF / Aventure, 1986.





En deux mots

Un jeune couple fauché ne supporte plus de passer ses étés dans la moiteur de son petit appartement new-yorkais  Coup de chance, madame tombe sur l’occasion du siècle : une immense maison au bord de la mer, à louer pour une bouchée de pain. Alors certes, les propriétaires sont déplaisants et ont des exigences bizarres, mais ils seront loin, et l’offre est trop tentante.

Installés dans le domaine avec leur fils et une vieille tante, le couple ne tarde pas à réaliser qu’il y avait effectivement des petits caractères en bas du contrat, et qu’il risque fort de ne pas aller au bout du bail.


Pourquoi c’est bien

Disons-le tout de suite, Notre vénérée chérie est sympa sans être exceptionnel, mais c’est un roman propre, carré et efficace.

C’est « juste » du bon fantastique, issu d’une époque qui nous a donné Un bébé pour Rosemary, L’exorciste et La Malédiction, entre autres. En faisant un effort pour lire entre les lignes, on peut distinguer une critique de la société de consommation, mais ce n’est pas réellement le propos. La caméra reste braquée, en gros plan, sur les quatre personnages.

Un détail amusant pour la petite touche d’époque ? L’annonce qui va tout déclencher stipule « locataires honorables », ce que le couple comprend comme « candidats blancs uniquement, merci ». Heureusement que nous sommes à une époque plus éclairée que les années 70, et que ce genre de choses n’arrive plus jamais, tiens !


Pourquoi c’est lovecraftien

« Une maison digère quatre vacanciers inoffensifs. »

Lovecraft aurait pu écrire sur un postulat de ce genre, mais il n’aurait pas produit du tout la même histoire – la sienne aurait sans doute fait appel à un professeur d’université venu cataloguer la bibliothèque d’un manoir antique et croulant, dont les occupants précédents auraient disparu dans d’incompréhensibles circonstances. Au cours d’une nuit orageuse et sans lune, il aurait découvert le manuscrit dévoilant des bribes de l’indicible vérité, et l’aurait brûlé avant de fuir sans se retourner.

Par contraste, Marasco reste délibérément dans le prosaïque : papa est instituteur, maman est mère au foyer, le fiston a neuf ans et la tante est une brave vieille dame. Les jours de vacances se suivent et se ressemblent, normaux à l’exception d’une ou deux étrangetés ici et là, jusqu’à ce que…


Pourquoi c’est appeldecthulhien

Contrairement à ce qui se passe dans un scénario de L’Appel de Cthulhu, le principal intérêt de Notre vénérée chérie n’est pas de piger les tenants et les aboutissants d’une situation avant de la rectifier, si possible à l’aide d’explosifs, mais de la voir se mettre en place peu à peu.

On comprend très vite ce qui va se passer, et on guette le prochain tour de vis que la maison va infliger à ses occupants avec une pointe de gourmandise. En revanche, rien ne le justifie jamais.

Les personnages sont juste de petits paquets de comportements, d’habitudes et de névroses qu’on regarde se déliter peu à peu, comme les morceaux de sucre dans une tasse de thé. Le fait qu’ils soient plutôt antipathiques, ou en tout cas que je n’ai éprouvé beaucoup d’empathie pour eux, rend les choses plus faciles.

C'est l'examen de leur désintégration progressive qui fait de Notre vénérée chérie une lecture valable pour les Gardiens des arcanes. On peut presque noter à quel moment les pauvres protagonistes ratent leurs jets de Santé mentale, et avec quels effets sur la fameuse table des folies temporaires.

Si vous avez envie d’en faire un scénario classique, vous n’aurez qu’à y ajouter une histoire quelconque pour justifier ce qui se passe. Ce n’est pas le plus compliqué à imaginer. Ensuite, il vous restera à donner aux malheureuses futures victimes une chance d’échapper à leur sort. Ou pas.


Bilan

Notre vénérée chérie est un bon roman, pas trop difficile à adapter en scénario et susceptible d'offrir quelques idées utiles aux Gardiens qui ont du mal avec les règles de Santé mentale, mais ce n'est en aucun cas un chef-d’œuvre.

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