Épisode 14
Numéro 163
de la collection Fantastique / SF / Aventure, 1986.
En deux mots
Un jeune
couple fauché ne supporte plus de passer ses étés dans la moiteur de son petit appartement new-yorkais Coup de chance, madame tombe sur l’occasion du siècle : une
immense maison au bord de la mer, à louer pour une bouchée de pain. Alors
certes, les propriétaires sont déplaisants et ont des exigences bizarres, mais
ils seront loin, et l’offre est trop tentante.
Installés dans
le domaine avec leur fils et une vieille tante, le couple ne tarde pas à
réaliser qu’il y avait effectivement des petits caractères en bas du contrat,
et qu’il risque fort de ne pas aller au bout du bail.
Pourquoi
c’est bien
Disons-le
tout de suite, Notre vénérée chérie
est sympa sans être exceptionnel, mais c’est un roman propre, carré et
efficace.
C’est
« juste » du bon fantastique, issu d’une époque qui nous a donné Un bébé pour Rosemary, L’exorciste et La Malédiction, entre autres. En faisant un effort pour lire entre
les lignes, on peut distinguer une critique de la société de consommation, mais
ce n’est pas réellement le propos. La caméra reste braquée, en gros plan, sur les quatre
personnages.
Un détail
amusant pour la petite touche d’époque ? L’annonce qui va tout déclencher
stipule « locataires honorables », ce que le couple comprend comme « candidats
blancs uniquement, merci ». Heureusement que nous sommes à une époque plus
éclairée que les années 70, et que ce genre de choses n’arrive plus jamais,
tiens !
Pourquoi
c’est lovecraftien
« Une
maison digère quatre vacanciers inoffensifs. »
Lovecraft
aurait pu écrire sur un postulat de ce genre, mais il n’aurait pas produit du
tout la même histoire – la sienne aurait sans doute fait appel à un professeur
d’université venu cataloguer la bibliothèque d’un manoir antique et croulant,
dont les occupants précédents auraient disparu dans d’incompréhensibles
circonstances. Au cours d’une nuit orageuse et sans lune, il aurait découvert
le manuscrit dévoilant des bribes de l’indicible vérité, et l’aurait brûlé
avant de fuir sans se retourner.
Par
contraste, Marasco reste délibérément dans le prosaïque : papa est
instituteur, maman est mère au foyer, le fiston a neuf ans et la tante est une
brave vieille dame. Les jours de vacances se suivent et se ressemblent, normaux
à l’exception d’une ou deux étrangetés ici et là, jusqu’à ce que…
Pourquoi
c’est appeldecthulhien
Contrairement
à ce qui se passe dans un scénario de L’Appel
de Cthulhu, le principal intérêt de Notre
vénérée chérie n’est pas de piger les tenants et les aboutissants d’une situation
avant de la rectifier, si possible à l’aide d’explosifs, mais de la voir se
mettre en place peu à peu.
On comprend très vite ce qui va se passer,
et on guette le prochain tour de vis que la maison va infliger à ses occupants
avec une pointe de gourmandise. En revanche, rien ne le justifie jamais.
Les
personnages sont juste de petits paquets de comportements, d’habitudes et de
névroses qu’on regarde se déliter peu à peu, comme les morceaux de sucre dans
une tasse de thé. Le fait qu’ils soient plutôt antipathiques, ou en tout cas
que je n’ai éprouvé beaucoup d’empathie pour eux, rend les choses plus faciles.
C'est l'examen
de leur désintégration progressive qui fait de Notre vénérée chérie une lecture valable pour les Gardiens des
arcanes. On peut presque noter à quel moment les pauvres protagonistes ratent
leurs jets de Santé mentale, et avec quels effets sur la fameuse table des
folies temporaires.
Si vous avez
envie d’en faire un scénario classique, vous n’aurez qu’à y ajouter une
histoire quelconque pour justifier ce qui se passe. Ce n’est pas le plus
compliqué à imaginer. Ensuite, il vous restera à donner aux malheureuses
futures victimes une chance d’échapper à leur sort. Ou pas.
Bilan
Notre vénérée chérie est un bon roman, pas trop
difficile à adapter en scénario et susceptible d'offrir quelques idées utiles
aux Gardiens qui ont du mal avec les règles de Santé mentale, mais ce n'est en
aucun cas un chef-d’œuvre.
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