The Moon is a Harsh Mistress de Robert Heinlein



Ma culture SF connaît des manquements impardonnables, et occasionnellement j'essaie de les combler. Ce roman de Heinlein fait partie des grands classiques que j'avais omis de lire, j'ai voulu réparer cette erreur, et je m'en félicite.

Evacuons tout d'abord le souci de l'ignoble traduction du titre en Français, Révolte sur la Lune, qui non seulement est d'une affligeante pauvreté mais sonne en plus comme un nième épisode de série B. Notez que je n'ai pas de traduction alternative à proposer, juste que The Moon is a Harsh Mistress (littéralement La Lune est une Dure Maîtresse) sonne autrement mieux. Le fait que titre soit également devenu celui d'un standard de Jazz en dit long sur sa capacité évocatrice.

Le roman raconte la révolution (certains diraient la guerre d'indépendance) d'une colonie pénitentiaire Terrienne sise sur la Lune. Dans cette colonie les criminels exilés (souvent pour des raisons politiques) sont libres de travailler, comme le sont leurs descendants, mais tout le fruit de ce labeur bénéficie à la Terre.

Pas étonnant donc que certaines têtes pensantes sur la Lune réfléchissent à la manière de s'affranchir du joug terrien. Se débarrasser de l'autorité locale qui assoit le contrôle terrien n'est pas compliqué, le souci c'est que privés de toute force armée, les Luniens sont à la merci d'une intervention musclée de la planète mère.

Ils ont toutefois une arme secrète en la personne de Mike. Mike est l'ordinateur central de la colonie lunaire, mais c'est aussi (et surtout) une IA "naturelle" c'est à dire qu'il est arrivé à la conscience de lui-même. Manny, un consultant en informatique qui intervient régulièrement lorsque Mike dysfonctionne a été le premier à se rendre compte de ce nouvel état, et Mike comme Manny se retrouvent bientôt embrigadés dans le mouvement révolutionnaire.

The Moon is a Harsh Mistress est un roman prenant à plus d'un titre. Tout d'abord sur la forme, avec un travail très fin de la langue: le parler Lunain est tout à fait compréhensible, mais il est aussi grammaticalement différent du nôtre. Comme le roman est narré à la première personne par Manny, on est plongé dans cette autre langue dès le départ, une immersion très efficace. Le contexte décrit par Heinlein ensuite est très convainquant, avec en particulier une réflexion sur les structures sociales et l'évolution du mariage dans une société où il y a 10 hommes pour une femme. On est là dans ce qui me parle le plus en SF à savoir un travail non seulement d'imagination mais de projection dans l'avenir.

Enfin, et c'est sans doute la dimension la plus intrigante, le roman est éminemment politique. C'est un roman libertarien, idéologie importante aux Etats-Unis mais nettement moins répandue chez nous qui prône un état faible et désengagé. Difficile pour moi (par moments) de ne pas refuser en bloc la possibilité de succès d'une telle idéologie, mais néanmoins une approche intéressante qui "change" par rapport aux attentes d'un contexte politique révolutionnaire tel qu'on l'envisage en Europe.

Pour finir, il faut sans doute signaler que ce roman est l'histoire de la révolution plus qu'un thriller à suspens. On connaît très tôt le dénouement, Heinlein ne ménage absolument pas de cliffhangers ou de grosses incertitudes. Le plaisir n'est pas dans le stress de l'inconnu mais dans le déroulement des évènements, pour beaucoup anticipés par Mike (mais pas totalement quand même...)

Bref, j'ai non seulement comblé une lacune mais découvert un roman qui mérite absolument sa place au panthéon.

Commentaires

  1. Un des trois grands classiques d'Heinlein et en effet comparable encore aujourd'hui à notre actualité.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire