Bosch


Je me suis mis à lire du polar à cause de Michael Connelly. Harry Bosch a donc été ma porte d'entrée dans ce genre littéraire. J'ai lu une douzaine de romans d'une traite, c'était envoûtant. Le vieux flic vétéran du Vietnam qui considère que toutes les victimes comptent tout ça parce que sa mère, prostituée, a été assassinée il y a bien longtemps dans l'indifférence générale. Oh oui, j'ai aimé Harry. J'avais d'ailleurs co-signé avec Philippe un billet pour le dire à la face du monde. Tant est si bien qu'en lisant les derniers romans de la série, j'ai fait une surdose. Disons que depuis Echo Park, c'est une lente dégringolade qualitative, à mes yeux. C'est un peu normal : on ne peut pas écrire 20 romans avec la même gnaque qu'au début. Bosch était au départ un moyen pour Connelly de régurgiter tout ce qu'il avait vu quand il était journaliste. Le succès littéraire l'a mécaniquement éloigné de cette force première qui le mouvait. Harry est devenu une caricature à force d'écouter du jazz en s'entêtant à résoudre des affaires dont les autres flics se moquent.

Alors quand ils ont annoncé une série télé sur Bosch, j'étais sceptique. J'ai regardé le pilote sans passion. Entendons-nous bien : Titus Welliver est sans doute le Harry Bosch le plus convaincant qu'il soit. Dès sa première apparition à l'écran, il s'approprie cette identité, c'est incroyable. Le hic, c'est le reste du casting : utiliser Lance Reddick pour incarner un chef de police à sang froid, c'est d'une rare fainéantise tant c'est un rôle où il a déjà été sur-utilisé dans d'autres séries. Prendre Scott Wilson (le vieux médecin dans Walking Dead) pour incarner un vieux médecin, c'est encore une fois d'une banalité affligeante. Et puis il y a ce duo de flics dans le sillage d'Harry (le vieux et le gros) que l'on croit débarqué de Brooklyn 911. Ouch. Ça n'envoie pas du rêve. Je n'ai donc pas poursuivi après le pilote.

C'est un de mes joueurs, avec qui je partage cet amour des bons polars, qui m'a dit d'insister. J'ai rechigné, mais j'ai fini par donner une seconde chance à la série. Heureusement. L'idée de cette première saison est de mélanger deux bouquins (Wonderland Avenue et Echo Park). Harry est accaparé par un procès civil dans lequel il est accusé d'avoir tiré sur un suspect non armé. Et en même temps, on retrouve des ossements humains dans les collines. Et au cours d'un banal contrôle routier, des patrouilleurs font une découverte bien dérangeante dans un van. De quoi bien remplir les 10 épisodes de cette première saison.

Et autant le casting me paraissait faiblard, autant l'efficacité est au rendez-vous. C'est bien joué, bien tourné, bien raconté. J'ai retrouvé la magie des débuts. J'étais content de retrouver le Harry Bosch d'antan, le voir faire des choix moraux problématiques, foutre sa vie amoureuse en l'air et envoyer chier ses patrons. Alors oui, l’Afghanistan a remplacé le Vietnam dans son historique. Sa fille a déjà 15 ans et son ex est de retour de Hong Kong. On ne reprend pas depuis le début, on attrape le personnage en cours de route. Mais ça marche. Même quand un personnage qui est sensé être professeur de français n'est pas foutu de baragouiner plus de deux mots dans la langue de Ribery.

Et c'est très intéressant pour ceux qui connaissent D3, mon jeu de rôles à la David Simon paru en 3 parties dans le magazine Casus Belli. Parce qu'on voit un peu les Affaires internes bosser dans le sillage d'Harry. On voit des flics infléchir leur rapport pour arrondir les coins avec un collègue. On voit l'arrivisme politique des huiles de la police et du système de justice. On ne peut pas faire jouer directement l'intrigue de cette saison dans D3, mais il est facile d'importer des morceaux de ce Bosch dans Détroit. Les dilemmes y sont les mêmes qu'à Los Angeles. Faut-il faire chier un flic qui ne respecte pas le règlement mais obtient des résultats ? Qu'est-ce qui compte le plus : trouver le coupable ou bien jouer selon les règles ? Toutes les victimes comptent-elles vraiment ?

Merde, ça y est, j'ai envie de me remettre à lire du Connelly, en fait.

***

L'avis de Benoit

J'arrive nettement après la bataille, mais j'ai enfin fini de visionner cette première saison de Bosch alors que la seconde a déjà fini d'être diffusée. Et je confirme tout le bien qu'en dit Cédric.

J'ajouterais deux choses: tout d'abord qu'il n'y a aucunement besoin d'avoir lu les romans de Connelly ou même de connaître le personnage pour se plonger dans cet univers sombre et poisseux. La série vous happe rapidement. J'ai entendu certains dire que le premier épisode manquait de punch, mais je pense que c'est une lecture erronée: la série dans son ensemble n'est pas punchy. Elle ne se focalise pas sur l'action et l'adrénaline, elle vous happe par petites touches vers la vie peu glamour d'un flic qui se veut intègre et doit constamment naviguer entre ce qu'il pense être sa raison d'être et les contraintes autour de lui.

La seconde chose, c'est que c'est une série extrèmement fine, qui ne se départit jamais de ses nuances de gris. Le dénouement est attendu mais fort, et j'admire la capacité des réalisateurs à ne pas tomber dans le sensationnel. Vraiment une perle, chaudement recommandée. 

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