Milan, 1992. Un vieux traducteur dans la cinquantaine, qui fait le
pigiste pour maintenir la tête hors de l’eau, se retrouve embringué dans la création
d’un nouveau journal. Le rédac-chef lui promet que ça va être une sorte de Canard enchaîné italien, mais à la
vérité, l’ambition éditoriale est bien moins glorieuse. Le but est d’écrire
quelques numéros « à blanc » pour montrer ce que la rédaction serait
capable de faire si on lui donnait les moyens éditoriaux. Et l’on comprend vite
que le but de la manœuvre, pour le type qui finance cette aventure, est de
faire peur à quelques personnes puissantes en leur montrant qu’il lui serait
très facile de publier d’infâmes calomnies sous le prétexte du journalisme. La
petite brochette de pigistes réunie pour essuyer les plâtres de cette nouvelle
publication (qui s’appelle Demain,
car elle ne veut surtout pas donner l’impression qu’elle ne fait qu’imprimer
les vieilles nouvelles de la veille) est donc cornaquée par un maquignon de l’information
pour pondre des articles faisant dans l’insinuation assertive.
Le héros, qui a été engagé pour écrire un faux livre sur les premières
heures du journal, se lie malgré lui à l’un des tâcherons de l’équipe de
rédaction spécialisé dans le complotisme de bas-étage. Malheureusement, dans le
fatras de conspirations auquel il croit, il y en a une qui semble vraie et qui
va compliquer la vie de ces soutiers de l’édition.
Je ne vais évidemment pas reprocher à Umberto Eco de faire du Umberto
Eco, mais force est de constater qu’il vient d’inventer le roman best of. Car tout ce que contient ce
court roman de 200 pages a déjà été écrit par ce grand monsieur. Le coup du
faux complot qui devient vrai, c’est Le
Pendule de Foucault. La nostalgie du vieux Milan, c’est un peu La Mystérieuse Flamme de la reine Loana.
Le coup du lendemain qui n’est en fait que la veille, c’est L’île du jour d’avant. Le complot
imbécile, c’est Le Cimetière de Prague…
Et je suis gentil, je vous fais l’impasse sur les liens qu’il serait possible
de tisser avec ses recueils d’articles et de pastiches.
Encore une fois, ça ne veut pas dire que le résultat est mauvais (bien
au contraire, c’est délicieusement caustique comme petit pamphlet contre le
nouveau journalisme) mais il y a un constant sentiment de déjà-lu. C’est une
nouvelle bien trop longuette ou un roman trop vite torché. Toutefois, si on ne
connaît pas trop Umberto Eco et que l’on découvre donc la loge P2, l’illusion
peut faire son petit effet.
Comme toujours, Gromovar le dit avec intelligence
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