Épisode 41
Numéros 40 et 2 de la
collection SF/Fantastique/Aventure
Pourquoi traiter ces deux recueils ensemble ?
Tout simplement parce qu’ils
ont été conçus pour se répondre.
Et pourquoi dans cet ordre, le 40 avant le 2 ?
Parce que L’homme noir est paru le premier, au
Masque, dans les années 70, avant d’être réimprimé par NéO dans les années 80. Au
bout du compte, après m’être demandé si ça valait la peine de faire deux billets,
j’ai décidé qu’un seul suffirait. Pour éviter les lourdeurs dans la
présentation des histoires, j’ai opté pour les abréviations HN et PN,
respectivement pour L’homme noir et Le pacte noir.
Bon, qu’est-ce qu’on mange ?
De tout : ces deux
recueils, pensés pour montrer toute l’étendue du talent de Howard, sont assez
hétérogènes. Et s’amuser à coller des étiquettes précises à chaque histoire
serait un exercice d’une grande futilité, vu qu’Howard lui-même écrivait au gré
de son inspiration, sans chercher à remplir les cases du grand bingo des genres.
Tenons-en donc à une
classification aussi sommaire que possible, d’autant que certains textes
peuvent être rangés sans problème dans deux catégories ou plus, L’horreur des abîmes ou Dans la vallée du ver ayant des accents
cthulhiens alors que Le feu
d’Assurbanipal est largement pulp.
• Du pulp. Le morceau de bravoure du Pacte noir est L’horreur des
abîmes, un court roman d’aventure qui marche sur les pas de Fu-Manchu, le
danger atlante remplaçant le péril jaune. Que faire contre l’abominable
Kathulos, savant surgi du passé, maître des drogues, souverain de la pègre et
futur maître du monde ? Le héros a la réponse : on va lui démonter un
par un tous ses lieutenants, jusqu’au moment où on pourra le dégommer, lui. Et
donc, baston ! Ça cogne, ça
baffe, ça défouraille, et par instants, on a l’impression de lire le compte
rendu d’une partie de Mortal Kombat.
Beaucoup plus courte, La voix d’El-Lil
(PN) est une histoire africaine avec les ingrédients du genre :
expédition, cité perdue, magie très noire, fuite in extremis… Il n’y manque qu’un gorille géant pour que la fête
soit complète.
• De l’horreur classique. Magie noire
à Canaan (PN) est un petit récit
d’horreur qui se déroule le Sud profond, avec de bons nègres qui coopèrent avec
les Blancs, et de mauvais nègres qui ne savent pas rester à leur place et qui,
en plus, font joujou avec le vaudou. On va dire poliment que sur ces bases
datées, Howard construit une petite histoire qui tourne bien. Toujours située
dans le Sud, Les pigeons de l’enfer (HN)
est un huis clos dans une maison abandonnée où les intrus meurent, le crâne
fracassé à coups de hache par qui… ou quoi ? Le cairn de l’homme gris (PN) est un prolongement contemporain du Crépuscule du dieu gris, qui apparaît
dans le recueil Bran Mak Morn. C’est
un bon exemple de changement de genre : la nouvelle d’origine était un récit
historique à grand spectacle, alors que celle-ci se range sans difficulté dans
le fantastique horrifique. Qui sera assez fou pour fouiller ce tertre funéraire
sous lequel repose un dieu païen ?
• Du Mythe de Cthulhu. La chose
ailée sur le toit (HN) et Ne me
creusez pas de tombe (HN) sont deux bonnes histoires classiques, avec tous
les marqueurs cthulhiens qui vont bien : des citations de Justin Geoffrey,
l’Unaussprechlichen Kulten, des
mentions des Grands Anciens… mais elles tournent un peu à vide. Les enfants de la nuit (HN) est
nettement meilleure. Dans le continuum cthulhien, elle tire davantage vers
Arthur Machen que vers Lovecraft proprement dit, mais elle mérite d’être lue. On
peut dire à peu près exactement la même chose du Peuple des ténèbres (PN), qui repose sur les mêmes ressorts et
creuse le même sillon. Toutes deux sont prenantes… et imprégnées d’une vision
raciale de l’univers qui ne choquait personne à l’époque, mais qui pique un peu
les yeux aujourd’hui. À choisir entre les deux, je préfère Les enfants de la nuit, mais c’est une pure question de goût. En
revanche, j’ai eu un coup de cœur pour Le
feu d’Assurbanipal (PN), une nouvelle d’aventures dans le désert avec
trésor, cité perdue et monstre
indicible. Quatre-vingts ans après avoir été écrite, elle conserve une
fraîcheur que pourraient lui envier par mal de récits cthulhuiens modernes.
• De l’histoire mythifiée (et plus si affinités). L’homme noir (HN) nous emmène dans un
univers incertain où vivent des Celtes et des Pictes. Un héros très howardien y
croise une princesse enlevée et l’ombre de Bran Mak Morn, devenu légende. C’est
l’une des nouvelles préférées des deux recueils. Théoriquement, les Dieux de Bal-Sagoth (HN) est sa suite.
On y croise les mêmes héros, mais elle se situe dans un univers où cohabitent
cité perdue, serpent géant, princesse en détresse, grand-prêtre fourbe… du
solide, sans vraie surprise et sans aucun rapport avec la réalité historique,
mais bien emballé.
• Une trilogie d’heroic-fantasy. Le jardin de la peur (HN), Les
guerriers du Valhalla (PN) et La
vallée du Ver (PN) nous racontent les vies de James Allison, un Texan
invalide et mourant qui découvre qu’il peut remonter dans ses incarnations
antérieures. Toutes les trois se déroulent dans un passé fantasmatique peuplé
de fleurs carnivores, de vers géants, d’hommes volants et autres cités atlantes
établies sur la côte du Texas. La vallée
du Ver est un petit chef-d’œuvre de la première heroic-fantasy, les deux autres sont un cran en dessous, mais se
lisent avec plaisir.
• Du poil et des crocs. Dans la
forêt de Villefère (HN) et sa suite Le
Loup-garou (PN) nous parlent de lycanthropie. La première, parfaitement
classique, a pour principal mérite d’être courte. Il est vrai qu’Howard l’a
écrite à l’âge de dix-neuf ans… La seconde est une œuvre de sa maturité. Ce
huis clos dans l’improbable château d’un noble portugais, sur une incertaine
côte d’Afrique noire, n’a rien perdu de son efficacité.
Et c’est bien ?
Oh que oui ! Les autres
recueils de Howard chez NéO sont presque tous centrés sur un personnage, et
dans leur volonté d’être exhaustifs, ils embarquent un certain volume de
déchet. L’homme noir et Le pacte noir visent la qualité d’abord,
et atteignent honorablement leur objectif. Après, chacun se fera son palmarès.
Je m'élève en faux. Howard n'a jamais écrit de plup.
RépondreSupprimerC'est corrigé :)
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