The Laughter of Dragons pour l'Anneau Unique


The Laughter of Dragons (Le Rire des Dragons) est le dernier supplément sorti de la gamme The One Ring et n'est pas encore disponible en Français. Comme pour le reste de la gamme, il va de pair avec le supplément de contexte Erebor et propose donc 6 aventures sises aux alentours du Mont Solitaire.

Il n'échappe pas à certains des travers des autres scénarios de la gamme : une tendance marquée au dirigisme, et des accroches répétitives et souvent peu convaincantes. Mais contrairement à Oaths of the Riddermark qui était affligé de ces tares tout du long, les scénarios proposés dans The Laughter of Dragons sont plus contrastés. Certains sont de bonne voire de très bonne facture, suffisamment ouverts pour ne pas braquer les joueurs et proposer une expérience des terres du milieu riche et immersive. D'autres frisent l'absurde avec des enchaînements implausibles au possible, et on s'imagine sans peine le MJ ramant à contre-courant pour faire comprendre aux joueurs ce qui est attendu d'eux.

Néanmoins, comme presque tous les suppléments de la gamme, The Laughter of Dragons reste pour l'essentiel fidèle au canon Tolkienien, même si ici ou là des propositions m'ont fait grincer des dents. La région d'Erebor est riche en potentiel, et si l'on suit la trame générale du jeu telle qu'elle est détaillée dans Ténèbres sur la Forêt Noire, la période est sombre, avec un roi Bard qui se morfond sur son trône et un roi Daìn trop sûr de sa puissance et inconscient des dangers qui l'entourent.

C'est d'ailleurs le coeur de cet enchaînement de scénarios. Comme d'habitude, les auteurs nous proposent sur le papier 6 aventures déconnectées qui peuvent être liées. En pratique, quatre des scénarios sont réellement indépendants, et leur liens avec la trame principale est ténue au mieux. Les deux autres ne peuvent pas être proposés indépendamment de ladite trame. Comme on le verra, ce sont les deux plus mauvais.

Dernier commentaire avant de décrire succinctement les six scénarios proposés : le niveau de affrontements proposés par au moins deux sinon trois des scénarios est sérieusement touffu. Et sans un travail conséquent d'adaptation, des personnages débutants n'ont pas leur place dans ce recueil. C'est regrettable puisque le jeu commence assez naturellement autour d'Esgaroth et de Dale. On aurait par conséquent aimé pouvoir proposer à des héros au début de leur parcours des histoires leur permettant d'appréhender cette région.

The Silver Needle (l'Aiguille d'Argent) est un scénario de facture assez classique. Il n'est pas mauvais, mais ses ficelles me semblent un peu faciles et j'aurais peur pour ma part que mes joueurs voient immédiatement à travers. Les héros aident une couturière de génie à qui l'on tente de voler un objet précieux, et ils pourront ce faisant pressentir qu'un complot de plus grande ampleur s'ourdit autour de Dale. Il y a une surprise intéressante dans le scénario, mais peut-être un peu trop de clichés pour le reste.

Of Hammers and Anvils (De Marteaux et d'Enclume) est une histoire de politique interne au royaume des nains. Le postulat n'est pas inintéressant, mais les circonvolutions du scénario visant à impliquer les joueurs son difficiles à avaler, et son dénouement assez peu plausible. C'est regrettable, parce qu'il y avait sans doute quelque chose d'intéressant à faire, mais pas de façon aussi dirigiste ni aussi peu crédible. C'est la pierre angulaire de la trame d'ensemble du recueil, et malheureusement celle-ci démarre mal.

The Dungeons Deep (Les Profondes Oubliettes) est une chasse au trésor qui emmène les joueurs vers la passe des Montagnes Grises à la recherche d'un nain en quête d'un ancien Mausolée Bardide. Il propose un bon mélange d'action et de politique avec un dénouement intéressant pour les joueurs. Il n'est que succinctement rattaché à la trame d'ensemble, si bien qu'il peut être aisément joué séparément.

Sleeping Dragons Lie (Les Dragons Endormis se Couchent ou Les Dragons Endormis Mentent) est une chasse au Dragon dans les steppes désolées de la Brande Desséchée. C'est sans doute le scénario le plus épique que j'ai lu de l'ensemble de la gamme (hors Ténèbres sur la Forêt Noire) et il comporte son lot de moments forts. Par contre, le degré de danger que les héros vont devoir affronter et réellement considérable, et même si je n'ai pas suffisamment d'expérience pour juger de la capacité d'un groupe de héros expérimenté à s'en sortir, il me semble compliqué. Bien que théoriquement rattaché à la trame principale, on ne voit pas en fait où est le lien, donc il peut facilement être proposé seul. Il est par ailleurs dans la continuité du dernier scénario des Contes et Légendes des Terres Sauvages La Sentinelle sur la Brande même si là-encore il peut être joué séparément. Le seul gros point négatif de ce scénario : au vu des faiblesses de la mécanique Ombre/Espoir des règles de base, la déferlante de points d'Ombre que les joueurs vont inévitablement recueillir me semble largement excessive. Pas sûr que cet aspect là du scénario ait réellement été testé.

Dark Waters (Eaux Sombres) se passe à Esgaroth, ce qui est un peu surprenant pour un recueil de scénarios focalisé sur les régions autour de Dale et Erebor, mais enfin. C'est essentiellement un scénario d'enquête, donc par essence assez dirigiste. Toutefois il y a suffisamment de pistes pour pouvoir assez facilement donner aux joueurs un sentiment de liberté. A l'exception d'un enchaînement de scène qu'il est hautement improbable d'attendre vu ce que savent les joueurs, et qui nécessitera donc un peu de travail, le scénario propose une ambiance poisseuse et humide à souhait. Lui aussi n'est rattaché à la trame d'ensemble que de loin.

Shadows in the North (Ombres dans le Nord) clôt le recueil avec un final qui se veut épique mais tombe malheureusement à plat tellement il est implausible. Difficile d'en dire plus sans divulgâcher, mais précisons simplement que non seulement il est d'un dirigisme consommé et propose des enchaînements au chausse-pied, il souffre de plus du péché cardinal du Deus ex Machina qui vient sauver la mise aux personnages (à une voire deux reprises). Il se termine par une visite par le menu d'Erebor au pas de course, et ce qui aurait pu être une magnifique scéne de poursuite et d'action pour clore la mini-campagne tourne au ridicule et à l'accumulation. Pour couronner le tout, deux ou trois moments ou on passe de Tolkien à Tolkien revu par Peter Jackson. Bref, ni une conclusion intéressante, ni un bon scénario.

Au final que dire de The Laughter of Dragons ? Que malgré des grosses erreurs de conception, il comporte quand même quatre scénarios sur six allant du correct au très bon, et que par chance ce sont les quatre qui peuvent être facilement détachés de la trame principale. C'est donc un recueil éminemment utilisable, et le meneur de jeu qui a du temps à revendre pourra sans doute repêcher les deux scénarios ratés s'il est intéressé par la trame d'ensemble. Au passage, cette trame elle-même se répète un peu par rapport à celle de Contes et Légendes des Terres Sauvages, ce qui est regrettable puisque plusieurs des scénarios se passent également dans les mêmes régions.

Mais c'est plus que je n'avais pu en dire de Oaths of the Riddermark, qui n'était tout bonnement pas rachetable à mes yeux à moins de le réécrire de fond en comble. Par contre, ne perdez pas de vue que les scénarios proposés, même si on se limite aux quatre qui sont utilisables en l'état, sont trapus en termes de niveau de difficulté, donc pas à mettre entre toutes les pattes (de dragons).

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