Les Terres d'Arran, le jeu de rôle

C'est en grande pompe que Black Book a annoncé l'adaptation en jdr des Terres d'Arran, méga-série de BD médiévale-fantastique dont je parle ici même. Le financement initial a porté sur une boite d'initiation centrée sur les Elfes et un diptyque de base objet de la présente bafouille - depuis, un second financement a permis de financer une seconde boite cette fois consacrée aux Nains.
Disclaimer : je n’ai absolument pas participé, de prêt ou de loin, à ces bouquins, mais ceux qui l’ont fait sont aussi des amis que j’ai l’honneur de côtoyer au sein de la rédaction de Casus Belli. J’ai le sentiment d’écrire cette critique tout à fait librement, mais au moins vous êtes prévenu !

La base, ce sont donc deux ouvrages de 200 pages. Sans surprise, ils profitent à la fois des moyens et du savoir-faire de BBE en matière de production physique. C'est tout en couleurs, avec de belles couvertures, une reliure solide et un signet. Les ouvrages eux-mêmes sont plutôt beaux, mais quitte à ce que ma voie dissone un peu par rapport aux critiques que j'ai pu lire jusqu'ici, ils ne sont pas exceptionnels non plus. Les illustrations viennent de la BD et sont à la fois nombreuses, homogènes et très réussies. Mais leur intégration dans la maquette, très "au carré", trahit un peu leur origine.
L'organisation des bouquins est sinon, expérience BBE oblige, quasiment parfaite - quoique j'aurais quelques points discutables à soulever côté règles, mais ils restent anecdotiques.

Les règles donc. Sous la capot, les Terres d'Arran ont fait le choix du moteur Chroniques Oubliées Fantasy (COF). Le système maison de Casus Belli repose sur des voies qui regroupe chacune cinq capacités de niveau progressif – chacune peut représenter une attaque spéciale, un sortilège, une compétence… Un PJ dispose de plusieurs voies avec lesquelles il peut composer son personnage. Entre la Voie du commandement, celle du pugilat ou encore de la maitrise des armes, il est ainsi possible de composer son guerrier propre, qu’il soit plutôt leader, fin bretteur ou musculeux lutteur.

Pour le reste, nous retrouvons du d20 classique: d20 + bonus de l’attribut adapté doit dépasser la difficulté, les voies octroyant parfois des bonus à certains types d’action selon leur nature.

C’est un système limpide, et le fait de canaliser les Dons du système d20 dans des voies rend plus facile leur sélection et leur gestion.

Chaque itération du système consiste à adapter les voies et les capacités à son contexte. Arran ne fait donc pas exception. En l’occurrence, exit la notion de classe. Un personnage a une orientation de combattant, aventurier ou mystique. Elle est croisée à sa culture, qui correspond sans surprise aux séries de la BD: Elfe Bleu, Sylvain, Blanc, Noir ou Semi-Elfe, Nain de l’un des cinq ordres, Orc, Gobelin ou Ogre, ou Humain originaire de l’une des quatre grandes régions du monde. Cette combinaison défini un archétype. Un Elfe blanc combattant est un Noble, un Nain de la Forge mystique est Alchimiste… Cet archétype ouvre à trois voies – une suggestion plus qu’une liste ferme, ceci dit – qui s’ajoutent à une voie de peuple et une voie culturelle.

Les possibilités sont assez nombreuses, et les voies et capacités largement plus étoffées que dans COF. Impossible de s’y perdre pour autant. Le livre fournit tous les outils pour aider le joueur dans ses choix. La structure des voies reflète de toutes façons parfaitement l'univers de jeu, sans être un carcan fermé puisqu'il est possible de faire son propre assortiment - y compris pour les personnages métissés. Avec quelques petits ajustements à droite à gauche par rapport au COF D’origine, c'est probablement l'une des meilleures itérations du système.

Je ne lui trouve qu'un point discutable, à vrai dire insolvable tant il est structurel, sur la modélisation de la magie, qui s’éloigne un peu du matériel d’origine. C’est particulièrement visible avec la magie runique. Dans la BD, celle-ci fonctionne par association libre de runes pour construire un sort à la volée. C'est un fonctionnement très ouvert peu compatible avec les sorts prédéterminés imposés par le principe des capacités/voies.

Mais l'essentiel n'est pas là: je ne doutais pas que COF fonctionne (presque) parfaitement avec Arran. La vrai question, c'est comment rendre ludique le matériel pléthorique de la BD?

Précisons tout d'abord que le livre de base situe l'univers vers les débuts de la série, avec une Guerre des Goules présentée comme devant arriver dans un futur très proche dans les chapitres de contexte, et des scénarios qui se déroulent au moment de celle-ci. Le livre des joueurs balaye surtout les différentes races et cultures. C'est vu d'assez haut, mais probablement suffisant pour les besoins de cet ouvrage. Le résultat est plus discutable côté livre du meneur qui propose un tour d'horizon des principales villes et lieux des Terres d'Arran. C’est à la fois trop généraliste pour en dégager une cohérence d'ensemble et trop succinct, vu la taille du sujet, pour en tirer directement du matériel à jouer.

Ce sont les scénarios qui exploitent finalement le mieux le contexte en s'insérant intelligemment dans les interstices de la BD. Un format Livre Dont Vous Etes le Héros, en début du Livre des Joueurs, introduit une intrigue périphérique à la guerre de Goules. Elle se poursuit dans le Livre du Meneur sous la forme d'une mini-campagne. Assez linéaire, elle lie le destin des PJ à celui des Terres d'Arran, ce qui est plutôt bien vu. C'est du classique mais vraiment du solide.

Curieusement, le Livre des Joueurs propose lui aussi un premier scénario, en plus du LDVELH sus cité. Il permet aux PJ de participer à une bataille de la BD et cible très bien l'influence qu'ils y pourront y avoir - c'est à dire un impact à la fois réel mais ne touchant pas aux éléments de la BD. Il est possible de le lier aux scénarios du Livre du Meneur, mais doit dans ce cas s'insérer au milieu de l'aventure, en remplacement de l'une des scènes pourtant intéressantes en l'état. Voilà qui rend sa présence au sein du Livre des Joueurs encore plus curieuse...

Ceci dit, hormis cette incongruité, le diptyque se révèle aussi complet que possible malgré quelques redondances. Le Livre des Joueurs contient les règles, une présentation des cultures d'Arran et donc, un premier scénario. Le Livre du Meneur compile conseils, univers, bestiaires, un vaste catalogue technique de PNJ (qui aurait pu être plus synthétique) et des objets magiques. C'est très prémâché, parfois à l'extrême - chacun y verra ou non son intérêt, mais tous les outils sont très bien pensés.

L’ouvrage ne souffre "que" d'un manque d'accroches d'intrigue et d'aventure. Ce point est finalement le plus gros point noir du jeu : personnellement j'aurais bien aimé avoir plus de que je n’aurais eu plus qu’à tirer pour exploiter les Terres d'Arran librement.

Mais il faut reconnaitre que je ne suis pas la cible première du jeu. Son objectif est clairement de guider une population ado/jeune adulte, en tout cas rôliste novice ou peu expérimenté, dans un univers connu. Et de ce côté, il remplit plus que largement ses objectifs.

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