Le Plongeur

 
Stéphane est un jeune étudiant en graphisme qui aime lire du Lovecraft, écouter Iron Maiden et jouer au jeu vidéo. il ne dit jamais non à un film d'action un peu con-con, surtout si c'est pour le regarder avec ses chums. Ça serait  finalement un jeune homme très moyen s'il n'avait pas un gros problème : une addiction au video poker. Il y engloutit des sommes folles, est obsédé par le jeu et se laisse totalement bouffer par cette pulsion destructrice. Par chance, on lui confie la conception d'une pochette de CD pour un groupe de hardrock, mais évidemment, Stéphane va tout gaspiller dans les machines de jeu. Alors pour se reprendre en main, il va accepter une des pires jobs en ville : faire la plonge dans un restaurant montréalais.

Le livre, autobiographique, est donc une double plongée : dans la tête d'un joueur compulsif qui doit vivre avec cette maladie, et dans le corps d'un petit employé de la restauration qui découvre l'enfer des cuisines. Tout y est raconté dans un luxe de détails, on assiste à différents services du restaurant, on sait quel cook se saoule, lequel prend du speed, comment sont montés les plats, quel barmaid est le plus belle, comment ça sent la mort dans la plonge. Ça colle à la peau, comme ambiance, et quand Stéphane termine son shift, on est aussi mouillé et puant que lui. Dans les scènes de beuverie en groupe, où le personnel se torche la gueule pour gérer cette vie de dingue, c'est d'un réalisme tout aussi cru. Et quand Stéphane se retrouve seul et que la tentation du jeu remonte à la surface, on ne peut que compatir, même quand on a jamais misé une cenne de sa vie.

Pour un premier roman, c'est un sacré tour de force. Le bouquin dégouline d’authenticité. Tout est si finement évoqué qu'on est en apnée pendant toute la lecture. Le livre s'est terminé, j'avais envie de continuer à suivre Stéphane. Je voulais savoir si ce grand con de Bébert s'en était tiré. Si  Bonnie était arrivée à rester sobre. Si Séverine tenait toujours le restaurant. Et Jade, travaille-t-elle toujours là ? Le bouquin raconte des évènements qui se sont déroulés en 2002. Stéphane Larue a continué par la suite à travailler dans la restauration. Je ne sais pas s'il va continuer à raconter sa vie dans un prochain roman, mais cette tranche de vie exposée est d'une sacrée véracité. Les mensonges, la boule d'angoisse, la mécanique implacable qui fait replonger...

Puisqu'on est sur un blog de rôliste, il y a de nombreux allusions au JdR, en particulier une scène où Stéphane fait la queue dans un McDo et se retrouve à côté d'un MJ en train de lire son Manuel du Maître pour préparer sa partie du soir. Et dans un drôle de retournement de valeur, Stéphane l'envie car lui, le DM, il a une vie bien rangée. Il prépare son scénario pour la partie de ce soir. Il est entouré de ses chums. Ils vont prendre plaisir à jouer, C'est le rôliste qui a une vie normale, banale et donc attirante.

Sans surprise, le roman va être adapté au cinéma. Il devrait y avoir de belles scènes de bousculade dans les cuisines, des ambiances glauques dans des bars minables et de la solitude à en pleurer.

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