Dead Cells est à la base un jeu vidéo créé par Motion Twin, des Bordelais. Il mélange deux ingrédients : le roguelite et le metroidvania. Pour la partie roguelite, c'est l'exploration d'un donjon généré procéduralement dans lequel le personnage évolue en affrontant des monstres pour grimper en puissance afin de battre trois boss. On meurt souvent, mais à chaque fois ou presque, on débloque une nouvelle arme, un nouveau pouvoir ou une capacité spéciale qui va nous permettre d'aller plus loin la prochaine fois. C'est le fameux Die & Retry qui semble extrêmement punitif au départ mais qui en fait forme une boucle de gameplay très satisfaisante (pour peu que ça soit votre came). La partie metroidvania, c'est que le monde est divisé en plusieurs zones (les biomes) et qu'elles sont interconnectées, mais pour accéder à un nouveau biome, il faut battre un boss ou débloquer une capacité spéciale. Si bien qu'on s'appuie sur des raccourcis et des zones secrètes pour apprendre à planifier son exploration et ainsi maximiser ses chances d'aller au bout de sa run. Dead Cells le jeu vidéo, c'est un gouffre qui peut facilement vous avaler pendant des dizaines voir des centaines d'heures. Rapide, généreux, exigeant dans son NG+, c'est sans conteste le jeu vidéo auquel j'ai le plus joué dans les dernières années.
Donc quand un éditeur de jeu société montréalais (le Scorpion masqué) a annoncé qu'il collaborait avec la Team Kaedama (soit Antoine Bauza, Corentin Lebrat, Ludovic Maublanc et Théo Rivière, les Dalton du jeu de société) pour adapter ce jeu vidéo en jeu de plateau, j'étais à la fois très enthousiasmé et très curieux de comment ils allaient retranscrire le plaisir que j'ai une manette à la main dans un jeu de plateau. Ça semble tellement antinomique, au premier regard.
Cette version de Dead Cells prend donc la forme d'une boite qui déborde (littéralement, je n'arrive pas à la refermer) de matos. Première grosse surprise : alors que le jeu vidéo se joue en solo, ici on peut jouer entre 1 et 4 joueurs. Sinon, tout le reste a été scrupuleusement retranscrit : la variété des biomes, leurs particularités, le vaste panel des monstres à affronter, le large éventail d'armes et pouvoirs.. Il y a tellement de matériel à débloquer à mesure que l'on progresse. Car oui, c'est le genre de jeu qui, lorsque l'on joue la première fois, semble chiche, mais la vérité c'est qu'à la fin de votre première run, vous allez pouvoir dépenser votre expérience pour acheter de nouvelles cartes qui vont progressivement élargir vos options de jeu et complexifier en douceur votre expérience ludique. Si bien qu'il est tout à fait possible de jouer une partie et de se dire "Hein, c'est juste ça ? Je vois pas pourquoi ils en font tout un pataquès." car le jeu prend toute sa saveur quand on y retourne et qu'on commence à faire des combos après avoir récupéré une arme spéciale ou un équipement qui se révèle diablement efficace en conjonction avec les pouvoirs de votre personnage.
Ce qui désarçonne, également, c'est que les combats se résolvent en ne jouant qu'une carte par jour. Et il n'y a pas de dés à jeter : votre carte indique les actions que vous allez réaliser lors des trois rounds de combat, c'est assez limité... en apparence. Car les combats dans cette version de Dead Cells sont des puzzles qu'il convient de résoudre. Les cartes qui représentent les monstres que vous affrontez indiquent clairement à quel moment quel monstre va faire quelle action. À vous de trouver une combinaison de cartes qui vous permettra d'éviter d'en prendre plein la tronche tout en n'oubliant pas de faire des dégâts pour obtenir de l'expérience afin de d'avoir la puissance suffisante pour affronter des adversaires de plus en plus tenaces. Chaque joueur débute avec un deck de 6 cartes, mais à mesure que vous enchaînez les échecs et donc que vous progressez, vous allez vous retrouver avec de plus en plus d'options. Si bien que les monstres du premier biome qui vous mettaient autrefois la misère vous finir par devenir de la piétaille sur laquelle vous allez rouler sans vergogne quand vous aurez atteint un certain confort de jeu. Cependant, ça reste un roguelite : votre run peut aisément prendre fin si le hasard ne vous donne pas des armes assez efficaces au départ ou bien si la malchance fait que vous n'avez rien pour éviter de vous faire empoisonner par ce scrogneugneuh de scorpion dans les Égouts toxiques. Il faut embrasser ces aléas et accepter que certaines tentatives vont être des fiascos. Mais quand vous allez maîtriser les paramètres du jeu, ça va devenir gérable.
À la maison, nous avons des tonnes de jeu, dont plusieurs grosses boîtes comme Gloomhaven, auxquelles nous avons envie de jouer pour rendre honneur à l'expérience de jeu qu'elles proposent, mais dans les faits, on finit invariablement par arrêter d'y jouer après trois parties. La plupart du temps parce que le volume de règles à maîtriser nous sort par les trous de nez. Ou bien parce qu'on a eu du plaisir une fois ou deux, mais on ne sent pas que la rejouabilité en vaut la chandelle. On préfère bien souvent tester un nouveau jeu que de redonner sa chance à un jeu intéressant mais pas engageant (selon nos goûts, hein). Pourtant, nous avons depuis plusieurs semaines une réelle obsession ludique envers Dead Cells. Parce que les règles sont simples (bien que le livret de règles ne soit pas parfait, n'oubliez pas de télécharger la FAQ). Parce que le matos est somptueux. Parce que le challenge proposé est pile ce qu'il nous faut. Il y a des parties où tu passes à un point de vie que la run s'arrête dès le premier combat, et pourtant tu vas ensuite te rendre très loin... avant de mourir à une case avant un boss. D'autres fois, tu penses avoir trouvé la martingale parfaite pour martyriser le jeu avec la bonne combinaison d'armes et de pouvoirs, mais non, le jeu te rappelle assez vite qu'il faut le respecter et ne jamais prendre la victoire pour acquise. On vient de vaincre le jeu pour la première fois après cinq sessions. On ne pensait pas être en mesure de vaincre le boss final, et pourtant, on a assuré. Comme dans le jeu vidéo, vaincre ce boss n'est finalement que le début de l'aventure, car nous avons encore des tas de cartes à débloquer (dont deux grosses enveloppes qui nous rend très curieux), des challenges à relever pour obtenir des cartes rares. Et surtout, il y a, comme dans le jeu vidéo, une mécanique simple qui permet de faire du NG+.
C'est tellement rare de tomber sur un jeu qui appuie exactement sur les bons boutons chez vous. On n'y joue évidemment pas tous les jours, ça reste un jeu qui occupe la table du salon pendant plusieurs heures quand on s'y attèle, mais pour nous cette adaptation du roguelite en jeu de plateau est une réussite totale. C'est bien sûr une expérience totalement différente du jeu vidéo (merci Captain Obvious), mais les codes du genre sont parfaitement respectés et adaptés au medium. Quand je vois que le jeu n'est qu'à 7,7/10 sur BoardGameGeek, ça me navre car il mérite mieux que ça. Surtout quand je le compare à un 7th Citadel où malgré tout mon enthousiasme, le fun s'est évaporé dès le tutoriel.
Meuh, je suis jaloux, il est dispo par chez vous?? Il est sur ma liste d'achat dès que ça sort, mais dans l'hexagone, ça fait plusieurs mois qu'il est juste "en précommande" sur les magasins où j'ai regardé. En tout cas merci pour ce retour, ça confirme qu'il peut rester sur ma liste des prochains jdp à acheter!
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