Il n’y a pas que Cédric qui ait le droit d’avoir des bouffées de nostalgie centrées sur Vampire – The Masquerade. J’y ai joué et fait jouer très longtemps, et même si je ne me vois pas m’y remettre un jour, je garde un œil sur les sorties, à tout hasard. En clair : mes bibliothèques débordent de trucs que j’ai lus, ou pas, en me disant que peut-être un jour… Oui, je sais, mes héritiers devront dégager tout ça à la pelleteuse, et j’en ricanerai depuis ma tombe, surtout quand ils jetteront des premières éditions introuvables.
Donc, The Crimson Gutter. 166 pages utiles quoiqu’aérées, couverture rigide, papier glacé, illustrations couleur plutôt plaisantes, signet… rien à dire sur la forme. Sur le fond, elle a la prétention d’être une campagne d’initiation à Vampire – The Masquerade 5th Edition. Vaste programme, comme disait le gars qui avait décidé de lire toute la gamme Vampire depuis 1991.
L’idée est donc de commencer avec des nouveaux-nés qui ont tout juste appris à chasser, et de leur faire découvrir de manière organique les Anarchs, la Camarilla et l’Église de Caine, qui sont les trois choix d’affiliation viables dans la ville où ils évoluent. (Une ville qui n’est jamais nommée et juste décrite par petites touches impressionnistes, et qui peut donc être strictement n’importe où des deux côtés de l’Atlantique).
L’une des premières missions du supplément est de nous présenter une vingtaine de PNJ qui évoluent tous plus ou moins au bas de l’échelle. Au-dessus d’eux se trouve… un grand vide délibéré. Le shérif ? Les primogènes ? Le prince ? Oui, ils existent, mais ils sont tellement au-dessus des personnages que vous pouvez les laisser dans le flou jusqu’au moment où il sera nécessaire de les définir par vous-mêmes, en supposant que ce moment arrive un jour. Les PNJ sont sympas, pas trop compliqués à prendre en main, et livrés avec des options « géniteur d’un personnage » et « trahison », au cas où.
Sans divulgâcher quoi que ce soit, c’est bien foutu, avec assez de conseils techniques pour cadrer un Conteur débutant, et ça reprend tous les poncifs des premiers pas dans Vampire. Il est donc question des émotions des premières chasses, des embrouilles autour du territoire, de soirées tendues dans un Elysium où ils ne connaissent personne, de saloperies plus ou moins bien cachées, d’indics Nosferatu qui jouent à Ugly les Bons Tuyaux lorsque c’est nécessaire, et tutti quanti. La partie la plus amusante, parce que la moins attendue, concerne l’Église de Caine, avec ses dogmes malsains mais pas trop et ses rites au parfum de Sabbat allégé et sans gluten.
Tout ça fait le job, le fait bien, et c’est l’un des premiers suppléments de Vampire 5th Edition qui me donne l’impression d’être vraiment rédigé pour des débutants, plutôt que pour des anciens légèrement moisis qui réclament à cor et à cri des nouvelles d’une méta intrigue morte et enterrée depuis le début du millénaire.
L’ensemble n’est sûrement pas jouable en plug-and-play, mais c’est une excellente base de travail, à charge pour le Conteur d’ajuster tout ça à son cadre de jeu, aux envies de ses joueurs et aux particularités de leurs personnages. À la fin de chaque séquence, le texte propose des paragraphes « Variations » qui vous permettent de changer la perspective, d’impliquer des factions différentes, et ainsi de suite. Reste un impensé qui risque de peser, en forme de grand silence sur la question « qu’est-ce que je fais si les joueurs A et D optent pour la Camarilla, alors que B veut rejoindre les Anarchs et C se sent d’humeur religieuse ? »
Si vous envisagez de l’acheter, la question à vous poser est « est-ce que j’ai de grands débutants à initier à Vampire, qui ouvriront de grands yeux émerveillés devant des situations déjà vues et revues par les vieux de la vieille ? » Si la réponse est oui, vous pouvez vous faire plaisir, ne serait-ce qu’en pdf. Si c’est plutôt non, bah, craquez quand même ! Vous n’en êtes plus à deux centimètres d’étagère près, et un jour vos petits-enfants seront assez grands pour apprécier le charme rétro des années 2020.
Un supplément pour Vampire – The Masquerade édité par Renegade Games Studios. Prix : environ 50 € la version papier, moitié moins pour le pdf chez DriveThru.
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