The Grey Knight


Or donc, j'ai renoué avec Pendragon via le Start Set de la 6ème édition. Je vous disais alors tout le plaisir que j'ai eu à retrouver la matière de Bretagne mais également la mécanique qui m'a permis à 15 ans de m'imaginer en écuyer accédant à la Table ronde par le truchement du d20. Et bien fort logiquement, j'ai enchaîné avec la lecture de The Grey Knight, la campagne qui m'a fait me rappeler pourquoi on avait arrêté de jouer à Pendragon. La boucle est ainsi bouclée.

La campagne est constituée de 3 scénarios qui se déroulent en 513, 514 et 515, ce qui permet fort intelligemment d'enchaîner après les scénarios de la boîte d'initiation. En 513, une énième bataille permettant à Arthur d'asseoir son autorité naissante va demander aux PJ de jeter bien des dés. Ne comptez pas sur une intrigue, c'est un prologue tout ce qu'il y a de plus bourrin, mais hey, le jeu ne fait que tenir ses promesses, non ? En 514, apparaît enfin Guenièvre. Vous vous dites "Cool, les PJ vont devoir jouer les entremetteurs ou bien aplanir des difficultés pour que le couple royal puisse se former". Que nenni. Le scénario débute par la chasse d'une créature légendaire puis les PJ tombent sur un chevalier noir en train de kidnapper une damoiselle qui n'est autre que Nimue. Pif paf poum, baston, fin du scénario. Ha... Que c'est décevant.

Le bouquin poursuit avec la description de la cité de Carlion. Enfin, description : 4 pages dont une pour le plan, vous aurez bien du mal à faire vivre ces vestiges romains avec le matériel proposé. Mais en 515 débute la vraie histoire : un tournoi royal est organisé à Carlion. Les PJ vont donc être aux premières loges de plusieurs scènes entre des PNJ importants, mais visiblement le mot agentivité n'a pas encore été intégré par Chaosium car ces scènes ressemblent à d'interminables cinématiques de jeu vidéo. Puis un mystérieux chevalier gris déboule au tournoi et annonce qu'il va revenir à la Pentecôte pour affronter un PNJ. Alors les PJ sont chargés d'aller récupérer des objets magiques pour permettre à ce PNJ de vaincre son adversaire. Des péripéties viendront inévitablement troubler la quête des PJ, qui vont croiser des créatures magiques et des situations merveilleuses. Une fois qu'ils auront trouvé les artefacts, ils pourront les confier au PNJ qui sera alors en mesure d'affronter le terriiiible chevalier gris. C'est vraiment Pendragon, le jeu de rôle où tu regardes des PNJ faire les trucs intéressants à ta place. C'est d'autant plus dommage que le coup du chevalier mystérieux qui défie un autre chevalier, c'est devenu un scénario éculé. Et j'avoue, quand j'ai vu arriver un PNJ nommé Ariette de la Bonne Sourire, j'ai pouffé. Les situations que rencontrent les PJ lors de la quête ne sont pas inintéressantes, mais je les ais trouvées mal présentées et pas toujours bien pensées du point de vue mise en scène. Il y a beaucoup de travail à faire, à mes yeux. Le fait est que ce scénario a été écrit initialement en 1986 par Larry DiTillio, auteur des Masques de Nyarlathotep. Et malgré une réécriture, on sent le scénario à l'ancienne, quoi.

En fait, cette "campagne" m'a fait me rappeler les problèmes que je rencontrais quand je maîtrisais Pendragon : il y a un cadre mythologique à animer, avec des PNJ connus, des situations convenues... Si tu as peur que tes PJ s'en mêlent, tu es condamné à décrire ces événements de manière lourdingues pour t'assurer que le mythe arthurien soit respecté. Les PJ sont alors des témoins passifs de l'Histoire. Ou alors tu rends ça plus personnel, et tu décrètes que le chevalier gris défie un PJ, mais alors pourquoi s'emmerder avec ce cadre si rigide ? Ce sentiment est renforcé par le fait que certaines scènes décrites ne prennent en aucun compte d'une intervention des PJ. Il y a de nombreuses occasions où je lisais le déroulé en me disait "Il n'y a aucune chance que mes joueuses laissent passer ça, elles vont forcément vouloir mettre leur nez dans cette situation", mais non, la campagne part du principe qu'elles vont docilement attendre le signal que le MJ a bel et bien terminé son long tunnel narratif.

Le livre détaille des scènes ("Et là, Kay engueule Machin") où les PJ n'ont aucune initiative sans non plus expliquer les motivations des PNJ au MJ, qui doit se contenter de faire vivre ce background en décrivant des scènes pas particulièrement intéressantes. C'est pas nouveau, comme problématique, c'est aussi vieux que le JdR lui-même à la seconde où l'on joue dans un univers issu d'une oeuvre littéraire ou cinématographique, mais je trouve que Pendragon, en six éditions, ne propose toujours pas de solution à ce problème central. Les PJ restent périphériques à l'intrigue. Oui, ils sont membres de la Table ronde, mais les trucs intéressants arrivent aux autres. Il faut aimer contempler les choses pour apprécier cette approche du mythe arthurien. À quoi bon prendre les PJ à témoin s'ils ne peuvent pas influer sur le cadre de jeu ? 

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