Comme certains d'entre vous le savent (depuis très longtemps), Cédric et moi préparons de longue date un supplément PDF gratuit, totalement officieux, sur la magie de la cuisine. Ce supplément, Thaumates farcis, est, après 2 ans dans les limbes, en phase finale de rédaction avant relecture et maquette. Il contiendra des nouvelles, une école de magie, des Ducs, un Archétype, un artefact, deux scénarios, et plein de petits morceaux de background bien postmodernes. Pour vous prouver qu'il ne s'agit pas d'une légende urbaine, et nous faire pardonner cet ultime retard, nous vous présentons en avant-première la nouvelle d'introduction écrite par Sandy Julien, et une des illustrations gracieusement réalisées par Jérôme Huguenin.
PS : nous invitons nos visiteurs désireux de collaborer à la relecture et/ou au playtest à se manifester dans les commentaires de cet article, nous les contacterons très prochainement.
J'ai faim de toi
“Hé, gros !”
Ils l'appelaient tous comme ça. Ils étaient cruels. Ils étaient jeunes, ils étaient minces, ils étaient nombreux. Ils. Et elles, aussi.
Peter sautait un repas par jour. Il avait appris à surveiller ses aliments avec une précision frisant la paranoïa : chaque repas était une bataille livrée contre l'obésité. “Il faut manger pour vivre, Peter, et non vivre pour manger” disait madame Vercotti de l'étage d'en dessous. Et quand il s'éloignait, Peter l'entendait se lamenter tout bas : “Pauvre, pauvre Peter, qu'est-ce qu'il va devenir !” Ces murmures compatissants étaient plus cuisants que les injures et les crachats. Lors de sa dernière visite, le docteur Jamison avait parlé de morphologie et de génétique pendant ce qui avait semblé des heures à Peter. Il n'en avait retenu qu'une phrase : “Une chose est sûre, mon garçon, c'est que tu n'es pas fait pour être mince.”
Cette phrase avait sonné le glas de ses espoirs. “Mange ou mange pas, tu resteras qu'un tas de gras.” Les gosses de l'école étaient directs, au moins. Pour Peter, il n'y avait pas de morphologie, pas de génétique. Seulement la fatalité de ce onzième commandement, réservé à lui seul par un dieu probablement peu au courant des caprices de la mode : “Tu ne maigriras point.” Le même jour, à la cantine de l'école, il s'était empiffré, goinfré, il avait mangé comme un porc. Il était retourné devant Mlle Kemper, la cuisinière, et il avait demandé “s'il y avait du rab'”. La vieille bonne femme avait souri en lui répondant : “Peter, tu ne suis plus de régime ?” Il avait rougi et secoué la tête, tendant son assiette d'un air désespéré, craignant un instant qu'elle refuse, parce qu'il n'avait pas seulement faim, il avait besoin de manger, il lui fallait manger pour vivre. Mais elle avait simplement eu ce drôle de petit sourire avant de le gratifier d'une généreuse portion de rata. “Il faut manger pour vivre, Peter” avait dit la vieille femme au sourire généreux. Et en se penchant pour le servir, elle avait ajouté tout bas : “Manger avant d'être mangé par la vie.”
Il y avait eu comme une étincelle, une révélation. Et quand Peter était retourné s'asseoir, il avait assisté au plus extraordinaire spectacle qu'il lui ait jamais été donné de contempler. Tout le réfectoire s'était mué en véritable porcherie. Les élèves, garçons et filles, mangeaient à même les plats, à même les assiettes… à même les tables. Une future majorette dont le destin semblait pourtant marqué du sceau de l'anorexie avait le visage couvert de purée et mâchonnait d'un air absent une demi douzaine de saucisses qu'elle enfournait à deux mains dans sa bouche avide. Gabryel Handke, la coqueluche des filles, buvait dans un plat le jus gras des côtes de porc, le menton dégoulinant de graisse, maculant son polo Lacoste de taches sombres. Un des plus fervents tortionnaires de Peter léchait par terre un reste de crème anglaise, avec une expression de délice quasiment obscène.
Personne ne parla jamais de l'incident. À part Mlle Kemper. Cette femme-là avait des connaissances fabuleuses, et son talent ne consistait pas seulement à faire la sauce au poivre la plus succulente de la côte ouest. Peter apprit la cuisine et la sauce au poivre. Et quand il fut prêt, elle lui enseigna le reste.
PS : nous invitons nos visiteurs désireux de collaborer à la relecture et/ou au playtest à se manifester dans les commentaires de cet article, nous les contacterons très prochainement.
J'ai faim de toi
“Hé, gros !”
Ils l'appelaient tous comme ça. Ils étaient cruels. Ils étaient jeunes, ils étaient minces, ils étaient nombreux. Ils. Et elles, aussi.
Peter sautait un repas par jour. Il avait appris à surveiller ses aliments avec une précision frisant la paranoïa : chaque repas était une bataille livrée contre l'obésité. “Il faut manger pour vivre, Peter, et non vivre pour manger” disait madame Vercotti de l'étage d'en dessous. Et quand il s'éloignait, Peter l'entendait se lamenter tout bas : “Pauvre, pauvre Peter, qu'est-ce qu'il va devenir !” Ces murmures compatissants étaient plus cuisants que les injures et les crachats. Lors de sa dernière visite, le docteur Jamison avait parlé de morphologie et de génétique pendant ce qui avait semblé des heures à Peter. Il n'en avait retenu qu'une phrase : “Une chose est sûre, mon garçon, c'est que tu n'es pas fait pour être mince.”
Cette phrase avait sonné le glas de ses espoirs. “Mange ou mange pas, tu resteras qu'un tas de gras.” Les gosses de l'école étaient directs, au moins. Pour Peter, il n'y avait pas de morphologie, pas de génétique. Seulement la fatalité de ce onzième commandement, réservé à lui seul par un dieu probablement peu au courant des caprices de la mode : “Tu ne maigriras point.” Le même jour, à la cantine de l'école, il s'était empiffré, goinfré, il avait mangé comme un porc. Il était retourné devant Mlle Kemper, la cuisinière, et il avait demandé “s'il y avait du rab'”. La vieille bonne femme avait souri en lui répondant : “Peter, tu ne suis plus de régime ?” Il avait rougi et secoué la tête, tendant son assiette d'un air désespéré, craignant un instant qu'elle refuse, parce qu'il n'avait pas seulement faim, il avait besoin de manger, il lui fallait manger pour vivre. Mais elle avait simplement eu ce drôle de petit sourire avant de le gratifier d'une généreuse portion de rata. “Il faut manger pour vivre, Peter” avait dit la vieille femme au sourire généreux. Et en se penchant pour le servir, elle avait ajouté tout bas : “Manger avant d'être mangé par la vie.”
Il y avait eu comme une étincelle, une révélation. Et quand Peter était retourné s'asseoir, il avait assisté au plus extraordinaire spectacle qu'il lui ait jamais été donné de contempler. Tout le réfectoire s'était mué en véritable porcherie. Les élèves, garçons et filles, mangeaient à même les plats, à même les assiettes… à même les tables. Une future majorette dont le destin semblait pourtant marqué du sceau de l'anorexie avait le visage couvert de purée et mâchonnait d'un air absent une demi douzaine de saucisses qu'elle enfournait à deux mains dans sa bouche avide. Gabryel Handke, la coqueluche des filles, buvait dans un plat le jus gras des côtes de porc, le menton dégoulinant de graisse, maculant son polo Lacoste de taches sombres. Un des plus fervents tortionnaires de Peter léchait par terre un reste de crème anglaise, avec une expression de délice quasiment obscène.
Personne ne parla jamais de l'incident. À part Mlle Kemper. Cette femme-là avait des connaissances fabuleuses, et son talent ne consistait pas seulement à faire la sauce au poivre la plus succulente de la côte ouest. Peter apprit la cuisine et la sauce au poivre. Et quand il fut prêt, elle lui enseigna le reste.
Un peu de nouveau pour UA ? ce sera un plaisir de relire ça pour vous messieurs. Et d'en parler sur le Kube bien sur. Les images postées par Jérome sur son blog étaient déja bien alléchantes ...
RépondreSupprimerPas de souci pour le Kube, c'est avec plaisir que nous parlerons de ce PDF.
RépondreSupprimerEt nous notons ton nom pour la relecture, merci beaucoup de ta proposition.
Je ne doute pas que vous serez doués pour corriger les fôtes...
RépondreSupprimerMais si jamais vous manquez d'relecteurs, après tout, hein...
Caramba ! Yé me mets sour la liste...
:)
J'ai un certain "Bob Darko" qui me spamme : il veut bien relire, mais il est mystéfié par le formulaire de saisie des commentaires. :)
RépondreSupprimervous devriez déjà par apprendre à écrire "tomates"... urf
RépondreSupprimerHum, tu nous taquines, là ? Tu avais vu le jeu de mots, j'espère ? :)
RépondreSupprimerje de maux ? non ou ça ?
RépondreSupprimerPeut-être qu'il est un peu trop capillotracté, ou alors c'est parce que tu ne joues pas à UA. "Thauma", qui a donné thaumaturgie, désigne la magie - après une dérive sémantique depuis "faiseur de miracles". Un Thaumaturge est un magicien, et le terme est plus spécifiquement utilisé dans UA pour désigner les mages old school. Thaumates est un néologisme, formé à partir de cette racine.
RépondreSupprimerLe PDF que l'on propose contient entre autres les moyens de s'approprier les pouvoirs d'un magicien en le bouffant. Comme on dit "un mage au dessert, c'est un régal que l'on sert". :)
Je veux bien relire moi aussi.
RépondreSupprimer:)
meuh non il est parfait ce jeu de mots !
RépondreSupprimerOù peut-on te contacter, Moïse ?
RépondreSupprimerJe savais bien que j'arriverai pas à lier mon adresse mail, j'ai déjà eu du mal à saisir un commentaire...
RépondreSupprimerJe vous envoie un mail.
Salut,
RépondreSupprimerDes news sur "Thaumates farcis" ? Car c'est avec joie que je le lirai ^^" ! Enfait, ça fait super longtemps que j'attends pour en parler sur le zine de Tenebrae
Zack
Il est sur le bureau de Philippe.
RépondreSupprimerOn met la touche final à notre chapitre pour Atlas de Bejofa pour Nightprowler puis Philippe remet le nez dans Thaumates farcis pour achever le manuscrit. Merci pour ce coup de pied au cul amical.
LoL ! J'en profite pour signaler que je suis sur paris et que UA n'est pas mort, vu la notoriété exponentiel de Neil gaiman ^^"
RépondreSupprimerAlors à quand ce supplément :D ?
RépondreSupprimerIl est sous la comptabilité en souffrance sur le bureau de Philippe.
RépondreSupprimerOn essaye de battre le record de retard d'édition de Nature pour Scales.
Et bah plutôt bien partis héhé. En tout cas le pitch est suffisamment intéressant pour vous louer des fouetteurs professionnels au besoin
RépondreSupprimerPayer pour se faire fouetter, c'est une autre Ecole de magie !
RépondreSupprimerJe viens relancer l'affaire :D
RépondreSupprimerLe pire, c'est que j'ai failli annoncer la sortie du supplément aujourd'hui. Mais je ne trouvais pas ça assez crédible.
RépondreSupprimerSérieusement, nous sommes trop occupés par l'adaptation en JdR de Wastburg.
Moi je veux bien des roughs au pire :P
RépondreSupprimer