Pourquoi lire un bouquin de Zola en 2011 ? Dans mon cas, c'est à cause des 90 ans du Parti communiste français. On s'amuse beaucoup à regarder ce parti moribond agoniser et à parler d'acharnement thérapeuthique. Stalinien même quand c'était une position indéfendable. Georges Marchais et André Lajoinie, les Dupont et Dupond du prolétariat. La fête de l'Huma, un endroit populo-branchouille où les vieux de la vieille se retrouvent pour radoter sur les luttes d'hier. Ils étaient censés rallumer toutes les étoiles du ciel, à la place, ils vendaient du muguet les 1er mai. C'est toujours triste, un naufrage. Et une fin misérable occulte les bons moments. Car le PCF, ce n'est pas seulement Robert Hue qui imite Eddy Mitchell chez Patrick Sébastien. Il y a eu des combats, des avancées sociales, du progrès mesurable. Et Pif Gadget. Et justement, Germinal, ce sont les prémices de cette aspiration au changement.
Étienne Lantier, jeune machiniste ayant perdu sa place pour avoir gifflé un supérieur, erre à la recherche d'un travail. Il trouve un emploi dans une mine de charbon où il va découvrire à la dure à quel point la vie des mineurs est rude. Abus de pouvoir des petits chefs. Sexualité de promiscuité. Conditions de travail épouvantables. Comme Étienne a fait des études et qu'il entretient une correspondance avec un responsable de l’Internationale, il va proposer à ses collègues de mettre en place une caisse de solidarité, en vue de la grève. Parce que ça va péter, c'est certain. La compagnie leur mange de plus en plus la laine sur le dos. Ils crèvent en respirant la poussière de charbon. Les mioches se font écraser quand les tunnels mal entretenus s'écroulent. Le prix du pain ne cesse d'augmenter. Alors, un beau matin, s'en est trop. Ils en ont gros. Étienne est heureux : l'heure de sa révolution est arrivée. Mais est-ce vraiment le bien commun, qui l'intéresse, ou bien faire reluire sa petite gloriole ?
Zola écrit un roman reportage. Le lecteur ne lit pas tant une histoire qu'il découvre un univers qui lui est inconnu. C'est bourré de termes techniques sur la mine, on sent bien que le Mimile, il est allé sur place pour regarder comment la poussière de charbon colle à la sueur des mineurs. Et il n'est pas tendre avec les pauvres, le Zola : au lieu de nous raconter la vie simple des humbles sur l'air de "C'est pas leur faute, ils sont exploités par le patronnat", il se montre assez objectif quand il pose son regard sur cette misère. Et quand il dépeint les patrons, ce n'est pas uniquement pour montrer des accapareurs qui s'engraissent à rien faire. On trouve également des petits patrons paternalistes qui veulent juste rentrer dans leur argent ou bien qui sont obligés de faire plaisir à leurs actionnaires. Et l'Étienne, c'est pas un ange. Dès qu'il a le vent en poupe, il n'hésite pas à profiter de sa petite notoritété pour coucher. Mais surtout, il dit à la plèbe ce qu'elle a bien envie d'entendre. Il promet que l’Internationale va renverser l'ordre mondial en 3 ans. Il ment avec le même aplomb que le curé du coin, il utilise la même réthorique en remplaçant Dieu par Marx.
Par contre, Zola ne semble pas avoir vu Bienvenue chez les Ch'tis parce que ses personnages du nord parle le langage du peuple, mais ça reste très parisien. Il ne fallait sans doute pas effrayer le lectorat bien propre sur lui.
Germinal, ce sont des promesses non tenues. Des lendemains meilleurs. Un monde nouveau. Une nouvelle ère. L'entente entre les peuples. L'égalité entre camarades. Sauf que cette utopie est vendue en oubliant un élément important de l'équation : l'hommerie. Le système politico-économique a beau changer, l'homme reste le même. Avide. Un peu con. Partisan du moindre effort. On a 90 ans d'expérience qui le démontrent. Alors Germinal, ça fait mal. On sait que ça va foirer. Le livre est censé incarner les germes de cette révolution (d'où le titre) alors que nous avons assisté à la mort de cette idéologie.
Mais en dehors de l'aspect purement politique, Germinal reste d'une actualité frappante. Il n'y a qu'à regarder les mineurs chiliens ou lire le récit des catastrophes minières chinoises pour se rendre compte que cette misère-là, elle a juste changé de continent. Les tunnels d'ailleurs sont eux aussi mal étayés. Des gamins grandissent trop vite en se courbant pour ramasser un peu de charbon. C'est juste que ce n'est plus sous nos yeux.
Germinal m'a éclairé sur la raison qui fait qu'avec le temps, les ouvriers ont tourné le dos au PCF pour aller écouter les délires bruns du Front national. Les gens préfèrent croire en des mensonges concrets qu'en des promesses abstraites. Il est plus facile de croire que les musulmans vont violer ma fille que d'aspirer à plus d'harmonie dans les rapports humains. Et j'ai dans l'idée que la Marine Le Pen, des conneries tangibles, elle en a à revendre.
Conclusion : ni dieu, ni Marx, ni Le Pen.
Merci pour cet article, qui prouve que suivre ce blog peut apporter de tout, et même du Zola à la sauce présidentielle 2012!
RépondreSupprimerGerminal je l'avais lu lorsque j'avais 14 ans alors forcément cela date un peu et on ne le comprend pas comme on peut le percevoir adulte, merci pour ton analyse très fine de ce roman ...noir.
RépondreSupprimerET tout à fait d'accord avec ta conclusion ^^
C'est sûr que Germinal avec du ch'ti dedans ça aurait été épique. Mais bon, à l'époque de Zola, faire dans les langues régionales était très très mal accueilli. Et puis bon. Même Bachelet chantait le Nord en français, et c'était beau ^^
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