Je ne pourrais pas prétendre, à la lecture de Rue des Maléfices, ne pas avoir souffert. Et pourtant, j'ai adoré ce bouquin, et je pense même que je le relirais un jour, quand j'aurais un peu de temps devant moi. Mais le fait est que sans être ardu au sens classique du terme c'est un bouquin qui manque délibérément d'entrain si bien qu'il est difficile de savoir où l'interrompre et plus difficile encore d'y revenir une fois interrompu.
Rue des Maléfices parle de Paris. Pas le Paris visible de tous, le Paris de carte postale. Pas même le Paris interlope ou criminel, non. Le Paris des mystères, le Paris étrange, celui de la Bièvre souterraine qui distille ses effluves sombres sur les pochtrons, les clodos, les chifftons et les peintres. Le Paris des légendes du XIIIè siècle qui reviennent hanter les tenanciers de bistrots du XXè, des bohémiens et autre gitans dont le mauvais oeil peut détruire la vie d'un homme, son entourage et tout ce à quoi il tient. Celui des truands au grand coeur qui tranchent la gorge d'un rival d'une main et paient un gueuleton à un inconnu dont la tête leur revient bien de l'autre.
La première partie du bouquin se passe pendant la seconde guerre mondiale. Le narrateur est vaguement engagé dans la résistance. Vaguement non pas parce que ce n'est pas sincère et dévoué, mais parce que ce n'est pas le propos du livre. Du coup, les nazis on en parle que lorsque leur chemin croise celui d'une des funestes histoires qui sont égrenées au fil des pages de Rue des Maléfices, entrelacées et décousues. Ils finissent mal d'ailleurs, les nazis et leurs amis. Comme les histoires, pour la plupart. La fin du livre se passe après la guerre, mais finalement ça n'en change pas l'esprit.
Rue des Maléfices est un bouquin qui se savoure plutôt qu'il ne se dévore. C'est un bouquin dans lequel il faut pouvoir s'immerger pour en goûter la langue travaillée, l'argot truculent, les inexorables tragédies qui avancent lentement, les mystères non résolus, les morts étranges et la noirceur du quotidien soudain percée par la lumière d'une jolie collectionneuse de chats, d'une jeune fille qui pose nue pour les peintres du quartier, d'un acte de générosité inattendu du vieux dormeur.
Malheureusement pour moi, mes plages de lecture sont courtes et hachées, juste pas ce qu'il faut pour un bouquin comme ça. L'absence totale de fil narratif, les enchaînements, ou plutôt devrais-je dire les glissements d'une histoire à l'autre, l'absence de personnages récurrents (à quelques exceptions près), tout ça rend une lecture discontinue difficile à soutenir, et c'est pourquoi j'ai trouvé le bouquin ardu à finir.
Ça n'en est pas moins une perle. La couverture refermée on a envie de se promener la nuit rue Mouffetard et de chercher les vestiges du Paris d'antan. On marche autrement dans le quartier des Gobelins, cherchant peut-être à entendre la Bièvre sous nos pas. On traverse prudemment le Pont Marie de peur qu'il ne s'écroule une fois encore...
Rue des Maléfices c'est un livre qui évoque un Paris inquiétant et merveilleux qu'on se surprend à préférer au Paris morne et prévisible de notre quotidien. C'est une lecture qui se mérite, mais pour les amoureux de Paris, elle devrait être obligatoire. Je ne regrette pas une seconde les efforts consentis pour en venir à bout!
Ce bouquin, je suis tombé dedans et je ne crois pas l'avoir lâché avant de l'avoir fini. Paradoxalement, le plus difficile a été de l'ouvrir, tant la couverture me faisait redouter un polar, genre que je n'apprécie pas du tout.
RépondreSupprimerJe pense que ça tient en effet plus à l’ambiance qu'à la trame narrative. Et oui, la langue est parfois un peu rude si on n'y entrave que pouic à la jactance des Apaches, mais elle fait partie du charme du bouquin.
Ma difficulté ça a vraiment été dans le rythme de lecture et l'appel du livre après mes fréquentes interruptions. J'ai adoré le contenu, l'argot, les personnages, la truculence discrète.
RépondreSupprimerC'est juste l'absence totale de fil qui me l'a rendu difficile.
Ouf, tu me rassures : je ne suis pas le seul à avoir du mal avec cette absence totale de fil rouge.
SupprimerJe me suis retrouvé au milieu du livre à adorer l’ambiance et le style, mais sans raison de continuer ma lecture tant je ne savais pas ce que le protagonistes principal faisait ou voulait.
J’aime les portraits de ville et le récit des petites vies des gens de rien (enfin, je crois, non ?) mais là, je n’avais aucun récit auquel m’accrocher, juste un kaléidoscope de portraits.
Je l'ai déjà dit ailleurs mais si tu veux continuer dans cette ambiance, essaie le "Paris Insolite" de Clébert (récemment réédité en poche) et "Le Vin des Rues" de Giraud, les deux héritiers de Yonnet, qui étaient très amis (ainsi que de Doisneau) mais la légende veut que Giraud ne parla plus à Clébert quand ce dernier sortit son livre le premier.
RépondreSupprimerIls sont déjà dans ma wishlist, lecteur anonyme cataphile et occasionnellement atrabilaire.
SupprimerTu sais parler d'un livre pour en donner envie. Je le note illico sur ma liste au Père Noël :)
RépondreSupprimerJ'ai triché en le lisant en anglais mais ce livre m'a beaucoup plu aussi. Ca s'appelle Paris Noir ce qui me semble un peu bizarre.
RépondreSupprimerJ'aimerais bien savoir comment le traducteur a géré l'argot parisien. Ça doit quand même perdre pas mal de la truculence de l'original.
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