Gomorra


J'ai déjà parlé de Gomorra sur ce blog en abordant le livre et le film qui s'en est inspiré. Voilà que le travail de terrain de Roberto Saviano trouve une autre manière de raconter la camorra à travers une série télévisée (pour le moment, une saison de 12 épisodes).

Or donc, le clan Savastano règne par la violence sur Naples. Drogue, meurtres et montages financiers : vous imaginez le tableau. Don Pietro et sa lionne donna Imma ont un digne fils en la personne de Gennaro, le fils pourri gâté qui doit hériter de tout ça un jour. Sauf qu'il n'a pas les épaules, le Genny, alors don Pietro demande à un de ses lieutenants, Chiro, de prendre le gamin en main et d'en faire un homme, un vrai. Chiro, qui sent qu'il y a un coup à jouer, s'essaye à la trahison et aux mensonges pour essayer de montre en grade rapidement. C'est que la situation est chaotique, entre les habituelles tensions internes du clan et le conflit ouvert avec le clan Conte, l'autre branche napolitaine de la camorra.

La série n'a pas au premier regard l'intelligence sociologique de The Wire. Et pourtant. Sous le prétexte de mettre en scène des histoires archi-vues de mafieux, elle raconte ce monde de l'intérieur en montrant plusieurs facettes de cette gangrène. Un épisode qui parle de la finance corrompue, un autre de la pression appliquée sur les quartiers du voisinage, un autre sur le rôle de suzerain du chef mafieux envers le petit peuple qui vient avec des doléances... Le récit choral permet de montrer des choses bien variées, comme la situation dans les prisons napolitaines, les magouilles électorales ou la manière dont le pognon de la drogue finit par finance de beaux immeubles bien propres.

Et puis, camorra oblige, aucun personnage n'a d'immunité narrative. Tels des GRR Martin italiens, les scénaristes se débarrassent aisément de personnages centraux, si bien que la tension est là en permanence. Et du coup, les personnages ne sont pas enfermés dans un éternel statu quo : ils évoluent. En particulier Gennaro, qui subit une effroyable mutation en milieu de saison. On est loin de l'éternelle répétition de certaines séries.

Le dispositif narratif est connu : c'est la lutte des Anciens et des Modernes. Chiro est lui un ancien Moderne, ou plutôt un Ancien qui se pense encore moderne. Il est aussi infect que les autres, mais à force de lui coller aux basques, on finit par s'y attacher, à ce crevard.

C'est une série filmée dans les décors naturels de Naples, avec des HLM déglingués, des assassinats en scooter, des statues religieuses au coin des rues, des appartements transformés en musée du kitsch par ces nouveaux riches qui mettent, du même geste, un H majuscule à honneur et une balle dans le dos d'un cousin. C'est cradingue, évidemment peu reluisant, mais c'est raconté avec un vrai talent. Les gars s'embrassent, se pincent les joues et se rêvent rois de Naples en écoutant du rap italien qui tache ou en pleurant sur les mièvreries d'un chanteur de charme.

Bref, de la chouette télé italienne.

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