Mantoïd Universe






"Fuck l'équilibre des personnages : le jeu cherche à simuler l'instabilité et l'imprévisibilité[...]. Le Chaos incarné !"
"Fuck les scénario millimétrés : il est interdit de préparer son scénario. [...]Le meneur doit être surpris et improviser."

"Fuck le méta-jeu : si un joueur hésite c'est son personnage qui hésite. S'il part aux chiottes continuez à jouer !"

On a à peine commencé à lire Mantoïd Universe, le dernier jeu de Batronoban, qu'on tombe sur une page d'anti-conseils de jeu qui nous invite à jeter aux orties toutes nos bonnes pratiques rôlistes : "Fuck le calme", "Fuck l'écran", "Fuck les chaises", "Fuck", "Fuck", Fuck"...Bref on est un peu déstabilisé mais on est rapidement dans l'ambiance.
Une ambiance adaptée à l'univers du jeu : on évolue sur la Mer du Chaos dans des les miettes d'un monde qui a été vomi par le dieu Azathoth (parce que fuck Lovecraft !!), c'est du post-Apo qui ferait passer le dernier Mad Max pour une paisible ballade à la campagne, c'est peuplé de créatures bizarres comme des cyborgs détraqués, des junkies qui sniffent du pétrole, des clones qui reviennent à la vie et des Hommes-Porcs végétariens. Comme avec les précédents jeux de l'auteur, dont le fameux Chevalerie et Sodomie qui fut nommé meilleur jeu du mois de février par l'équipage du Grog, l'univers est à la fois horrifique, délirant et obscène. Attendez-vous à y trouver des personnages motivés par le stupre, à changer plusieurs fois de sexe suite aux sorts jetés par les mathématiciens du vide et à vous battre contre des mille-pattes humains ("Fuck le bon goût" fait évidemment partie des conseils que l'on peut lire dans le livre et on pense aux délires scatologiques d'un jeu vidéo comme The Binding of Isaac).  Les idées folles de l'auteur viennent de plus rencontrer le style visuel de Jeremy Famir qui illustre richement l'ouvrage et concourt à l'esthétique décalée et magnifique du jeu.



La grande réussite de Mantoïd Universe c'est sa capacité à faire déborder le chaos de son univers dans nos parties. Le jeu s'inscrit dans la mouvance "old school" et remet au centre des parties l'aléatoire. Les caractéristiques, les motivations, le sexe, les préférences sexuelles et même le nom des personnages sont tirés aux dés...ne vous étonnez pas d'avoir à jouer Trashium, un Homme-Mouche hermaphrodite et adorateur du Chaos ou Mikipute, un cyborg qui se déplace en rebondissant. Mais le livre est surtout bourré de tables aléatoires permettant d'improviser des rebondissements et produisant des effets absurdes, horrifiques et/ou drôles tout au long de la partie. Les personnages sont extrêmement vulnérables face aux dangers de la Mer du Chaos. La mort n'est jamais séparée des personnages que d'un ou deux jets de dés et, comme l'écrit le texte du jeu, les joueurs n'ont qu'assez peu prise sur le monde : "c'est le monde qui aura de l'impact [sur eux]". Mourir lors de la création des personnages -qui dure moins de 5 minutes- est ainsi un événement fréquent mais toujours hilarant.





L'imprévisibilité du monde devient ainsi l'imprévisibilité de la partie, imprévisibilité renforcée par des éléments aléatoires qui viennent directement affecter l'organisation de la table. Il pourra arriver qu'un joueur devienne MJ pendant 3 minutes et se permettre d'envoyer le scénario dans le décor. D'autres tables auront l'occasion de voir un joueur incarner un personnage motivé par un instinct de destruction présenté ainsi "votre petit plaisir, c'est de tout détruire [...] les meubles, les gens, les décors et même les parties de jeu comme celle-ci"...
On voit bien ici jusqu'où va la radicalité de Mantoïd Universe qui donne une telle place au chaos qu'il va jusqu'à inciter ses joueurs à saborder la partie. Cette dernière devient ainsi un happening monstrueux mais joyeux, un tour de montagnes russes qui finira probablement dans le décor mais qui sera l'occasion pour tout le monde de rivaliser de créativité pendant deux ou trois heures.

C'est évidemment formidable.

Commentaires

  1. Décrit comme ça, on dirait du Druillet sous amphèt. Avec une table à l'unisson (pas forcément évident, ça...), ce doit être intéressant.

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