Le Septième Templier

 

J'ai un péché-mignon : chaque été, je lis un thriller ésotérique en ricanant tout du long. Ma femme m'entend pester pendant ma lecture puis s'esclaffe quand je lui raconte en détail l'imbécilité de l'intrigue et de la narration. Il faut dire que mon épouse a de l'avance : elle a un jour lu un livre sur des hommes de Néandertal télépathes poursuivis par des agents du FBI ou de la CIA, j'ai depuis beaucoup de mal à dépasser ce niveau de crétinisme littéraire.

Giacometti et Ravenne sont deux auteurs membres de la franc-maçonnerie qui mettent en scène Antoine Marcas, un commissaire de police travaillant à l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels. Il est bien évidemment franc-maçon car c'est là-dessus que réside tout le sel de la série : nous raconter des histoires inspirées par la réalité franc-mac.

Dans cette enquête (la 8e d'une série de 12, il se peut donc que j'ai manqué des subtilités), Marcas est en train de visiter des ruines nazis (oui, oui, ça part bien) quand il est appelé sur son téléphone portable par un homme mystérieux qui lui donne du "frère" (ce qui sous-entend qu'il est lui aussi initié) et lui confie une énigme avant de mourir et même de se faire décapiter. Marcas va bien évidemment remonter la piste et tenter de résoudre le jeu de piste qui mène bien évidemment au trésor des templiers. Rien que ça. Mais comme c'est un peu basique, comme intrigue, les auteurs vont ajouter deux fils narratifs : les derniers jours de l'ordre des templiers en 1307 (avec tortures, complots royaux et tout le tintouin) et surtout un complot financier touchant le Vatican de nos jours. Et le récit va sans arrêt sauter d'une intrigue à l'autre, avec des cliffhangers  de dingue du genre "Et là Bidule vit le visage de l'Assassin (mais on vous dira pas son nom pour vous obliger à lire le prochaine chapitre... mais d'abord vous devrez vous taper deux autres chapitres : un sur le pape et un autre sur Nogaret)". Le récit vous ment pour ménager ses effets putassiers : le pape est ainsi victime d'un attentat. On nous tient en haleine sur son état de santé, on finit bien évidemment un chapitre sur un "Alors, est-il mort ?" qui n'aura pas de réponse avant 3 chapitres... Tout ça pour apprendre qu'en fait, il portait un gilet pare-balles.

L'intrigue médiévale avec les Templiers, je l'ai trouvée particulièrement ronflante. Ce sont des choses qui ont été mille fois racontées, le coup des sept templiers qui échappent au coup de filet royal. Mais c'est documenté, donc on peut balancer plein d'infos qui font vraies, c'est important pour ancrer le récit dans le vrai et l'historique.

L'intrigue papale est ridicule : le complot est nul (en fait, c'est le pape lui-même qui a commandité son faux assassinat pour donner un coup de fouet à la foi mondiale), les moyens technologiques sont dignes d'un épisode de CSI ("j'ai modifié le code de la base de données" étant une explication passe-partout). On est sensé croire à des machinations folles, mais c'est vraiment de la petite politique à deux balles. Et puis, le pape n'est jamais nommé car on ne peut pas dire explicitement que c'est Benoit XVI, ça la foutrait mal de prétendre qu'il est machiavélique. Alors c'est un pape évanescent, sans relief, dont on se moque totalement puisqu'il n'existe pas vraiment. Cette intrigue ne sert qu'à incorporer du Vatican bien racoleur.

Reste l'intrigue centrale, avec Antoine Marcas. Et là non plus, ça ne vole pas bien haut. Déjà, le personnage n'a aucune personnalité, à part être un franc-maçon. C'est son seul trait de caractère, sa seule fonction narrative. Évidemment, il tombe amoureux de la fille experte dans le domaine nécessaire à la résolution de l'énigme en moins de 5 minutes parce qu'elle est belle et qu'elle est franc-mac. L'énigme et sa résolution sont franchement dignes d'une partie de jeu de rôles, c'est de loin le point le plus positif de ce roman. Bon, c'est compliqué pour pas grand chose avec des micro-films cachés dans la boite crânienne des dépositaires du secret, mais franchement, c'est pas le plus débile dans toute cette histoire. Non, le hic, c'est vraiment la méchante (la Louve), une mercenaire sadique accolée de deux tueurs insipides : là on est clairement dans le grand-guignol.

Reste l’authenticité franc-maçonne. Car je rappelle que c'est pour ça qu'on lit ces bouquins : parce que c'est basé sur de vrais rites. Et là, ça ne donne vraiment pas envie d'être franc-mac. Bon, ça tombe bien, ce genre de romans n'est pas fait pour recruter, mais j'ai connu des joueurs de JdR plus calés en symbolique que les héros, qui sont censés être des maîtres. C'est vraiment pauvre. Je suis certain qu'il y a plus de contenu dans le numéro hors-série annuel du Point sur les mystérieux secrets supposés de la franc-maçonnerie. Ce n'est pas en lisant ce roman qu'on peut comprendre ce qui pousse les gens à embrasser cette pratique.

Ceci-dit, Marcas et sa dulcinée sont assez critiques de la franc-maçonnerie, je dois bien avouer que c'est agréable d'avoir des personnages qui remettent en question certains aspects de l'enseignement.

Après, peut-on écrire 12 romans sur des énigmes ésotériques sans se parodier ? Y'a forcément un moment où tu commences à tourner en rond, surtout dans un genre aussi balisé et pléthorique. Là, on a vraiment affaire à un roman basé sur une recette désormais tellement éculée que le résultat en devient risible.

Je n'ose imaginer à quel point ça doit être insultant pour les francs-maçons, ce genre d'élucubrations complotistes.

Commentaires

  1. J'espère que ta femme ne parle pas de Malhorne car c'est quand même plus poussé que juste "des Neanderthals télépathes poursuivi par le fbi et la Cia"

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    1. Non, j'ai oublié le titre (qui était oubliable), mais ce n'était pas ce livre-ci.

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