Le Clan des Otori


Quand on parle du Japon médiéval, la trilogie Le Clan des Otori revient invariablement sur le tatami comme un incontournable. Cité plus souvent que La Pierre et le sabre, j'attendais donc beaucoup de ce tryptique. La déception est à la hauteur de mes espoirs : Lian Hearn n'est pas de la trempe d'Eiji Yoshikawa.

Or donc, tout se passe dans un monde très japonais en apparence, mais l'univers Le Clan des Otori n'est pas Rokugan, encore moins le Japon. C'est une contrée avec une poignée de clans qui se foutent sur la gueule pour le pouvoir, le vrai, celui qui permet de dire "C'est moi qui suis le plus fort, nananèreuh". Et dans ce monde qui ressemble au Japon sans toutefois être le Japon, un petit garçon élevé par une famille de chrétiens (appelés ici Invisibles pour faire plus mystérieux) se retrouve au milieu d'un beau merdier politique (efin, relativisons, c'est aussi politique qu'une partie de Zargos) quand il apprend coup sur coup qu'il est en fait ninja (enfin, membre de la Tribu, pour faire plus classe), noble de naissance et futur maître de ce petit monde (qui n'est pas le Japon, vous l'ai-je précisé ?). Mais attention, ce n'est pas un méchant ninja impassible qui tue entre deux bouchées de sushis : c'est un gentil ninja, avec des remords, du spleen et du coeur. Oui, c'est possible. Même que c'est le héros. Pour mener à bien sa destinée, il a une super-ouïe que même l'homme qui valait 3 milliards il a pas la même. Et pis même qu'il peut se rendre invisible at will et qu'il sait se dédoubler pour faire croire aux méchants qu'il est à gauche alors qu'en fait il est à droite. Comme ça ne faisait pas assez de pouvoirs cools, notre héros est aussi capable d'endormir les chiens et les vilains pas beau en les regardant droit dans les yeux. Ça donne envie, hein ?


Tout au long de ses trois romans, l'auteur aligne avec minutie les poncifs du genre : apprentissage du jeune héros, histoire d'amour impossible (les deux protagonistes tombent éperdument amoureux l'un de l'autre en un seul regard d'un millième de seconde, c'est beau comme du Barbara Cartland), trahisons téléphonées, deus ex machina qui va bien et victoire des gentils à la fin juste avant le générique. Comme si ça ne suffisait pas, elle utilise LE lieu commun de la fantasy : la prophétie à deux balles délivrée par une vieille femme mystérieuse tout en haut de la montagne sacrée.

De plus, l'auteur use et abuse des capacités spéciales de son héros qui réussit presque tout ce qu'il entreprend. Ah oui, j'ai oublié un cliché : le coup de l'épée magique. Sinon ce n'est pas une vraie bouse. Les techniques de ninja sont insipides à l'écrit, d'autant qu'elles se résument à "J'écoute avec mes super-oreilles, je me faufille, je backstabe et je me casse". Les combats qui mettent en scène des milliers de guerriers sont aussi palpitants que le bulletin météo.

La magie maintenant. On a droit à un ogre à un moment. On se dit "Ah tiens, ça va commencer à devenir plus fantasy", mais en fait non. Sa présence n'est pas expliquée encore moins justifiée, tout comme les super pouvoirs du héros.


Il vaut mieux ne pas perdre son temps avec cette série très anecdotique. L'auteur rallonge la sauce en proposant une suite et un autre roman pré-Otori. On raconte même que le cinéma est très intéressé par les aventures du gentil ninja qui a une prophétie à réaliser. Vous devriez donc immédiatement lire cette trilogie pour pouvoir briller en société en disant "Le Clan des Otori ? Oh, le livre était encore pire que le film..."

Commentaires

  1. J'ai lu le Clan des Otori en anglais il y a quelques années. Mes souvenirs sont vagues, mais ils me semblaient de bons livres pour enfant. Ce qui était d'ailleurs le public visé par l'édition que j'ai lue.
    Ça n'a donc rien à voir avec Musashi de Yoshikawa.
    Si on s'attend à des livres pour adulte, on doit en effet être très déçu. Est-ce que l'édition laissait entendre le contraire?

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  2. J'ai pris le livre dans son édition de poche chez Folio, qui ne publie à ma connaissance que des livres pour adulte.

    Les commentaires que je lis à droite à gauche précisent tous que c'est le premier livre que l'auteur a écrit pour des adultes.

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  3. C'est curieux. Je me souviens distinctement de les avoir acheté dans la section enfant-ado d'un Barnes & Noble.

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  4. Anonyme27/7/07

    Disons que je te trouve un poil sévère, même si rien de ce que tu dis n'est faux. Tout d'abord, folio ou pas, c'est clairement un bouquin pour ados et c'est à eux que s'adressent les poncifs. Ensuite, même si les histoires d'honneur et d'amour sont légion dans la littérature et l'art nippon, le thème est ici pas trop mal exploité même si je peux comprendre que le côté fleur bleue crispe. Enfin, les "chrétiens" locaux sont quand même plutôt bien campés je trouve...

    Enfin bon, les coups et les douleurs, hein... Je pense que tu en attendais un peu trop...

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  5. Je suis sévère, j'en conviens. Je trouve que le troisième volume est le plus exploitable des trois. Il fait assez Reign, pour le coup : les deux héros ont des troupes, ils doivent gérer un fief dont ils ont hérité...

    Ce qui m'a gonflé, c'est que l'auteur invente un décor mais y place tous les éléments du Japon réel (les chrétiens, les shintos, les boudhistes, les barbares, la structure sociale...). Du coup, à quoi ça sert d'inventer un univers si c'est pour ne faire que copier le Japon original ? Juste pour ne pas se faire emmerder par les puristes ?

    Alex : oui, je pense qu'il y a une erreur de classification. Ça serait une suite de livres potable pour des adolescents (j'ai apprécié l'amour trouble entre le moine et le héros, par exemple) mais vendus comme des bouquins pour adultes, c'est insuffisant, à mon goût.

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  6. Anonyme30/7/07

    En ce qui me concerne, je voulais faire une petite précision sur cette phrase du "spécialiste des séries des années 80" :

    Il a une super-ouïe que même l'homme qui valait 3 milliards il a pas la même.

    Contrairement à ce qu'on essaye de nous faire croire dans ce blog, Steve Austin n'avait pas une super-ouïe, mais une super-vue. Pour les grandes oreilles, il fallait regarder Super-Jaimie...

    Sinon, je confirme que le Clan des Otori est à l'origine un livre jeunesse que Folio a ressorti en format classique.

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  7. Anonyme1/8/07

    << Ce qui m'a gonflé, c'est que l'auteur invente un décor mais y place tous les éléments du Japon réel (les chrétiens, les shintos, les boudhistes, les barbares, la structure sociale...). Du coup, à quoi ça sert d'inventer un univers si c'est pour ne faire que copier le Japon original ? Juste pour ne pas se faire emmerder par les puristes ? >>

    Entre autres, sans doute. Et puis le rôle des chrétiens est très cantonné et historiquement documenté, ce qui aurait un peu limité la portée qu'elle souhaitait leur donner.

    Ceci dit, je hurle pas au génie non plus, mais j'ai passé un bon moment à les lire (et paradoxalement, j'ai trouvé le trois ultra-mou et la fin vraiment décevante...)

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  8. Arf, je me suis fais eu pour Steve Austin. Je pensais qu'il avait des esgourdes bioniques aussi. Ou au moins un sonotone. Toutes mes excuses au président du fan-club de Lee Majors.

    Pour en revenir à Otori, je suis plus conciliant avec un auteur qui prend des libertés historiques qu'avec quelqu'un qui donne des noms nouveaux à des concepts anciens. Son histoire m'aurait bien plus plu avec un vrai Japon idéalisé, des ninjas pas magiques et les vraies religions.

    Mais bon, l'égoût, l'écouleur, on sait ce que c'est.

    Cédric

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  9. Anonyme12/11/11

    Le clan des Otori est un livre/jeunesse très agréable à lire pour les jeunes comme pour les adultes. Il est étudié dans des écoles et à juste raison. Pour les parents dont les enfants n'aiment pas lire, je le conseille fortement.

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    1. Merci pour ce charmant commentaire j'en avais assez de ce gens qui "crache" sur ce livre alors que personnellement je l'ai lu et adoré. Ok je concède que je suis un ado et que je l'ai lu en étant un ado mais ce mot ne rime pas avec imbéciles ou simple d'esprit et simple à satisfaire je pourrais m'attarder sur certaines critiques et en prouver le contraire pour défendre le livre et l'auteur mais je ne souhaite point le faire car chacun est libre d'avoir son propre avis juste ce qui me gène c'est le faite que certaines personnes rabaissent ce livre mais ces critiques en question sont extrêmement négatives et ne donne pas l'envie d'aller le lire et même si quelques courageux voudront quand même le lire après avoir lu cela leur avis sera directement faussé. C'est la seule chose que je trouve dommage. Sur ce je passe ma route et vous dit au revoir

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  10. Anonyme13/7/12

    C'est un roman pour enfant/ado, et je le trouve plutôt détaillé pour un bouquin destiné a ce public.

    Gillian Rubinstein, malgré ses études en la matière est loin d'être Miyamoto Musashi, mais on sent directement que ce bouquin est écrit non pas par prétention, mais par amour pour l'histoire du japon, et par sympathie pour ses jeunes lecteurs.

    Est ce que sa notoriété est trop étendue? surement... ça reste un bouquin gentil, pas super fidèle au genre, mais qui plaira surement aux enfants/ados, et donc loin d'être a jeter.
    Pour ce qui est de l'analyse de l'auteur de cette critique, je crois que l'esprit ouvert d'un jeune passera au dessus des détails relevant de la frustration personnelle de Monsieur Ferrand qui a l'impression d'avoir perdu son temps a lire de la soupe.


    Pour terminer, l'immaturité de ta critique me laisse songeur quand au fait que tu comprennes réellement des bouquins comme le traité des 5 roues,rashomon ou autres classiques de la littérature japonaise.

    Le coté mystique, et surnaturel est au contraire gentiment amené je trouve. Oui c'est vrai, c'est peut être trop ou trop peu pour certains, mais le réel côtoie l'irréel depuis longtemps dans les croyances japonaise.
    Qu'on parle de tanuki de renard, ou d'autres créatures imaginaires, il ne se transforment pas en arc en ciel avec des paillettes et des éclairs de feu, non,... Maintenant peut être que pour un érudit puriste du genre, les pouvoirs de Takeo paraissent peut être trop soft, trop bateau, ou trop peu expliquée...



    Si vous détestez les histoires d'honneur et de vengeance (thème ultra majeur de la littérature et de l'histoire japonaise) vous pouvez passer votre chemin.
    Je trouve néanmoins que ce bouquin variera les lectures scolaires des ados, en les faisant voyager autant qu'un roman de cape et d'épée.

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  11. Anonyme27/11/12

    Je trouve la critique très dure et un peu justifiée. Il est très facile de rendre ridicule un livre en le racontant de la sorte, même un classique de la littérature comme Twilight (attention ceci est une blague). Il n'y a pas de doute quant au public visé par ce livre: assurément les jeunes; comme en témoigne entre autre l'âge des héros (pas besoin de me sortir tous les livres pour adultes où le héros est jeune)

    Si il est vrai que le livre a de nombreux défauts (la compagne du héros est bonne à claquer) on lui accordera que pour un livre destiné à un public plus jeune, il est moins lisse (mort/viol/inceste/mariage forcé/assassinat par le héros...) que les autres romans fantastiques pour jeunes adolescents en manque d'amour (Twilight again).

    Personnellement, je trouve les 3 premiers ouvrages relativement classiques, où l'intérêt réside autant dans l'histoire que dans la description du Japon médiéval (eh oui pour un inculte de ces choses comme moi, ça m'a plutôt plut): Lian Hearn n'était pas non plus totalement ignare dans ce domaine là.
    Cependant, j'ai beaucoup plus aimé le "prequel" Le Fil du Destin et surtout la suite Le Vol du Héron; ce dernier ayant le souffle qu'ont les grandes sagas.



    Enfin, si l'occasion m'était offerte, je pense qu'il serait possible, mais très difficile, de faire d'excellents films à partir de ces romans (en prenant des libertés par rapport au récit). Cependant ne nous voilons pas la face, un tel projet nécessiterait beaucoup de risques financiers et toutes les parties "violentes" ou "choquantes" devraient être retirées... Et je vous le demande, quel est l'intérêt d'un film sans inceste ou massacre? Je vous le demande!

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  12. Je confirme ce qui était dit tout en haut : première édition en France chez Gallimard jeunesse, sortie en poche chez Folio adulte au lieu de Folio Junior. Une parcours éditorial un peu compliqué, mais qui a fait vendre.
    J'ai aimé la lecture de la trilogie, mais je pense que j'en attendais moins que toi. Je comprends que tu n'aies pas apprécié. Et j'ai lu aussi la préquelle et la suite, et là, c'est carrément du réchauffé insipide.

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  13. La critique de M.Ferrand est tellement empreinte de violence et de volonté de nuire que l'on peut se demander s'il n'est pas tout simplement jaloux ? Ou peut être seulement terre à terre au point d'être incapable de se laisser toucher par un monde historico-onirique. Son style, contrairement à celui du roman, est veul, vulgaire et totalement dépourvu de poésie. Pourquoi diable, avoir lu les 3 tomes s'ils sont si déplaisants ? Que de temps perdu pour lui et pour nous à lire son dégoût. Comme on dit aux enfants : si tu n'aimes pas, n'en dégoute pas les autres. Une simple règle de savoir-vivre. Le Clan des Otori est une belle saga qui a embarqué en voyage des jeunes et des moins jeunes. Il faut savoir larguer les amarres pour découvrir d'autres mondes.

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    1. Ben c'est le principe de la critique, hein ;-)
      Lire avant d'en parler.
      Enfin moi je dis ça, il m'arrive aussi de lire des bouses...
      La seule différence entre Mr Ferrand et moi, c'est que je ne critique que ce que j'ai bien aimé. Et j'ai beaucoup aimé Wastburg, par exemple que vous ne devez pas avoir lu pour trouver son style vulgaire ou dépourvu de poésie (même si assez noir et parfois trash, j'en conviens.) quant à "veul"... Et bien désolé mais je ne sais pas ce qu'est un style "veul".

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  14. ce qui m'avait dérangé dans ce livre, c'est la fin du 3e ou 2e tome dans mes souvenirs. On attend la confrontation entre les gentils et les méchants, le duel final, etc. Et paf, tremblement de terre, tous les méchants meurent écrasés par leur maison.
    J'ai arrêté là en riant et me disant que c'était une belle bouse surévaluée.

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