Le Legs de St-Aymond


Nous avons tous réagi différemment au moment du confinement. D'aucuns se sont mis au jardinage, d'autres se sont trouvés des talents de boulanger... À la maison, nous avons eu une grosse période puzzle et Stardew Valley. Moi, mon neurone à imaginaire s'est activé, et je me suis assez rapidement octroyé une mission que personne ne m'avait attribuée : écrire une campagne d'initiation à Nephilim. Je suis parti bille en tête, et ça a donné Le Legs de Saint-Aymond. L'idée était d'incarner des adolescents en vacances chez Mémé dans un petit village campagnard fictif. Évidemment, c'est pour Nephilim, donc les lieux sont emprunts d'un passé templier, les PJ croisent assez tôt une étrange société secrète, il y a des mystères quelque peu magiques dans les vieilles pierres de Saint-Aymond... Je ne m'en cache pas : mon but était de simuler une ambiance à la Club des 5/Clan des 7 de la Bibliothèque verte, mais avec une intrigue centrale basée sur Nephilim. Je voulais que les joueuses puissent s'asseoir à la table de jeu sans rien savoir du jeu de base. Pire, on n'est pas du tout obligé de leur dire qu'elles vont jouer dans le monde de Nephilim car les scénarios vont progressivement présenter des éléments du background de manière relativement didactique. Comme à l'accoutumée avec moi, ce sont des intrigues très locales, basées sur l'histoire du coin de pays.

Des fois que le MJ n'aient pas connu les joies de vacances à la verte chez un grand-parent, je me suis permis d'agrémenter la description du village de PNJ et de situations directement inspirées par mes souvenirs d'été chez mon arrière-grand-mère à Crapéou (un lieu que j'ai déjà mis en scène dans un scénario Nephilim intitulé À la mi-août et paru dans le tome 2 des recueils de la Cour d'Obéron célébrant les 40 ans du JdR) et des anecdotes de ma femme, qui a grandi dans un village savoyard à un jet de pierre de mon Bugey pas natal. Si on ajoute à cela le fait que j'ai publié dans Casus un JdR appelé Montgascon où l'on incarne des religieuses qui mènent des enquêtes dans une abbaye fictive que j'ai imaginé dans un coin réel du Dauphiné où j'ai grandi, on peut aisément en venir à la conclusion que je suis devenu un auteur doucement obnubilé par le temps qui passe et les souvenirs magnifiés d'un passé que je cherche en vain à rattraper tandis qu'entre mes doigts file une nostalgie amère qui souligne la futilité d'un réel aliénant dans une société qui a perdu de vue l'essentiel alors que la vie quotidienne s'obstine à nous prouver que nous sommes tous devenus des individus doucement obnubilés par le temps qui passe... Bref, oui, je radote, thématiquement. J'en ai conscience, mais il y plein d'auteurs qui vous diront qu'ils écrivent à chaque fois le même livre, c'est pas comme si c'était nouveau.

Et donc à un moment du confinement, mon manuscrit était terminé. Pour motoriser cette campagne, je me suis naturellement tourné vers Côme Martin qui a publié un jeu intitulé Deux Étés, et j'ai repris son système de jeu sans dé qui colle à la perfection à l'atmosphère de Saint-Aymond. Et j'ai rendu le document accessible en ligne, pour voir s'il y avait des preneurs. J'ai eu des retours, dont ceux très précieux d'une table de playtest menée par Christian André, un des joueurs à qui j'ai fait jouer le Souffle du Dragon il y a 25 ans. Une chouette boucle. Bref, tout allait bien. Rien de grave ne pouvait arriver, n'est-ce pas ? Le moment était venu d'aller voir Mnémos avec cette campagne sous le bras. Car je le redis, ce n'était pas une commande de leur part. Et au moment de soumettre mon travail, ne voilà-t-y pas que j'ai fait un gros fumble. Je travaille depuis 20 ans via Google Drive, toutes mes créations y sont. Et j'ai merdé. J'ai glissé tout mon dossier JdR à la corbeille et je l'ai vidée. Il y a bien eu un message de confirmation, et j'ai cliqué "Oui". Et donc tout ce que j'ai écrit en JdR depuis 20 ans a disparu. Dans 99% des cas, c'était des fichiers personnels, des ébauches bancales de reskin, des traductions hasardeuses... Mais bordel, pas ça Saint-Aymond, pas aujourd'hui, pas après tout ce que j'ai fait ! J'étais dégoûté. Je m'en suis ouvert sur un forum, histoire de me faire plaindre, et c'est là que la magie a opéré : Gaël Dumortier et Marc Mileur Le Plaine m'ont contacté. Ils avaient fait une copie locale du fichier ou bien avait encore une fenêtre ouverte avec le texte en ligne. Et grâce à eux, j'ai pu récupérer une très grosse partie du texte. Bien sûr, j'ai dû réécrire des passages, mais boudieu, ces deux-là m'ont proverbialement sauvé les miches.

Alors voilà, le Legs de Saint-Aymond va avoir le droit à une campagne de financement dans une quinzaine de jours. Le projet éditorial est mené par Jérôme Barthas, un chef de projet du tonnerre avec qui je rêvais de collaborer depuis des années. La campagne s'adresse à celles et ceux qui adoreraient jouer à Nephilim mais qui savent pertinemment qu'une de leurs joueuses va saigner du nez dès que vous aurez mentionné plus de trois Grands Concepts Ésotériques plus ou moins abscons. Je ne prétends pas que c'est un parfait "Nephilim pour les Nuls", mais on y va tranquillou, une notion à la fois. On peut même jouer la campagne en entier sans jamais prononcer le mot Nephilim, si vous tenez vraiment à limer les numéros de série. Le but, c'est d'y aller mollo en incarnant des gamins dégourdis qui vivent les meilleures vacances de leur vie. Pas une pale copie de Stranger Things qui dégouline de daaark (même si j'adore ça), ni un remake de Stand By Me mais plus une série télé de l'été de TF1 ou France 2 façon Dolmen (merci Meeea) où le scénariste ne se fout pas ouvertement de votre gueule. Et même si vos joueuses sont des vétéranes de Nephilim, il y a moyen de s'amuser à Saint-Aymond. Parce qu'au delà du contexte occulte contemporain, c'est avant tout des histoires personnelles. Il y a bien une aventure qui propulse toute cette histoire, mais au cœur de cette intrigue, se trouve surtout un drame familial. Comme toute bonne saga de l'été. Et voilà, j'étais venu vous faire de la rétape sur une campagne qui veut coller à l'air du temps, mais je me rends compte que j'ai écrit un feuilleton de l'été sur un héritage familial où le grand-père est joué par Francis Huster. Génial...

Commentaires

  1. Je suis prêt à arpenter Crapéou, j'ai mis des cartes dans les rayons de ma bicyclette ! Ca va claquer du tonnerre ! Yahoooooo Silver !

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