Walking Dead, j'en entends parler, comme vous, depuis assez longtemps. Pour ceux qui arrivent à l'instant d'Alpha du Centaure, une rapide mise en contexte : Rick, le personnage principal de la série, sort du coma pour découvrir que le monde a été ravagé par une épidémie de zombies. Il retrouve sa femme et son fils parmi un petit groupe dont il prend le commandement pour essayer d'organiser la survie.
Cédric avait blogué sur les 5 premiers tomes de la série en 2006, mais à la lecture de la critique, je n'avais pas été particulièrement emballé. Néault, de l'excellent blog comics Univers Marvel, a ensuite orchestré une véritable campagne de promotion du titre, avec des billets en 2007, 2009, 3 en 2010 ( janvier, avril, et septembre) et 2011. Gromovar n'y a pas résisté, et s'est fait le chantre de la série avec des billets en avril 2009, mai 2009, août 2010 et décembre 2010. En 2011, il en tombe de partout : Sha, Calenwen, D'une berge à l'autre, pour ne citer que ceux que j'ai vu passer.
J'ai finalement cédé et acheté la série, dont j'ai lu les tomes 1 à 12. J'ai d'abord cru avoir affaire à un feuilleton de survival-horror, alternant mécaniquement les épisodes de fuite et de retraite, tout en faisant progresser des "character arcs" assez caricaturaux. Ce qui donnerait : le groupe fuit les zombies, arrive dans un lieu qu'il croit pouvoir défendre, rencontre des survivants locaux, sympathise, découvre un sombre mystère (cannibalisme, folie, lutte pour le pouvoir, ...), affronte les locaux, et fuit devant les zombies qui finalement pénètrent le refuge. Non sans avoir perdu quelques personnages secondaires et gagné quelques nouvelles recrues au passage. En toile de fond, quelques "plots" tournant en rond, du genre un triangle amoureux, une rivalité fraternelle, un ou deux sombres secrets.
Hé bien ce n'est pas du tout ça. Sûr, une lecture très superficielle peut faire croire que ça l'est, mais le point focal du scénariste, Robert Kirkman, est définitivement centré sur les personnages, et surtout sur l'impact que les actions et les décisions dictées par la survie ont comme conséquence sur les sentiments et la moralité des personnages. Que devient Monsieur-Tout-Le-Monde quand il doit assurer sa survie, l'arme au poing, jour après jour ? Quelles places ont nos valeurs quand l'accès aux ressources devient très limité ? Qu'est-ce qui est juste ou ne l'est pas ? Cette justice, qui est habilité à la faire respecter ?
Walking Dead n'est pas la première œuvre de fiction à explorer ces thèmes, et le post-apo est un genre qui s'y prête à merveille. En fait, Walking Dead me rappelle beaucoup Malevil, de Robert Merle. Dans ce roman de post-apo où un groupe de survivants tente de rebâtir une société, on se désintéressait très vite de la catastrophe initiale, pour regarder de quelle façon le collectif pouvait se reconstruire, et sur quelles bases. Mais là où Walking Dead se distingue, c'est par la profondeur et la durée :
- Profondeur, car ce type d'analyse, possible dans le roman par le point de vue omniscient du narrateur (cf Wikipedia), est moins aisé en BD. Kirkman y parvient par le biais de très nombreux dialogues, appuyés par les gros plans expressifs de son dessinateur, Adlard. Cela donnera une impression de verbosité pour ceux qui recherchent une BD d'action, mais c'est tout l'intérêt du titre. Pourtant, quand l'action survient, Adlard parvient à en restituer la violence chaotique par des dessins toujours très lisibles.
- Durée, car c'est sur le long-terme que se déploient véritablement les motivations, les doutes, les évolutions. Aucun personnage n'est figé dans un stéréotype donné, mais tous n'évoluent pas de la même façon. Ce traitement, très réaliste, est renforcé par un refus du dictat du climax : les événements, comme les morts, surviennent sans construction dramatique préalable; dans un autre série, un personnage important mourrait d'une façon dramatique, après que la tension ait atteint son point culminant, et cette mort serait utilisée pour construire un autre character arc (vengeance, deuil, etc.). Dans Walking Dead, les morts surviennent aussi bien lors de confrontations avec les zombies, que lors d'incidents causés par la négligence, l'étourderie ou la malveillance. On est souvent pris par surprise, et on a beau essayer, comme les personnages, de ne pas s'attacher, la construction minutieuse des personnages fait qu'il est impossible de lutter contre l'identification.
Certes, il y a des faiblesses, aucune oeuvre n'est parfaite : certaines facilités (le serial killer), le cliffhanger obligé de fin d'épisode, des effets qui n'ont pas l'impact dramatique désiré, des anti-climax qui finalement se révèlent trop plats... Mais tout cela ne nuit pas à la lecture. Mon seul véritable reproche est à propos du traitement du pouvoir : dans la série, les leaders sont légitimés par leur seul charisme : si l'on utilise comme grille de lecture la théorie de la domination de Max Weber, on voit que la domination est basée sur la seule personnalité du leader, et sa capacité à prendre des décisions et à en endosser la responsabilité. Même les personnages qui possédaient auparavant une légitimité rationnelle-légale (bureaucrates, politiciens, ...) ne doivent leur maintien à un poste de commandement que par leur personnalité. Je trouve irréaliste que, pour le moment, aucun groupe de survivants ne se soit tourné vers une structure traditionnelle (comme les prêtres, surtout dans un pays comme les US) ou ait tenté d'organiser le pouvoir (de façon démocratique ou non). Ceci dit, ce grief est relativement mineur. Au terme de la lecture de ces 12 tomes, je ne peux que reconnaître que Walking Dead est une très grande oeuvre de fiction et un futur classique.
Comme cela Gromovar ne sera plus le seul à avoir utilisé les mots "Weber" et "Zombies" dans un même billet.
RépondreSupprimerAlors, déjà, les vrais fans de Walking Dead, ils regardent l'adaptation télévisée (et ils en disent du mal).
RépondreSupprimerCe qui a freiné mon enthousiasme, c'est le côté soap sans fin de la série. Au bout de 5 volumes, j'étais déjà plus que rassasié (alors 12 tomes, pfiou). Ça provient sans doute du fait que le zombie, c'est à la base un truc de film. Donc c'est 1h30 ou 2h grand max, ça s'inscrit dans une certaine brièveté narrative. Là, c'est délayé à mort. Alors ok, le scénariste peut du coup bien dépeindre ses personnages, mais moi qui suis très vite gavée, c'est trop.
Bel article.
RépondreSupprimerConcernant Weber, je crois que la non organisation démocratique tient à la petite taille du groupe et au court temps du récit (environ un an).
Et il n'avait aucun légal-rationnel sous la main ;-) Blague à part je crois qu'il faut un minimum d'institution avec tout ce que ça suppose pour une légitimité légale-rationnelle. Regarde dans The Stand, ils organisent une espèce d'assemblée constituante.
Pour le coup, je suis content d'avoir vu la série (du moins la première saison) avant d'avoir lu l'oeuvre originale. De fait, je ne pourrai pas être déçu. Comme le dit Cédric, c'est terriblement délayé, avec de belles incohérences et des caricatures indignes d'une série des années 2000. Mais là série parvient quand même à attirer attirer le chaland en jouant sur nos plus bas instincts et notre voyeurisme naturel, à travers des scènes zombiesques plutôt bien fichues, l'argument social n'étant finalement là que pour faire passer la pillule.
RépondreSupprimerBon, n'ayant lu que le premier tome, j'ai bien hâte de poursuivre, ça me donne envie tout ça !
RépondreSupprimer@ Guilhem : Pas d'accord du tout. Pour moi, c'est l'inverse.
RépondreSupprimer@Guilhem et Cédric : vous m'avez perdu, je ne sais plus si vous parlez de la série TV ou du comics. La 1e, je ne la connais pas. La 2e, je viens d'en dire ce que j'en pensais.
RépondreSupprimer@Gromovar : dans les 1ers temps de l'invasion, et pour les communautés les plus précaires, il est assez normal de voir des chefs s'imposer par leur seule personnalité. Mais toutes celles qui sont plus stables, plus grandes, devraient a minima voir des institutions se mettre en place, même modestes : un conseil des anciens, un chef adjoint, des représentants des différents groupes. Et, quand ce n'est pas le cas, on pourrait s'attendre à quelques protestations de la part de meneurs qui n'ont pas oublié qu'ils vivaient auparavant dans une république. Mais c'est une réflexion que je me suis surtout faite avec la présentation de la communauté d'Alexandria. Et je pense que tôt ou tard, la série abordera le sujet. La légitimité de Rick en tant que chef a déjà été contestée, après tout, même s'il s'agissait du bien-fondé de ses décisions principalement.
Walking dead c'est LA série ! ( BD )
RépondreSupprimerSi vous êtes fan, et si vous voulez partager vos avis avec d'autres fans, alors c'est ici que cela se passe ! :
http://walking.dead.free.fr/forum
-TheShadow
J'ai un ami qui les a tous acheté : il faut définitivement qu'il me les prête.
RépondreSupprimerC'est rare de recevoir autant d'éloge quand on est un comics si bien vendu
Moi mon problème, c'est comme Cédric, le côté soap qui passe pas trop. J'ai l'impression de lire les Feux de l'Amour par moment. Même si je reconnais que y'a des interrogations très intéressantes, j'ai du mal à vraiment les apprécier, je suis un peu fâchée avec le "héros" en plus (pour le coup il pourrait mourir, ça me dérangerait pas xD)
RépondreSupprimer@ Calenwen : "(pour le coup il pourrait mourir, ça me dérangerait pas xD)" N'y compte pas, sale bête.
RépondreSupprimerDamned, je me doutais bien que j'en avais pas fini avec lui :D
RépondreSupprimerRick Grimes n'est pas un héros, il le dit assez souvent, mais un protagoniste : il fait avancer l'histoire. On comprend ses motivations, on ne les approuve pas toujours. Et je ne pense pas que son statut de personnage principal le sauve éternellement de la (non)mort.
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