Dernier jeu né de la grande vague des jeux "motorisés par l'Apocalypse", Cartel est un jeu de rôles qui propose de jouer les narcos d'un petit cartel de Durango, un des plus grands états du Mexique et zone de confrontation entre les Cartels du Sinaloa et des Zetas. Pour ceux qui, rolistiquement, on passé les dernières années dans une cave, "motorisé par l'Apocalypse" (Powered by the Apocalypse ou PbtA) signifie que le jeu utilise une variante du système de Apocalypse World qui devient un étonnant "système générique dédié". Allez lire les divers billets sur les jeux PbtA déjà critiqués ici, par exemple The Hood pour rattraper les épisodes précédents.
Pour $10 (+$5 de frais de port), vous récupérez 50 pages en papier et pdf (le pdf seul n'est pas disponible) . Sortie spécialement pour la Gen Con 2015, il s'agit d'une version incomplète, dite "ashcan", pour pouvoir jouer en attendant la sortie de la version définitive et complète... qui passera par un kickstarter. Voyez ça comme un genre de quickstart ou une version beta++ payante. Vous trouverez dans le livre, en plus des playbooks des différents personnages jouable, disponibles aussi en ligne gratuitement : une description du setting, les actions du meneur de jeu, une description plus détaillée des actions disponibles pour les joueurs et des conseils pour mener une partie. Honnêtement, n'eut été les frais de port, cette édition ashcan est à un prix très raisonnable.
Durango, Mexico. Les personnages sont tous des membres d'un cartel (notez le "c"), c'est-à-dire une organisation formant le tentaculaire Cartel du Sinaloa. Un Cartel (notez le "C"*) est en fait une structure lâche de petits cartels, de petites "entreprises" dont le boulot est de faire passer de la marchandise vers le Nord et de l'argent vers le Sud. La structure est très lâche, cloisonnée et pétrie de secrets. Le chef d'un cartel reçoit des ordres d'en haut et les fait appliquer vers le bas. Il ne connaît personne au-delà de son donneur d'ordre et de ses hommes. Son autre tâche est de prendre de l'argent d'en bas et de le faire remonter vers le haut, en prenant sa marge. Il sait aussi que, si ça déconne, la merde va descendre l'escalier très très vite et faire couler au passage beaucoup de sang. C'est donc une hydre difficile à faire tomber et coffrer un chef, pour peu que ça soit faisable (cf. el Chapo), déclenche seulement une guerre de succession violente entre ses lieutenants. D'un point de vue jdr, les membres d'une telle organisation, au final, sont pris dans un écheveau de mensonges et de faux semblants. Ils ne peuvent jamais savoir si les gens qui les entourent ne sont pas soit membres d'un cartel concurrent ou associé, soit flics infiltrés, soit les deux. Sans oublier la DEA américaine (qui peut être corrompue) ou le Cartel des Zetas, bien plus dangereux et incompréhensible que le coté "à l'ancienne" de celui des joueurs. Violence, paranoïa et rapports de force sont au centre des histoires racontées. Et comme dirait l'auteur de The Wire : tout le monde ment.
Les playbooks (note : tous les rôles peuvent être de n'importe quel sexe) :
Au niveau mécanique, les apports de ce hack de Apocalypse World sont principalement :
Au final, ça me paraît un très bon jeu. J'ai hâte de lire la version complète ainsi que d'y faire jouer. Quel genre d'histoires joue-t-on dans Cartel ? C'est une bonne question. Il ne s'agit pas, au vu de l'angle d'écriture du jeu, de jouer l'aspect atroce de la réalité du narcotrafic au Mexique. Simuler les massacres, les disparitions, les abandons de migrants ou autres n'est pas le but de ce jeu (et ce serait particulièrement insupportable). L'idée, c'est plutôt de jouer les luttes de pouvoir et les conflits entre personnages, dans la situation particulière qui est la leur. Pensez plutôt à des choses comme Breaking Bad, 100 Bullets, The Shield et autres, où l'on s'intéresse plutôt à la psychologie des personnages et leurs conflits, comme dans une telenovela où y'aurait des flingues, des meurtres, de la violence et de la poudre. Les personnages sont liés entre eux par le boulot et leurs relations familiales ou amoureuses. Du fait de leur stress, ils ont tendance à péter les plombs ou à se réfugier dans leurs propres produits.
Mon seul reproche c'est que l'auteur met des insultes en Espagnol un peu partout et qu'elles tombent un peu à plat pour plusieurs raisons : il n'en connaît pas beaucoup et utilise toujours les mêmes, il ne les place pas forcément au bon endroit, elles ne sont pas forcément bien choisies. Je comprends pourquoi il n'a pas choisi de sortir des sentiers battus mais quand les pages paires contiennent un "cabron" et les pages impaires un "pendejo" ben, au bout d'un moment, ça lasse. Surtout qu'il les place en fin de phrase comme des "bitch", en fait. Ça marche pas vraiment (ah, et on ne dit pas "en un manera fea" mais "de manera fea", surtout que "manera" c'est féminin, au contraire du tequila). Je chipote : ça n'influera pas sur la partie.
Je vous recommande fortement ce jeu si vous avez envie de faire jouer quelque chose tournant autour de Breaking Bad, The Last Narco, El Infierno, El Narco, les narcocorridas et le gangsta rap mais aussi Scarface, The Shield, Baltimore, Desperados, El Mariachi, etc.
Ainsi, hélas, que les tristes nouvelles en provenance de ce magnifique pays.
* : oui, oui, je C.
Pour $10 (+$5 de frais de port), vous récupérez 50 pages en papier et pdf (le pdf seul n'est pas disponible) . Sortie spécialement pour la Gen Con 2015, il s'agit d'une version incomplète, dite "ashcan", pour pouvoir jouer en attendant la sortie de la version définitive et complète... qui passera par un kickstarter. Voyez ça comme un genre de quickstart ou une version beta++ payante. Vous trouverez dans le livre, en plus des playbooks des différents personnages jouable, disponibles aussi en ligne gratuitement : une description du setting, les actions du meneur de jeu, une description plus détaillée des actions disponibles pour les joueurs et des conseils pour mener une partie. Honnêtement, n'eut été les frais de port, cette édition ashcan est à un prix très raisonnable.
Durango, Mexico. Les personnages sont tous des membres d'un cartel (notez le "c"), c'est-à-dire une organisation formant le tentaculaire Cartel du Sinaloa. Un Cartel (notez le "C"*) est en fait une structure lâche de petits cartels, de petites "entreprises" dont le boulot est de faire passer de la marchandise vers le Nord et de l'argent vers le Sud. La structure est très lâche, cloisonnée et pétrie de secrets. Le chef d'un cartel reçoit des ordres d'en haut et les fait appliquer vers le bas. Il ne connaît personne au-delà de son donneur d'ordre et de ses hommes. Son autre tâche est de prendre de l'argent d'en bas et de le faire remonter vers le haut, en prenant sa marge. Il sait aussi que, si ça déconne, la merde va descendre l'escalier très très vite et faire couler au passage beaucoup de sang. C'est donc une hydre difficile à faire tomber et coffrer un chef, pour peu que ça soit faisable (cf. el Chapo), déclenche seulement une guerre de succession violente entre ses lieutenants. D'un point de vue jdr, les membres d'une telle organisation, au final, sont pris dans un écheveau de mensonges et de faux semblants. Ils ne peuvent jamais savoir si les gens qui les entourent ne sont pas soit membres d'un cartel concurrent ou associé, soit flics infiltrés, soit les deux. Sans oublier la DEA américaine (qui peut être corrompue) ou le Cartel des Zetas, bien plus dangereux et incompréhensible que le coté "à l'ancienne" de celui des joueurs. Violence, paranoïa et rapports de force sont au centre des histoires racontées. Et comme dirait l'auteur de The Wire : tout le monde ment.
Les playbooks (note : tous les rôles peuvent être de n'importe quel sexe) :
- El Cocinero (le cuistot) est celui qui prépare le matos (donc à la Walter White). Il a pas mal d'actions intéressantes tournant autour de son labo. Il est conseillé dans le livre de beaucoup mettre en jeu ses relations et son labo car sinon c'est un personnage plutôt isolé.
- El Sicario (l'homme de main) est la force de frappe du cartel, un assassin, violent. Pas le genre subtil.
- El Halcon (le faucon) a deux-trois potes un peu demeuré pour faire le coup de main. C'est le dealer.
- El Narco est le boss. Il fait tourner la boutique. Il a pas de move spéciaux mais par contre il possède les lieux.
- La Esposa (l'épouse) est directement lié à un autre PJ via la famille et a des actions qui vont clairement mettre en mouvement la partie...
- La Polizeta (le ripoux) a accès de l'intérieur à la police et tente de ménager la chèvre et le choux. Il vit sur le fil du rasoir.
Au niveau mécanique, les apports de ce hack de Apocalypse World sont principalement :
- les personnages ont toujours leurs quatre caracs et leurs actions de base, qui ont été adaptées : "faire une offre", "obtenir la vérité", "se résoudre à la violence", "mettre la pression", etc. A noter que se prendre une balle est très très dangereux (en gros, à moins de faire 10+, vous êtes a minima mourant).
- la police (disons "les actions policières visant à vous faire tomber malgré toute sa corruption") est simulée via la caractéristique "Heat". En gros, plus la police s'intéresse à vous, plus Heat augmente. Quand elle décide d'agir contre vous (via un move "contrôle", "fouille des locaux" ou "cavale"), vous faites un jet+Heat et vaut mieux le rater.
- plus important, le stress. De nombreuses actions vont faire monter le taux de stress : la violence, se faire griller par son boss ou la police, ce genre de choses. Et pis "la Esposa" a aussi tendance à monter le bourrichon de tout le monde, ça fatigue. Les joueurs peuvent faire des actions "antistress" (stress move) pour le faire baisser. Quant ce taux arrive à 5, le MJ peut forcer, quand il veut, le personnage à prendre une action antistress là, maintenant, tout de suite. Ces actions sont : agresser verbalement quelqu'un auquel on tient, se défoncer, tabasser quelqu'un ou tout lâcher pour quelqu'un. Et autant dire que ça se passe pas souvent bien.
- Il n'y a pas de points de vie. Soit vous êtes blessé et votre stress augmente, soit vous mourez, basta.
Au final, ça me paraît un très bon jeu. J'ai hâte de lire la version complète ainsi que d'y faire jouer. Quel genre d'histoires joue-t-on dans Cartel ? C'est une bonne question. Il ne s'agit pas, au vu de l'angle d'écriture du jeu, de jouer l'aspect atroce de la réalité du narcotrafic au Mexique. Simuler les massacres, les disparitions, les abandons de migrants ou autres n'est pas le but de ce jeu (et ce serait particulièrement insupportable). L'idée, c'est plutôt de jouer les luttes de pouvoir et les conflits entre personnages, dans la situation particulière qui est la leur. Pensez plutôt à des choses comme Breaking Bad, 100 Bullets, The Shield et autres, où l'on s'intéresse plutôt à la psychologie des personnages et leurs conflits, comme dans une telenovela où y'aurait des flingues, des meurtres, de la violence et de la poudre. Les personnages sont liés entre eux par le boulot et leurs relations familiales ou amoureuses. Du fait de leur stress, ils ont tendance à péter les plombs ou à se réfugier dans leurs propres produits.
Mon seul reproche c'est que l'auteur met des insultes en Espagnol un peu partout et qu'elles tombent un peu à plat pour plusieurs raisons : il n'en connaît pas beaucoup et utilise toujours les mêmes, il ne les place pas forcément au bon endroit, elles ne sont pas forcément bien choisies. Je comprends pourquoi il n'a pas choisi de sortir des sentiers battus mais quand les pages paires contiennent un "cabron" et les pages impaires un "pendejo" ben, au bout d'un moment, ça lasse. Surtout qu'il les place en fin de phrase comme des "bitch", en fait. Ça marche pas vraiment (ah, et on ne dit pas "en un manera fea" mais "de manera fea", surtout que "manera" c'est féminin, au contraire du tequila). Je chipote : ça n'influera pas sur la partie.
Je vous recommande fortement ce jeu si vous avez envie de faire jouer quelque chose tournant autour de Breaking Bad, The Last Narco, El Infierno, El Narco, les narcocorridas et le gangsta rap mais aussi Scarface, The Shield, Baltimore, Desperados, El Mariachi, etc.
Ainsi, hélas, que les tristes nouvelles en provenance de ce magnifique pays.
* : oui, oui, je C.
L'éditeur vient de me signaler que les frais de port vers l'international sont passés à $5. J'ai fait la modif dans l'article.
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