Tales of Cthulhu Invictus (2015)

Cette anthologie de Golden Goblin Press, venue en complément de De Horrore Cosmico, propose neuf nouvelles cthulhiennes se déroulant sous l’empire romain. La combinaison Rome + Lovecraft ne m’étant pas tout à fait étrangère, je me suis précipité dessus dès réception. 

Surprise désagréable : l’objet est mince, 114 pages tout mouillé, ce qui nous vaut des nouvelles très courtes, de 8 à 15 pages maximum. Même lorsqu’elles sont ambitieuses, elles manquent de place pour s’installer (à vue de nez, le signage total des neuf histoires doit être à peine supérieur à celui de Revoir Rome).



• Vulcan’s Forge, de William Meikle, nous raconte ce trouva une expédition romaine à l’intérieur du Vésuve, juste avant que Pompéi et Herculanum ne soient engloutis sous des kilomètres cubes de cendres volcaniques. Elle aurait mérité un peu plus de place, même elle m’a bien plu pour son effet de perspective, ses héros comprenant de manière logique mais erronée un décor typiquement lovecraftien.

Fecunditati Augustae, de Christine Morgan, change radicalement d’échelle : on passe des derniers jours de Pompéi à un drame intime dans la famille impériale, qui se joue à trois personnages. C’est du bon travail, à qui il manque un « je ne sais quoi » pour être entièrement réussi.

• A Plague of Wounds, de Konstantine Paradisias, se déroule dans la Judée révoltée. Située dans le prolongement de nouvelles de Ramsey Campbell ignorées en France, j’ai trouvé qu’elle se laissait lire, mais ne m’a pas fait faire des bonds de joie.

• Tempus Edax Rerum, de Pete Rawlik, aborde la problématique des prophéties et des livres sybillins dans la perspective, à peu près inévitable, de Dans l’Abîme du temps. Très courte, elle ressemble plus à un synopsis qu’à une histoire pleinement développée.

• The Unrepeatables, d’Edward M. Erdelac, mélange basse politique, cultes à mystères et discussions érudites entre Romains, avant d’y ajouter une dose de cannibalisme, un monstre et une technique improbable pour le combattre. Elle a un petit quelque chose, mais ne décolle pas vraiment.

• Magnum Innomiandum, de Penelope Love, prolonge le « rêve romain » de Lovecraft dans une direction inattendue. Longue d’une quinzaine de pages, c’est l’histoire la plus réussie du recueil : une protagoniste qui agit au lieu de subir, une petite enquête pas mal faite, des considérations politico-sociales adroitement présentées, et une dose d’horreur bien horrible pour enrober le tout. Il n’y a guère que les dernières lignes, un peu trop prévisibles, pour gâcher (un peu) la fête.

• Lines in the Sand, de Tom Lynch, nous parle du Roi en Jaune. Pour le coup, il n’y a pas que la fin qui soit prévisible : on voit tout arriver à des kilomètres. L’auteur arrive quand même à installer une ambiance pas désagréable qui rattrape ce qui, sinon, serait la millième variation sur un thème éculé.

• The Temple of Iald-T’quthoth, de Lee Clark Zumple, nous ramène à la Judée, au moins dans un premier temps, et représente quelque chose qui ne pouvait pas manquer d’arriver : une variation lovecraftienne sur The Strain. Pas déplaisante, mais plutôt anecdotique.

• The Seven Thunders, de Robert M. Price, ferme le ban. Que dire d’une nouvelle dont le héros est Appolonius de Tyane, et qui fait apparaître Jean l’évangéliste à Patmos, un morceau inédit de L’Apocalypse, les premiers chrétiens, l’empereur Domintien, le fantôme de Néron et Cthulhu ? Que c’est un poil trop pour 14 pages ?


J’attendais beaucoup de cette anthologie. J’en sors un peu déçu, regrettant qu’elle n’ait pas été plus longue et que les nouvelles ne soient pas mieux charpentées. Mais elle comporte une vraie réussite, Magnum Innomiandum, au moins trois textes honorables (Vulcan’s Forge, Fecuditati Augustae et The Seven Thunders) et aucun vrai ratage. Bilan mitigé, donc, mais pas entièrement négatif. Il n’y a plus qu’à attendre sereinement la prochaine anthologie de Golden Goblin Press.

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