Que celui qui achète des JDR, les feuillette pour les lire plus tard et finit par les revendre des années plus tard me jette la première pierre. Mais pour une fois, j'en ai acheté un, je l'ai lu dans la foulée, et je vous en parle.
J'ai acheté (enfin, "pré-acheté" si vous me pardonnez le barbarisme) Wulfwald lors de Dragonmeet en 2023. Le stand des Merry Mushmen était hébergé sur celui de Lost Pages qui proposait le jeu à la pré-vente. La boite, le design, le fait que ce soit un jeu court, tout ça m'a séduit. Et le pitch, tout de même: dans une pseudo-Angleterre médiévale à forte connotation anglo-saxonne, vous incarnez des criminels et autres marginaux qui ne doivent leur survie qu'à la protection d'un chef de clan. En échange, vous exécutez ses basses oeuvres.
Je précise avant d'aller plus loin que j'ai lu le jeu, mais je ne l'ai pas encore ni joué, ni fait jouer. Ceci dit, vu qu'il est compatible avec votre OSR préféré, je ne m'attends à aucune surprise côté mécanique...
Wulfwald se présente donc sous la forme d'une boite A5 cartonnée qui contient cinq livrets et une carte sur tissu. Le design est aussi époustouflant que ce qu'il m'avait semblé sur le salon, à la fois en termes de design graphique, de mise en page et de confort de lecture. Les illustrations intérieures font le job et sont tout à fait correctes, mais ce n'est pas ce qui m'a sauté aux yeux.
Comme indiqué plus haut, on est dans une très forte inspiration anglo-saxonne ce qui (sans surprise pour qui connait un peu les racines du Seigneur des Anneaux) pourra faire penser à un Rohan sans chevaux (ou en tous cas sans que les chevaux n'y soient prédominants). Il y a du surnaturel, principalement inspiré des croyances de l'époque.
Wulfwald se veut mécanisé et compatible OSR, ce qui veut un peu tout et rien dire, mais on y retrouve des classes, des niveaux, des points de vie, etc. Par contre il n'est pas livré avec un système de résolution. L'auteur recommande OSE par défaut, mais à la lecture ça me semble vraiment compatible avec un peu tout. Là où on diverge fortement des propositions de jeu OSR par contre, c'est dans la structure même du jeu: plutôt un jeu à mission avec une grosse dimension politique, j'y reviendrais.
Les cinq livrets donc: le premier, Wolfheads, décrit les personnages, appelés "gueules de loup" parce qu'ils sont les loups d'un chef de clan (un thegn) au moins au début du jeu. L'idée est soit qu'ils accompagnent le chef de clan pour lequel ils travaillent, soit qu'ils se vendent à plus puissant pour monter eux-mêmes en importance. Le second décrit les magies des différentes cultures, le troisième détaille l'univers du jeu et propose des conseils pour gérer une campagne, le quatrième propose des monstres et leurs statistiques, et le dernier propose des PNJs prêts à l'emploi et leurs statistiques.
Le jeu assume jusque dans les mécaniques l'idée que la puissance des personnages soit liée à celle de leur employeur et protecteur puisque les niveaux ont une très faible granularité: il n'y en a que trois, mais chacun représente un gros boost non seulement mécanique, mais également narratif puisqu'à chaque changement de niveaux ils commencent à travailler pour un patron plus puissant politiquement.
Vous vous demandez peut-être: OSR, est-ce qu'il y a des elfes et des nains? Oui et non. Il y a des Aelfcynn et des Dweorgas, les premiers vivent dans les bois, les seconds sous les montagnes, mais ce sont essentiellement des cultures différentes, avec des caractéristiques physiques distinctives. La culture dominante est celle des hommes de la terre (Eordwerod, sans le d funky que je n'ai pas sur mon clavier) et le jeu propose également une culture de barbares qui vivent en marge de la société des hommes. (Rédealingas, là encore sans le d funky.)
Wulfwald propose trois classes de personnage (Guerrier, Tirailleur (skirmisher) et Sorcier) pour chaque culture, pour un total de 12 concepts de personnages très différents. Tous vivent d'une manière ou d'une autre en marge de la société, soit qu'ils soient criminels, soit qu'ils aient été chassés de leur culture d'origine.
Un des gros points distinctifs du jeu, c'est la magie que j'ai trouvé géniale de plusieurs manières. D'abord, elle est complètement différente pour chaque culture, ensuite, elle est potentiellement hyper puissante, mais avec un coût associé pour le personnage très conséquent. La magie est blindée de bonnes idées, super inspirante.
En très bref, les Dweorgas manient le pouvoir des runes, une sorte de magie freeform (comme à Ars Magica ou Mage) où chaque rune affecte un aspect de la réalité. Les Aelfcynn chantent des sorts, peuvent changer de forme, tisser des enchantements sylvestres et ensorceler par des illusions ou des charmes. Les Sinnlaeca des Hommes sont haïs même au sein de leur propre culture; ce sont des nécromanciens de la pire espèce. Ils peuvent rappeler des fantômes pour effrayer, se laisser posséder par des spectres guerriers, et même rappeler de l'au-delà des âmes particulières qui s'incarnent pour faire croire à leurs proches qu'elles ne sont pas mortes (et travailler pour le nécromant...) Tout ceci au prix d'une corruption et d'une décrépitude croissante. Enfin, les Wicce des barbares sont peut-être les plus adaptables, mais là encore, le coût de l'apprentissage est terrible puisqu'il se fait au prix des caractéristiques du personnage.
Que dire de plus ? Non seulement j'ai dévoré le jeu, ce qui en toute franchise ne m'arrive plus très souvent, mais j'ai immédiatement eu des idées de scènes, de protagonistes, de jeu, quoi. Le livret de campagne est vraiment exemplaire à ce titre, parce que même s'il ne propose pas vraiment de scénario, il explique de manière très didactique comment structurer sa campagne.
Si je devais lancer une campagne, je choisirais probablement un format court, en 3x3 avec trois parties à chaque niveau, le protecteur des PJs devenant plus puissant entre autres grâce à eux.
Est-ce que j'ai des choses négatives à dire à propos du jeu? Pas vraiment, si ce n'est peut-être que le choix immersif d'utiliser les termes anglo-saxons pour les cultures, les titres, l'équipement, etc. se fait au détriment de n'avoir aucune idée de comment tout cela se prononce. Il y a certes un guide de prononciation en annexe d'un des livrets, mais... bon courage quand même.
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