J'ai déjà fait un petit billet sur le livre I am legend il a quelques semaines. Comme j'ai de la suite dans les idées, je me suis précipité sur le film le jour de sa sortie.
Or donc, l'équation est la suivante : comment transformer une simple nouvelle intimiste écrite dans les années 50 en film actuel à grand déploiement avec Will Smith ?
La réponse est : en réécrivant toute l'histoire.
Exit le Los Angeles des 50's, l'action prend place à New York dans entre 2009 et 2012. Les images de NY vide sont superbes. Les rues sans une âme qui vive sont terriblement démonstratives, c'est là une grande idée de mise en scène que ce changement de décor.
Exit le héros un peu alcoolo, gros fumeur enfermé dans sa solitude : Will Smith incarne un biclassé scientifique/homme d'action aux antipodes du protagoniste original. Il apporte de l'humour au personnage, ce qui passe très bien. Je l'aimais bien, le héros bourru du bouquin et je regrette sa disparition. Mais Will Smith campe un héros de rechange très honnête, ce n'est pas lui qui me gêne le plus dans cette adaptation.
Exit le scénario, place à une réécriture complète. En fait, en dehors du pitch de base et du titre, le scénariste n'a rien gardé du livre d'origine. Le voisin vampire qui rend le héros dingue ? À la poubelle. À la place, on a droit à un méchant vampire sans background et sans explication. Il est visuellement très efficace, mais c'est comme pour l'Orangina Rouge, on se demande un peu pourquoi est-il si méchant. Dans le livre, le héros est un survivant qui en bave. Dans le film, on a droit à une poignée de chiens-vampires, quelques fusillades et surtout, de grosses explosions qui ne cadrent pas vraiment avec l'image que je me fais du survival intimiste. Dans le livre, le chien était inquiétant. Dans le film, c'est un gentil berger allemand bien propre. Mais le gros hic, la grande trahison, c'est le twist final. Je veux pas faire mon rabat-joie genre "Moi j'ai lu le livre, c'était mieux" mais dans l'oeuvre d'origine, il y a une intrigue, une vraie, qui se déploie à la toute fin et qui justifie le titre. Dans le film, cette intrigue passe à la trappe pour laisser un drôle de mauvais gout, façon demi happy-end tout naze. J'ai détesté les derniers plans du film, qui neutralisent toute l'angoisse du récit.
J'ai pourtant passé un très bon moment, hein, je ne boude pas mon plaisir. C'est un bon post-apo des familles qui donne de belles images. Cette adaptation est remplie de bonnes idées (comme l'origine humaine au virus fatal) mais tombe parfois dans la facilité (comme cette course poursuite en voiture de sport qui fait l'ouverture du film pour donner un côté Fast & Furious. La voiture de sport disparait d'ailleurs juste après, sans explication, si ce n'est le placement de produit). Disons que si le film n'avait pas la prétention de revendiquer une paternité avec le livre, ça serait un très bon résultat. Mais comme adaptation, c'est une demi-réussite, à mes yeux.
Edit du 29 décembre 2007
Grâce à la générosité de Jean-François, j'ai pu voir pendant les fêtes les deux premières adaptations cinématographiques de I am legend :
The last man on earth (1964)
Miam, miam, le bon nanard italien. L'acteur principal joue comme une chaussette et les effets spéciaux d'époque font pitié (en particulier l'utilisation des fumigènes). Il y a tellement peu de moyens que le chien du héros est un... caniche ! Mais le scénario original est respecté, ce qui n'est pas rien. C'est la meilleure adaptation des trois malgré la touche indubitablement italienne qui fait parfois penser à du Ed Wood. On s'attend quand même à voir débarquer Bela Lugosi dans chaque plan.
The Omega man (1971)
Ah, Charlton Eston, le charme viril du type qui tire sur tout ce qui bouge, emballe la jolie fille et roule à vive allure dans le décor. Ce film est une véritable honte : le scénario est transformé en un salmigondis religieux : au lieu de vampires, le scénariste nous joue la carte d'une secte folle, le héros finissant même par mourir d'un coup de lance digne du Golgotha (d'ailleurs, il crève en prenant une position christique ridicule). Les acteurs noirs maquillés pour avoir l'air livides sont particulièrement risibles. Les méchants portent des toges noirs indignes d'un mauvais GN, c'est rigolo. Ça et les coupes afros, c'est génial.
Or donc, l'équation est la suivante : comment transformer une simple nouvelle intimiste écrite dans les années 50 en film actuel à grand déploiement avec Will Smith ?
La réponse est : en réécrivant toute l'histoire.
Exit le Los Angeles des 50's, l'action prend place à New York dans entre 2009 et 2012. Les images de NY vide sont superbes. Les rues sans une âme qui vive sont terriblement démonstratives, c'est là une grande idée de mise en scène que ce changement de décor.
Exit le héros un peu alcoolo, gros fumeur enfermé dans sa solitude : Will Smith incarne un biclassé scientifique/homme d'action aux antipodes du protagoniste original. Il apporte de l'humour au personnage, ce qui passe très bien. Je l'aimais bien, le héros bourru du bouquin et je regrette sa disparition. Mais Will Smith campe un héros de rechange très honnête, ce n'est pas lui qui me gêne le plus dans cette adaptation.
Exit le scénario, place à une réécriture complète. En fait, en dehors du pitch de base et du titre, le scénariste n'a rien gardé du livre d'origine. Le voisin vampire qui rend le héros dingue ? À la poubelle. À la place, on a droit à un méchant vampire sans background et sans explication. Il est visuellement très efficace, mais c'est comme pour l'Orangina Rouge, on se demande un peu pourquoi est-il si méchant. Dans le livre, le héros est un survivant qui en bave. Dans le film, on a droit à une poignée de chiens-vampires, quelques fusillades et surtout, de grosses explosions qui ne cadrent pas vraiment avec l'image que je me fais du survival intimiste. Dans le livre, le chien était inquiétant. Dans le film, c'est un gentil berger allemand bien propre. Mais le gros hic, la grande trahison, c'est le twist final. Je veux pas faire mon rabat-joie genre "Moi j'ai lu le livre, c'était mieux" mais dans l'oeuvre d'origine, il y a une intrigue, une vraie, qui se déploie à la toute fin et qui justifie le titre. Dans le film, cette intrigue passe à la trappe pour laisser un drôle de mauvais gout, façon demi happy-end tout naze. J'ai détesté les derniers plans du film, qui neutralisent toute l'angoisse du récit.
J'ai pourtant passé un très bon moment, hein, je ne boude pas mon plaisir. C'est un bon post-apo des familles qui donne de belles images. Cette adaptation est remplie de bonnes idées (comme l'origine humaine au virus fatal) mais tombe parfois dans la facilité (comme cette course poursuite en voiture de sport qui fait l'ouverture du film pour donner un côté Fast & Furious. La voiture de sport disparait d'ailleurs juste après, sans explication, si ce n'est le placement de produit). Disons que si le film n'avait pas la prétention de revendiquer une paternité avec le livre, ça serait un très bon résultat. Mais comme adaptation, c'est une demi-réussite, à mes yeux.
Edit du 29 décembre 2007
Grâce à la générosité de Jean-François, j'ai pu voir pendant les fêtes les deux premières adaptations cinématographiques de I am legend :
The last man on earth (1964)
Miam, miam, le bon nanard italien. L'acteur principal joue comme une chaussette et les effets spéciaux d'époque font pitié (en particulier l'utilisation des fumigènes). Il y a tellement peu de moyens que le chien du héros est un... caniche ! Mais le scénario original est respecté, ce qui n'est pas rien. C'est la meilleure adaptation des trois malgré la touche indubitablement italienne qui fait parfois penser à du Ed Wood. On s'attend quand même à voir débarquer Bela Lugosi dans chaque plan.
The Omega man (1971)
Ah, Charlton Eston, le charme viril du type qui tire sur tout ce qui bouge, emballe la jolie fille et roule à vive allure dans le décor. Ce film est une véritable honte : le scénario est transformé en un salmigondis religieux : au lieu de vampires, le scénariste nous joue la carte d'une secte folle, le héros finissant même par mourir d'un coup de lance digne du Golgotha (d'ailleurs, il crève en prenant une position christique ridicule). Les acteurs noirs maquillés pour avoir l'air livides sont particulièrement risibles. Les méchants portent des toges noirs indignes d'un mauvais GN, c'est rigolo. Ça et les coupes afros, c'est génial.
Moi aussi je suis allé voir le film hier et j'ai trouvé que c'était honnête comme adaptation. Ils ont enlevé pratiquement toute la dichotomie foi/science dans cette nouvelle version.
RépondreSupprimerMa comparaison est toutefois basé sur les deux versions précédentes (que j'ai visionné cette semaine). Je n'ai pas lu le roman mais je vais surement m'y mettre cette semaine.
Pour répondre à ton dernier commentaire sur la ballade en voiture, je peux te dire que c'est une prise venant de la version de 1971 appelé "Omega man".
Encore une fois, un bon texte.
Si ça se trouve, nous étions dans la même salle de cinéma (Paramount / Banque Scotia ?).
RépondreSupprimerJ'ai très envie de voir les versions précédentes. Même si j'ai apprécié la réalisation dans cette nouvelle version, je pense que les effets spéciaux ne sont pas toujours une valeur ajoutée.
Pour la voiture, merci de l'explication. Je voyais un complot capitalo-voiturier, mais c'est un aimable clin d'oeil, donc. En terme de placement de produit, Apple est bien présent.
Je viens de voir le film et je souscris de A à Z à tes commentaires, Cédric. Autant le début avec les rues vides est bien, autant la fin toute naze qui évacue l'ambiguïté du livre gâche tout.
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