Mad Men


Mad Men : une expression inventée à la fin des années 50 pour décrire les publicitaires de Madison Avenue, à New York. Inventée par qui ? Par ces mêmes publicitaires, évidemment.

Ça fait trois saisons que Mad Men caracole en tête des récompenses. Après Les Soprano et The Wire, c'est cette série qui attire à elle tous les éloges de la critique. Elle raconte la vie d'une agence de pub de Manhattan en 1960. Ses secrétaires un brin potiches aux ongles parfaitement manucurés qui tapent à la machine à écrire avec rapidité. Ses créatifs qui passent leur temps à déterminer qui pisse le plus loin en attendant LA bonne idée qui permettra de justifier leur salaire. Ses jeunes loups aux dents qui rayent le parquet et qui veulent se tailler la part du lion dans un monde des affaires qui semble infini et éternel. Ses cadres assommés par une vie familiale parfaite qui rêvent secrètement de mettre le feu à la banlieue proprette où leur famille grandit tranquillement pendant qu'ils vivent en accéléré à la ville. Ses femmes à la maison qui vivent un rêve figé où elles ont bradé leur liberté contre une sécurité factice. Ses clients qui veulent vendre, vendre, vendre, parce que c'est seulement en grossissant constamment que l'illusion de la réussite se maintient en place.

À la vérité, j'ai autant d'amour pour les publicitaires que pour les évêques pédophiles. J'ai découvert une des réalités de ce milieu avec le 99 francs de Beigbeider, mais chacun de leur slogan, de leur placement et de leur stratégie me fait gerber. Comme tout le monde, je me pense naïvement trop lucide pour tomber dans leurs magouilles de maquignons, alors que je bêle tout aussi bien que le reste du troupeau. Pourtant, Mad Men me fascine. La série décrit précisément le moment où la publicité envahit notre espace. On peut les voir travailler pour conserver à Lucky Strike son image socialement acceptable. Ils sont en train de créer du mensonge de masse, de donner son rythme de croisière à la consommation de masse, et pourtant, malgré ma colère face à cette invasion, je suis séduit par ses hommes qui, l'éternelle cigarette et le sempiternel verre de whisky à la main, rivalisent d'astuce pour faire avaler des couleuvres à leurs contemporains. C'est jouissif de les voir bosser sur la campagne Nixon vs Kennedy. Quand ils arrivent à trouver le slogan parfait, je suis admiratif de cette créativité.

Bien évidemment, Mad Men parle de la publicité mais déborde de cette vie de bureau décalée. C'est la vie familiale de ces gens qui donnent le véritable sel à la série. Ils aiment mal, ils baisent tout, ils racontent surtout des mensonges à leur femme et à eux-même. L'age d'or des 60's en prend plein les dents. Soyez les bienvenus dans un monde idéal où les femmes sont seules à la maison et n'ont personne à qui parler. Où le mari appelle le psy de sa femme pour savoir comment ça avance, cette histoire de psychanalyse. Où la femme divorcée du quartier est à peine mieux considérée qu'un Noir. Où les femmes enceintes fument et boivent.

L'accroche de la série est magnifique "Where the truth lies". Elle l'est même tellement qu'elle a dû être pondue par un de ces vendeurs de lessive.

J'avais peur que la série soit comme House M.D. et propose un produit par épisode, avec une épiphanie systématique 5 minutes avant la fin. Que nenni. C'est la vie de ces gens, le véritable arc narratif de la série. On suit en particulier Don Drapper, l'incarnation parfaite de cet homme des 60's qui a toujours une chemise propre dans un tiroir de son bureau. Sa femme, un ex-mannequin qui est en train de faisander à la maison avec son fils, sa fille et le chien, est aussi un moteur narratif important. Ma seule critique, c'est le rôle de la secrétaire de Don, une fille moche qui prend peu à peu de la place dans cet univers d'hommes. On sent qu'elle va briser des tabous et vaincre les réticences conservatrices de son monde, mais je n'arrive pas à me laisser atteindre par ce cliché de la jeune-fille-naïve-qui-débarque-de-sa-province-et-qui-apprend-la-vie-de-la-grande-ville-à-la-dure.

Est-ce parce qu'elle met en scène une époque idéalisée chère au coeur de tous les Nord-Américains et l'une des professions les plus magiques de prime abord que cette série cartonne chez les snobs comme moi ? Oui, il faudrait être encore plus menteur que les publicitaires pour affirmer le contraire. C'est un passé glorieux pour toute une génération. On y fabriquait des voitures de rêves, la musique était légèrement plus intéressante que de la dance italienne, les USA produisaient des grands hommes à la chaîne... Mad Men dynamite ce mythe de l'intérieur en montrant à quel point c'était un univers anxiogène, mais reste que le décor est enchanteur. C'est beau comme une vieille pub pour Coca Cola. Et si les babyboomers sont attirés par cet écho du passé, c'est uniquement parce que ces années parfaites étaient celles de leur enfance, où ils ne percevaient rien de la dureté de l'époque. C'est certain que c'est une époque bien plus enchanteresse pour un enfant que les années Giscard/Mitterand qui ont été celles de ma génération.

HBO est tellement furieux de ne pas être à l'origine de Mad Men qu'ils travaillent en ce moment sur un mélange entre Mad Men et les Soprano. Comment ça, Les Affranchis ? Ah ouais. Justement, ca s'appelle Boardwalk Empire et s'est produit par Martin Scorcese, qui a réalisé le pilote. Steve Buscemi y incarne un politicien gangster qui domine Atlantic City. Miam, miam.


Commentaires

  1. Ca m'a l'air excellent. En plus je suis d'accorda avec ton opinion sur les pubards.
    Je termine Dexter et je commence ça.

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  2. Tu en parles magnifiquement. Tu ne serais pas dans la pub, des fois ? ;o)

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  3. Méfiance, toutefois : Mad Men n'est qu'un remake. On se rappellera tous que le monde de la pub dans les années 60 a déjà été scruté à la loupe et avec beaucoup de brio dans "Ma sorcière bien aimée" où Jean-Pierre était un publicitaire de première...

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  4. J'ai regardé les 6 premiers episodes, et je m'ennuie ferme. Ca ne me fait pas rire, ca ne me captive pas, je n'accroche pas aux persos. Ce n'est pas que je trouve ca mauvais, juste sans interet...

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  5. Bêêêhêêh Bêêhêêh moi aussi je bêle tout aussi bien que le reste du troupeau....

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  6. Je suis un peu comme Serafina, j'ai regardé le début mais je n'accroche pas, même la secrétaire qui avait tout pour me plaire m'ennuie.

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  7. Que dire ?
    Il ne se passe effectivement pas grand chose par épisode puisque c'est juste la chronique d'une boite de pub.
    Il n'y a pas de secret à révéler (encore que, la saison 1 dévoile des choses sur le passé de Don), pas de menace cosmique, rien.

    Je comprends qu'on puisse ne pas accrocher, c'est quand même assez spécial, à la fois dans l'époque traitée et dans le traitement dramatique.

    Par contre, je trouve étrange que ça soit deux femmes (car oui, je pars du principe que Serafina et Isil ne portent pas de slip kangourou. C'est comme ça) qui disent qu'elles n'ont pas apprécié la série. Je me lance dans une théorie socio-sexiste de comptoir, mais est-ce que c'est justement la place de la femme dans la société des 60's qui fait que vous n'avez pas trouvé ça intéressant ?

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  8. Hmmm... Au contraire, je pense que la place de la femme, est la seule chose qui m'a plus ou moins plu dans la serie. Je veux pas dire que euhhh j'apprecie sa place, mais que au contraire je trouvais ca interessant de se dire "putain mais c'était vraiment comme cela". Je veux dire, la psychanalyse de la femme duheros par exemple, tout ca j'ai bien apprécié.
    En plus, j'adore le look qu'elles ont avec leurs talons aiguilles de pinup..

    C'est juste que je sais pas, j'ai un peu de mal quand il n'y a pas d'intrigue. Je trouve ca sans but, et du coup, j'attend toujours qu'il se passe quelque chose, et il se passe rien. Et aucun personnage n'a suffisamment de charisme a mon gout pour porter la serie sans plot....

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  9. Merci pour la précision, Serafina.
    Je ne vais finalement pas écrire ma thèse intitulée "Mad Men, c'est pas pour les gonzesses".

    Si l'absence d'intrigue te gène, tu as bien fait de ne pas insister car je suis en plein seconde saison et il n'y a pas de fil rouge, en dehors de la boite de pub en elle-même. On en apprend un peu plus sur chacun des personnages, mais il n'y a toujours pas une attaque de zombis ou d'ours polaire à l'horizon.

    Ce qui est dingue, c'est que la même série mais basée de nos jours, me ferait probablement bailler aux corneilles. Alors que là, ça glisse comme un vieux whisky. La dimension "historique" donne beaucoup de cachet à cette série.

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