Blast


Dans un commissariat, deux flics interrogent un gros bonhomme. Un vagabond obèse qui semble vivre sur la face b du disque de la vie. Si les flics travaillent ce type, c'est assurément qu'il est le coupable d'un truc atroce, même si le lecteur en ignore pour l'instant les détails. Pour expliquer son geste, ce bibendum raconte sa vie depuis le début. Une mère absente. Un père qui fait ce qui peut. Une femme bien gentille. Et un jour, la vie du gros bifurque. Il a une sorte d'épiphanie que lui appelle le blast. Dès lors, sa vie devient une quête pour retrouver cet état de grâce. Il tourne le dos à tout et explore des chemins de traverse pour retrouver l'écho de ce blast.

Blast, c'est 200 pages en noir et blanc. C'est un livre aussi lourd que le héros de cette histoire. On retrouve là tout le catalogue des obsessions de Manu Larcenet : la mort du père, les bouffées d'angoisse, les statues de l'île de Paques, la critique de la vie ordinaire... Les personnages ont tous des trognes improbables avec des pifs non euclidiens. C'est gris comme une zone industrialisée moldave irradiée.

Il serait assez déplacé de reprocher à Bob Marley de toujours faire du reggae. Pourtant, je ne peux m'empêcher de reprocher à Manu Larcenet d'avoir fait avec Blast une oeuvre trop typique de lui-même. Je n'ai eu aucune surprise. Tout ce que j'ai lu, je l'avais déjà vu dans ses albums précédents, que ça soit au niveau du dessin, du récit et du discours. Les écrasantes statues de l'île de Paques sont assez symptomatiques de cette impression de déjà-lu. Même le racisme anti-gros, la critique du vagabondage, le raz-le-bol de la petite vie petite-bourgeoise... tout cela sent le réchauffé. Manu avait déjà tout dit dans ses albums intimistes publiés chez les Rêveurs de runes.

Blast sera donc une série, mais je sais déjà que je ne vais pas poursuivre l'aventure. L'anti-héros de service m'indiffère et le mystère du blast me laisse de marbre. Pour les lecteurs qui ne connaissent Larcenet que pour ses Mickeys dans Fluide Glacial, Blast est sans doute une excellente surprise avec son côté sans concession. Mais pour les autres, c'est une redite.

Commentaires

  1. Je suis tout àf ait raccord avec ça.

    Et, amha, le meilleur livre de Larcenet dans la partie "pas drôle" de son œuvre, c'est "Presque".

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  2. Intéressant : ta critique est la seule critique un peu négative que j'ai lu de cet album, par ailleurs encensé.

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  3. Effectivement, je pensais à "Presque" comme première incarnation de cette ambiance "gris, c'est gris".

    Les récits introspectifs, c'est puissant, mais à force de plonger dans le même puits, on finit quand même par regarder toujours le même nombril.

    Ceci dit, si Blast est bien reçu, tant mieux. C'est pas un mauvais album en soi, c'est juste que j'ai envie de lire du nouveau.

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  4. Cédric m'a devancé, je voulais aussi faire un billet sur Blast. Mais comme il a dit exactement ce que je pensais, je ne me sens pas lésé. Pourtant, je suis moins connaisseur de l'oeuvre de Larcenet, drôle ou pas drôle. Ce n'est donc pas le côté répétitif des thèmes qui m'a laissé froid, mais bien le manque d'empathie avec le héros, son histoire, qui m'ont empêché de me sentir concerné par ses bouffées angoissantes. Je ne suis à aucun moment rentré dans le livre, qui donne l'impression d'avoir été conçu comme une "Oeuvre" plutôt qu'un moyen d'expression intimiste.

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  5. Suite au commentaire de Laurent, j'ai lu quelques critiques et une entrevue de l'auteur. L'album fait effectivement l'unanimité.

    La série fera 5 volumes et l'aspect "concentré de mes obsessions de toujours" est clairement revendiqué par Manu L.

    Finalement, Blast, c'est un best of.

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