Programme double aujourd'hui avec deux bouquins de Jonathan Coe. Comme les deux livres se ressemblent beaucoup, j'en profite pour faire un tir groupé car d'expérience, les billets qui parlent de littérature blanche font un flop retentissant.
La maison du sommeil est un livre qui entremêle deux périodes de narration :
- celle où une bande d'étudiants en colocation se croise dans une grande maison et où les amours se tissent, souvent dans la déception,
- celle de la même maison, devenu quelques années plus tard un lieu de thérapie lié au sommeil et qui, heureux hasard, permet de retrouver certains personnages de la première époque à un autre stade de leur vie.
Ironie du sort, j'ai lu ce livre lors d'une longue insomnie.
Birmingham dans les années 70. Au lycée, les adolescents relisent Le seigneur des anneaux et rêvent de monter un groupe pour singer les guitar heroes des magazines. À l'usine, le National Front s'insinue insidieusement dans les rangs des syndicats. L'IRA fait exploser des pubs. Les Clash et les Sex Pistols balbutient. Le roman suit le parcours de plusieurs acteurs de ce petit théâtre, aussi bien le vieux syndicaliste qui se tape des jeunes dactylos dans les douches de l'usine que les gamins qui veulent monter un groupe qui s'appellerait Minas Tirith.
Ce livre est la première partie d'un diptyque dont la suite (Le cercle fermé) raconte ce que sont devenus ces personnages dans les années 90.
J'avais déjà parlé de Jonathan Coe dans un billet sur Testament à l'anglaise. Ces deux livres sont construits grosso merdo sur le même canevas : plusieurs protagonistes qui se croisent, se courent après et s'agitent dans leur petite vie anglaise. Les obsessions de l'auteur sont bien évidemment les mêmes : un portrait social, des personnages torturés, des trajectoires de vie qui ricochent les unes sur les autres dans le temps. Coe est toujours acerbes avec les Conservateurs (la victoire de David Cameron doit l'enchanter) et en profite cette fois-ci pour critiquer un peu l'extrême droite anglaise. Même moi qui me suis fait tatouer un portrait de Jean Jaurès sur le coeur, j'avoue que je trouve cette critique politique un peu faiblarde. Encore que, Bienvenue au club ne raconte pas tant l'avènement des Conservateurs que la défaite programmée des Travaillistes à bout de souffle.
Dans La maison du sommeil, c'est la psychologie et le monde du cinéma qui en prennent pour leur grade. Le principal psychologue du livre est un crétin en quête de gloire médicale tandis que les personnages cinéphiles sont soit pédants soit incultes. C'est sans demi-mesure.
Coe est fortiche pour zapper d'un personnage à l'autre et donner ainsi des points de vue différents sur cette époque. Mais à force d'utiliser la même recette, elle finit par s'affadir. Ses protagonistes mal dans leur peau, ses situations amoureuses déchirantes, sa nostalgie permanente... c'est charmant, mais ça lasse. Et puis, par moment, il a des idées d'écriture chiantes qui viennent rompre le plaisir de lecture. Comme ce chapitre entier dans Bienvenue au club, qui n'est qu'une succession de phrases non séparées par des points ou des majuscules, qui sont censées représenter les pensées du personnage, mais qui en pratique forment un bourbier qui tue le récit.
Bref, Jonathan Coe, c'est un petit peu un Vincent Delerm : c'est sympa le temps d'un album, mais ça tourne vite en rond. Du coup, je vais faire l'impasse sur Le cercle fermé, car je n'ai franchement aucune envie de retrouver ces personnages vingt ans plus tard.
Quel dommage que la recette t'es lassée.
RépondreSupprimerJe suis toujours content de retrouver des personnages tordus et dépressifs. La maison du sommeil est le premier bouquin de Coe que j'ai lu, j'ai adoré la construction. Il est fort pour faire avancer des histoires sur plusieurs fils au même rythme.
Si tu veux voir des personnages encore plus dépressifs et plus anglais, essaye un roman de David Lodge :).
J'ai lu deux romans de David Lodge il y a quelques années.
RépondreSupprimerDu coup, je ne me suis pas encore lassé de sa recette à lui.
c'est malheureusement fréquent qu'un auteur joue de ses qualités au point de les rendre répétitives.
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