Ce sont deux bonhommes qui discutent. Pas des lapins de six semaines mais deux messieurs qui en connaissent un rayon niveau littérature. Et ils jasent. Du livre, de la culture, de ce qu'implique notre modernité dans le rapport à la connaissance, de la place de la mémoire dans un monde où est accessible en un clic... Ils font un ping-pong d'idées. Rien de fondamentalement nouveau n'émerge de cet échange, mais il est parfois rassurant d'entendre certaines vérités. En vrac :
- les livres qu'Umberto Eco possédait dans les années 50 ne sont plus lisibles à l'heure actuelle. Le papier moderne ne vieillit pas si bien que ça. Alors le papier de nos éditions de poche d'aujourd'hui ne devrait pas tenir bien longtemps. La permanence du papier en prend donc pour son grade.
- les nazis auraient pu déterminer si un paysan était juif en regardant s'il plantait ses graines de gauche à droite ou de droite à gauche.
- quand la bilbiothèque d'Alexandrie a brûlé, il n'y avait pas que des chefs d’œuvre dedans. Il devait aussi s'y trouver des nanars.
- les tragédies grecques que nous considérons comme incontournables n'étaient, dans leur majorité, pas citées dans les textes de l'époque. Il est donc possible que ces œuvres n'étaient même pas les meilleures de leur temps. On s'extasie peut être sur des textes mineurs comparés à la production de l'époque.
- c'est Bacon qui a écrit toutes les pièces de Shakespeare. Mais ça prenait tellement de temps à Bacon pour les écrire qu'il n'avait pas le temps d'écrire les siennes. Du coup, c'est Shakespeare qui a écrit toutes les pièces de Bacon.
- on appelle "casseurs" les gens qui découpent un incunable pour le vendre en feuilles séparées.
- nos ancêtres étaient bien plus petits que nous. Ils avaient donc des tons de voix différents des nôtres puisqu'ils n'avaient pas le même coffre que nous autres.
- les livres qu'Umberto Eco possédait dans les années 50 ne sont plus lisibles à l'heure actuelle. Le papier moderne ne vieillit pas si bien que ça. Alors le papier de nos éditions de poche d'aujourd'hui ne devrait pas tenir bien longtemps. La permanence du papier en prend donc pour son grade.
- les nazis auraient pu déterminer si un paysan était juif en regardant s'il plantait ses graines de gauche à droite ou de droite à gauche.
- quand la bilbiothèque d'Alexandrie a brûlé, il n'y avait pas que des chefs d’œuvre dedans. Il devait aussi s'y trouver des nanars.
- les tragédies grecques que nous considérons comme incontournables n'étaient, dans leur majorité, pas citées dans les textes de l'époque. Il est donc possible que ces œuvres n'étaient même pas les meilleures de leur temps. On s'extasie peut être sur des textes mineurs comparés à la production de l'époque.
- c'est Bacon qui a écrit toutes les pièces de Shakespeare. Mais ça prenait tellement de temps à Bacon pour les écrire qu'il n'avait pas le temps d'écrire les siennes. Du coup, c'est Shakespeare qui a écrit toutes les pièces de Bacon.
- on appelle "casseurs" les gens qui découpent un incunable pour le vendre en feuilles séparées.
- nos ancêtres étaient bien plus petits que nous. Ils avaient donc des tons de voix différents des nôtres puisqu'ils n'avaient pas le même coffre que nous autres.
- Monseigneur de Quélen, archevêque de Paris, a déclaré en chaire à Notre-Dame : "Non seulement Jésus-Christ était fils de Dieu, mais encore il était d'excellente famille du côté de sa mère".
- à propos de l'existence ou non des Roses-Croix, Nehaus écrivait en 1623 : "Le seul fait qu'ils nous cachent qu'ils existent est la démonstration de leur existence". Imparable.
- quand Bossi, le chef de la Ligue du Nord, est venu à Rome pour vendre sa salade fasciste, des gens l'ont accueilli avec une pancarte proclamant : "Lorsque vous viviez encore dans les arbres, nous étions déjà des tapettes".
Je le confesse, je suis très sensible à tout ce que dit Umberto Eco, en revanche les propos de Jean-Claude Carrière me touchent beaucoup moins. Là où le premier est souvent drôle en plus d'être érudit, le second a tendance à trop se mettre de l'avant dans ses exemples ("Oui, moi, quand j'ai travaillé avec Buñuel...". Bon, il faut avouer que le monsieur a travaillé avec des pointures en matière de cinéma, ça n'aide pas à la modestie. L'admirateur du piémontais que je suis aurait volontiers demandé à monsieur Carrière de la mettre en veilleuse pour laisser plus de place à Eco, même quand ce dernier parle d'auteurs baroques italiens inconnus au bataillon.
En résumé, rien de spectaculaire dans ce livre d'entretien, mais l'ouvrage est très accessible. Les notions abordées sont simples (quelle différence entre savoir et culture ?) et ne finissent jamais en de verbeuses péroraisons universitaires de vieux gâteux. C'est même tout le contraire : à 78 ans, Umberto Eco est un étrange mélange de sapience et de geekitude. Voilà un homme qui peut aussi bien disserter sur Thomas d'Aquin que sur Superman. Il a très tôt intégré l'informatique dans son travail et du coup, sa méfiance envers le numérique n'est pas du tout un réflexe anti-progrès mais plutôt l'expérience d'un vieux de la vieille à qui l'informatique a passé son temps à dire que la disquette 5"1/4/3"1/5, le CD-Rom, le DVD, la clé USB étaient des supports de stockage durables.
- quand Bossi, le chef de la Ligue du Nord, est venu à Rome pour vendre sa salade fasciste, des gens l'ont accueilli avec une pancarte proclamant : "Lorsque vous viviez encore dans les arbres, nous étions déjà des tapettes".
Je le confesse, je suis très sensible à tout ce que dit Umberto Eco, en revanche les propos de Jean-Claude Carrière me touchent beaucoup moins. Là où le premier est souvent drôle en plus d'être érudit, le second a tendance à trop se mettre de l'avant dans ses exemples ("Oui, moi, quand j'ai travaillé avec Buñuel...". Bon, il faut avouer que le monsieur a travaillé avec des pointures en matière de cinéma, ça n'aide pas à la modestie. L'admirateur du piémontais que je suis aurait volontiers demandé à monsieur Carrière de la mettre en veilleuse pour laisser plus de place à Eco, même quand ce dernier parle d'auteurs baroques italiens inconnus au bataillon.
En résumé, rien de spectaculaire dans ce livre d'entretien, mais l'ouvrage est très accessible. Les notions abordées sont simples (quelle différence entre savoir et culture ?) et ne finissent jamais en de verbeuses péroraisons universitaires de vieux gâteux. C'est même tout le contraire : à 78 ans, Umberto Eco est un étrange mélange de sapience et de geekitude. Voilà un homme qui peut aussi bien disserter sur Thomas d'Aquin que sur Superman. Il a très tôt intégré l'informatique dans son travail et du coup, sa méfiance envers le numérique n'est pas du tout un réflexe anti-progrès mais plutôt l'expérience d'un vieux de la vieille à qui l'informatique a passé son temps à dire que la disquette 5"1/4/3"1/5, le CD-Rom, le DVD, la clé USB étaient des supports de stockage durables.
J'adore Eco. Faudra que j'y regarde un jour. Je conseille à l'aimable assistance "Comment voyager avec un saumon", qui est un irrésistible recueil de chroniques.
RépondreSupprimerC'est disponible en e-book ? :-D
RépondreSupprimerAh tiens, un livre que j'ai lu chez les Hu-Mu (pas comme l'habituel 23ème tome de la "saga du cycle du royaume des chevaliers de nulle part" ^^)!
RépondreSupprimerUn livre très agréable, qui se lit avec une facilité déconcertante, un peu comme on peut écouter une bonne émission de radio.
Je ne sais pas si Eco se la pète un peu en parlant informatique et jeux vidéos mais cela donne à nos yeux de blogueurs fous un côté bien sympathique au vieux Monsieur.
Je signale à Môssieur Narbeuh que "Polar" est au moins aussi gros dans le nuage de labels que "Fantasy", et le serait peut-être davantage si Cédric n'oubliait pas de taguer ses billets une fois sur deux. Alors son accusation est injustifiée ! ;)
RépondreSupprimerEco EST un geek, un vrai, un des plus anciens... Il était fan de BD, comics et pulp avant d'être célébré pour le Nom de la Rose
RépondreSupprimer@ Gromovar
RépondreSupprimerD'Eco, en plus des 4 romans, j'ai même ses compilations d'éditoriaux et certains de ses ouvrages universitaires. Des trucs de sémiotique qui me dépassent à la lecture mais où j'ai toutefois appris des choses en plus de voyager en compagnie d'un grand monsieur l'espace de centaines de pages. J'y reviendrai peut être ici car il a écrit des trucs géniaux sur la place du lecteur dans la littérature.
5 romans ! La mystérieuse flamme de la reine Loana (2004) est un superbe texte accessible et très réussi.
RépondreSupprimerPar contre je n'ai pas accroché au Saumon, un peu trop hétéroclite.
"[..] a passé son temps à dire que la disquette 5"1/4/3"1/5, le CD-Rom, le DVD, la clé USB étaient des supports de stockage durables."
RépondreSupprimerOui mais l'obsolescence de plus en plus rapide de ces supports, ou plutôt le passage de l'un à l'autre avec la disparition rapide de celui qui l'a précédé n'est-il pas un gros point faible ?
Merci en tout cas pour cette idée de lecture.
Je crois qu'il est important de ne pas confondre les données et le support sur lequel elles sont stockées.
RépondreSupprimerCertes, les moyens de stockages évoluent, mais les fichiers .txt de mon adolescence sont toujours utilisés. Ça reste le moyen le plus simple pour stocker du texte sans mise en page. On pourra m'objecter qu'un livre comme "La maison des feuilles" en .txt c'est comme jouer du Mozart au pipeau. J'en conviens. Mais 99% des textes n'ont pas besoin de mise en page plus complexe que celle d'un .txt.
Ensuite, c'est vrai, les supports de stockage évoluent. Mais l'apparition d'une nouvelle méthode ne fait pas disparaître du jour au lendemain les anciens supports. Il y a toujours un temps de coexistence entre l'ancien média et le nouveau, ce qui laisse le temps à l'utilisateur de faire migrer ses sauvegardes vers la nouvelle technologie. Mais au final, disquette, CD-Rom ou clé USB, ça reste une série de 1 et 0.
Par contre, je reconnais que les formats comme le .doc ou le PDF, qui sont la propriété de compagnie privée, peuvent cesser d'exister pour des raisons économiques. Mes PDF pourraient ne plus être lisibles demain si Adobe en décide ainsi. D'où l'importance de miser sur des formats de fichier libres et les plus universels possibles. J'en reviens à mon .txt qui suffit amplement. Et si Adobe bazardait demain le PDF, il y aurait bien toujours une bande de linuxiens pour pondre un petit logiciel permettant de lire les anciens fichiers. Et ça serait sans doute moins lourd que l'Acrobat Reader qui fait en ce moment même mouliner ma bécane dans le vide.
Pour en revenir au point de vue d'Umberto Eco sur le numérique, il est certain que même s'il a intégré un programme en Basic dans "Le pendule de Foucault", le piémontais est avant tout un bibliophile qui collectionne les incunables ésotériques. On ne peut pas demander à un type de cette génération de louer le numérique à tout crin. Moi, je crois qu'il existe de la place et pour le numérique et pour le vieux papier qui sent bon l'Histoire. Mais par contre, le livre de poche imprimé sur du mauvais papier, je ne miserais pas dessus.
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RépondreSupprimer"5"1/4/3"1/5, le CD-Rom, le DVD, la clé USB "
RépondreSupprimerIl faut aussi se dire qu'à part les fameuses disquettes, tous les autres supports cités sont encore compatibles avec 100% des ordinateurs actuels. Notamment le CD, qui a 31 ans (!) cette année, et n'a jamais été remis en question depuis.
"Et ça serait sans doute moins lourd que l'Acrobat Reader qui fait en ce moment même mouliner ma bécane dans le vide."
Si tu n'en fait que de la lecture, je te conseille Foxit (http://www.foxitsoftware.com/pdf/reader/), c'est gratuit et plus léger qu'Acrobat.
Merci pour le lien vers Foxit, Martlet, je viens de l'essayer, de l'adopter et de désinstaller Adobe Reader dans la foulée.
RépondreSupprimerOh, coïncidence amusante, je viens de le lire aussi (et je ne savais même pas en l'empruntant qu'il allait sortir en poche deux-trois jours après).
RépondreSupprimerJ'ai bien aimé, c'est agréable de se glisser comme ça dans une discussion aussi intéressante (et que je ne m'attendais pas forcément à apprécier) et les passages bibliophiles avec quelques habitudes que je partage m'ont ravie.