C'est vendu comme une enquête policière. Des victimes de meurtre ou d'accident fatal qui n'ont rien en commun si ce n'est qu'elles ont toutes reçu une carte postale de Las Vegas qui prédisait la date de leur mort. Le FBI prend donc l'enquête en charge. Bon, le profiler borderline sur la piste d'un tueur en série mystérieux est à l'instar du barbare en slip en fourrure un cliché particulièrement pénible, mais je me sentais d'humeur à me coltiner une enquête procédurale bien gaulée. Parce que quand c'est bien fait, c'est terriblement efficace comme intrigue. Et, comment dire… j'ai eu droit à un cocktail mélangeant la zone 51, Churchill, une prophétie, un monastère secret et le 7ème fils d'un 7ème fils. Vous ne voyez pas de lien entre ces cinq éléments ? C'est que vous n'êtes pas aussi imaginatif que Glenn Cooper, l'auteur de ce Livre des morts.
Inutile de hurler au spoiler : oui, je vais vous dévoiler toute l'intrigue, y compris le punch final. Sauf que contrairement à l'auteur, je vais y aller dans l'ordre chronologique sans mélanger les chapitres pour entretenir le mystère. Accrochez-vous, c'est du lourd. Or donc, au VIIIe siècle, sur l'île de Wight (que les fans de Michel Delpech connaissent bien), nait un garçon étrange qui est confié au monastère local car il est bien connu que le 7ème fils d'un 7ème fils est immanquablement un sorcier. L'enfant est bizarre (donc roux) et a un don : bien qu'il n'ait jamais appris à écrire, il note sur des parchemins les dates futures de naissance et de mort de gens qu'il ne connait pas. Il est même capable d'écrire dans des alphabets exotiques, c'est dire. Et bon, il remplit des pages et des pages avec ses prédictions qui se révèlent à chaque fois véridiques au quart de poil de cul près. Il compile ces renseignements étranges dans des tomes entiers qui sont tenus au secret dans le monastère de l'île. Lui et ses descendants (qui naissent de l'union forcée entre d'innocentes vierges et l'inquiétant roux) bossent comme des damnés pendant plusieurs siècles et écrivent 200 milliards de noms. Quelqu'un finit par tuer tous les scribes prophètes au XIIIe siècle. Et la fin du monde est pour 2027.
Du temps passe, tout le monde oublie ça, mais après la guerre, les Anglais redécouvrent par hasard cette incroyable liste qui prédit la naissance et la mort de tout le monde. Churchill se débarrasse de ce fardeau en le confiant aux Américains qui décident de construire un complexe ultrasecret dans la zone 51 afin de protéger cet héritage. Des analystes très intelligents sont engagés par l'administration américaine afin de gérer ces données. Et l'un d'eux, qui s'ennuie et qui n'est pas bien dans sa tête de génie (il a exactement 200 de QI), décide de s'amuser en utilisant la base de données pour annoncer leur mort prochaine à des gens qu'il a croisés en leur envoyant une carte postale depuis Las Vegas. Les gens reçoivent la carte et meurent, le plus souvent assez violemment. Mais comme la police et les médias ne savent rien de cette histoire de dates prophétiques, ils pensent avoir affaire à un tueur en série prétentieux. Ils l'appellent le tueur de l'Apocalypse, et c'est ainsi que le héros, un agent du FBI, prend l'affaire en main. Il va patauger un moment pour finir par se rendre compte que le type qui envoie les cartes postales n'est autre que son ancien colocataire de l'université.
Pas mal, hein ? Et encore là, je n'ai fait que vous raconter grossièrement l'intrigue. Ce que je ne vous ai pas dit, c'est que le héros est un agent spécial du FBI qui a l'incroyable originalité d'être alcoolique. On dirait Belmondo dans ses films bourrins des années 80. Au début de l'enquête, on lui attribue une nouvelle partenaire un peu boulotte et revêche qui va finir par faire du jogging pour maigrir et qui tombera bien évidemment dans les bras du héros qui emballe tout ce qui bouge (dont une hôtesse de l'air lors d'une scène digne d'un film porno). Car rien n'est épargné au lecteur, dont une scène de viol d'une nonne par le gamin prophète. Le type qui envoie les cartes postales est intelligent, il est donc forcément passé par le MIT, code des programmes d'intrusion aussi vite qu'un hacker vu par Hollywood et ne sait pas parler aux femmes (il devra se contenter d'une histoire d'amour avec une prostituée de Las Vegas). Il y a aussi toute une histoire avec un scandale financier au sein d'une compagnie d'assurance (vous imaginez comme c'est pratique de connaître la date de décès d'un client qui souhaite souscrire une assurance-vie) ainsi que des intrigues secondaires à base de scénarios de film (le type aux cartes postales et la fille de l'agent du FBI, qui ne se connaissent pas, sont deux auteurs qui essayent de placer un premier script/roman). Sans doute une manière pour Glenn Cooper de parler de son expérience d'auteur puisque ce livre est son premier et qu'il doit rêver d'une adaptation ciné (qui se fera puisque le monsieur a vendu 2 millions de copies dans 29 langues).
Et je l'avoue, j'ai été happé par cette bouse que j'ai dévorée en trois jours avec une curiosité malsaine. C'était tellement débile que j'y revenais à chaque fois pour voir jusqu'où l'auteur allait pousser le bouchon dans l'imbécilité. Et je n'ai pas été déçu : Glenn Cooper a des ressources insoupçonnées quand il s'agit d'aligner les clichés sur le FBI ou de bricoler une intrigue mystico-religieuse bancale en copiant Dan Brown. Il est tellement fort à ce petit jeu qu'il a d'ailleurs écrit une suite : le Livre des âmes (puis une suite à la suite : la Dixième chambre). Quelle bonne idée.
Avec un sujet pareil, on s'attend à ce qu'il parle de libre-arbitre, mais surtout pas. Par exemple : que font les USA avec cette base de données ? Nada. Ils subissent les évènements sans exploiter les noms. Désolé, mais si tu sais quand dois crever Staline ou JFK, l'Histoire n'est pas la même. Là, ils se doutaient qu'il allait se passer quelque chose le 11 septembre, ils connaissaient le nom des victimes, leur adresse et tout, mais non, ils ne pouvaient pas anticiper le truc. C'est comme ça, c'est Dieu qui décide.
Avec un sujet pareil, on s'attend à ce qu'il parle de libre-arbitre, mais surtout pas. Par exemple : que font les USA avec cette base de données ? Nada. Ils subissent les évènements sans exploiter les noms. Désolé, mais si tu sais quand dois crever Staline ou JFK, l'Histoire n'est pas la même. Là, ils se doutaient qu'il allait se passer quelque chose le 11 septembre, ils connaissaient le nom des victimes, leur adresse et tout, mais non, ils ne pouvaient pas anticiper le truc. C'est comme ça, c'est Dieu qui décide.
Ça m'apprendra à faire confiance à une tête de gondole.
Laurine en a déjà parlé et je la soupçonne d'avoir aimé la suite.
Laurine en a déjà parlé et je la soupçonne d'avoir aimé la suite.
Là, on touche au sublime dans le concon. Quelle classe !
RépondreSupprimerYa quand même une quantité de policiers écrits au kilomètre, c'est impressionnant. J'ne ia des retours de seconde main par ma femme qui s'acharne, mais ça semble la plupart du temps assez consternant quand on y réfléchit bien. Et sans oublier toutes les cookie-cutters récurrents de tous les auteurs à la Kathy Reichs par exemple.
RépondreSupprimerTU devrais demander un % des économies faites par ceux qui voulaient acheter un livre et qui ne le font pas après avoir lu ta critique !
RépondreSupprimerPareil que Dr Strange ! :D
RépondreSupprimer"une scène de viol d'une nonne par le gamin prophète".
RépondreSupprimerVoilà la seule chose à retenir de cet article.
:-D
"une scène de viol d'une nonne par le gamin prophète".
RépondreSupprimerVoilà la seule chose à retenir de cet article.
:-D
@ Gromovar : 80% de merde, c'est la règle dans tous les genres littéraires.
RépondreSupprimer@ Dr Strange : quand je lis les critiques de ce livre, nous sommes peu à ne pas aimer ce bloubiboulga.
@ Guilhem : pour être honnête, c'est un jeune adulte quand il la viole. Mais la scène reste ridicule.
Les 80% de merde, c'est même la Loi de Sturgeon.
RépondreSupprimerLes pessimistes font remarquer qu'il n'y a aucune garantie que le 20% restant ne soit pas non plus de la merde.
Dans le domaine du polar-serial-killer-esoterico-fantastique-thriller-secret sur Jésus avec des nazis, la chance d'être dans les 20% est très très faible.
RépondreSupprimerJe dirai même plus : dans le cas du thriller religieux d'obédience nazi post-cathare, 80% du 20% qui reste du premier écrémage est quand même de la merde. Ce qui laisse 4% de bon matériel. Sauf que la marge d'erreur est de 5%.
RépondreSupprimerMa référence à moi, c'est lui.
RépondreSupprimerhttp://lependu.blogspot.com/2009/06/licone-gary-van-haas.html
J'ai quand même moins de temps que toi pour lire ce genre de choses, apparemment. Je t'admire. Je ne t'envie pas.
Pour moi, ce n'est pas un calvaire, c'est de la recherche. J'ai l'intention de proposer une nouvelle collection aux Moutons.
RépondreSupprimerJe veux fonder une nouvelle Ligue de l'imaginaire.
Parce que là, je lis un truc fantasy basé sur le jeu de l'oie, et ça manque cruellement de nazi et de révélations.
Une tête de gondole? T'es sûr que ce n'est pas une pointe de plume?
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