Il n'a plus de nom. Et pour cause : à force de transférer
son esprit dans le corps des autres, il a du mal à faire la part des choses
entre son identité et celle de ses hôtes. Grâce à un artefact alien d'une race
oubliée, il est donc capable de circuler de corps en corps, volant au passage
des bribes de mémoire, des savoirs épars. Pourquoi faire ? Pour assassiner des
gens à la demande de méga-corporations interstellaires qui désirent éliminer un
opposant bloquant la bonne exploitation des ressources d'une planète. Alors il
débarque, isole un proche de sa cible, lui pique son corps et ses souvenirs
afin de s'approcher et de frapper. Et de fuir dans un autre corps, direction un
autre système pour un autre contrat. Ça dure comme ça depuis très longtemps. Trop,
sans doute, car il est de plus en plus souvent assailli au plus mauvais moment
par des souvenirs puissants qui le paralysent et le laissent lessivé quand ils
se retirent comme la marée. Son immortalité arrive à expiration.
Et donc on suit le héros, son appropriation du corps
d'accueil, la technologie qui permet (comme dans le film Strange Days) de
revivre les souvenirs d'autrui, l'infiltration auprès des salopards qui sont
ses cibles, le passage à l'acte. Il aura plusieurs missions. On repassera donc
par toutes ses étapes, interrompues par ce mal mystérieux qui emporte le héros
dans une noyade mémorielle qui menace ses missions dans les moments les plus
tendus. Et ce n'est pas très palpitant. On change de planète à chaque fois,
mais malgré les descriptions, il m'a été impossible de véritablement visualiser
ses mondes lointains. Ça aurait pu être sur Terre dans des pays différents, ça
aurait été pareil. En dehors des artefacts aliens (dont les indispensables
portes des étoiles qui semblent être livrées de série dans tous les univers
SF), aucune vraie technologie n'est déployée. Le héros ne possède aucune
aspérité à laquelle s'accrocher, il glisse entre les doigts aussi facilement
qu'il change de corps. Et du coup je n'ai à aucun moment senti de connexion
avec lui. Un sentiment en partie expliqué par la révélation finale du livre,
mais qui m'a empêcher d'embarquer dans l'histoire. Et puis le coup de
l'assassin qui élimine des dictateurs…
La narration est à la première personne, mais au passé
simple. Ça m'a dérangé tout du long. Mais ce qui m'a le plus empêché d'adhérer
au récit, c'est cette vision très informatique du transfert de mémoire. Comme
si le cerveau était juste un disque-dur qu'il suffit de formater ou de
recopier. La plasticité du cerveau est saisissante, mais dans le livre elle
semble infinie. Et surtout, le câblage neural et les hormones n'ont aucune
influence sur le corps d'accueil. La personnalité du narrateur devrait changer
en fonction de la part biologique du comportement. Je ne suis pas un
cognitiviste, mais je n'arrive pas à imaginer un transfert aussi entier et
mécanique de l'individualité. Si on ajoute à ça que les motivations du
narrateur sont restées très vaporeuses pour moi, ça donne au final un livre que
je vais m'empresser d'oublier. Le comble pour un livre appelé Mémoria.
Le roman fait visiblement partie d'un univers étendu
appelé Panstruscture dans lequel Laurent Genefort enchasse ses histoires de
space opera. Y ai-je pénétré par la mauvaise porte avec ce roman ?
moi j'ai bien aimé (12/20) mais la fin est pas tip top.
RépondreSupprimerSpoiler:
[ j'aurais bien vu en fait un extraterrestre tout petit qui tiens dans la valoche... et pas une machine de transfert, ça aurait expliquer pas mal de chose]
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RépondreSupprimerJe te remercie de m'avoir fait perdre du temps de lecture avec ce livre. La critique est sympathique compte tenu de sa médiocrité : pas de thématique, un héros méchant mais bien pensant, une rédemption incompréhensible et des trous tant dans le contenu que dans l'histoire.
RépondreSupprimerBref, au lieu de lire Wastburg, j'ai lu ce truc. Qui ira dans la même pile que l'Instinct de l'équarisseur, dans ce meuble qui s'ouvre à l'aide d'une pédale et qu'on trouve en général dans la cuisine.
Merci pour ce compte rendu de lecture. Le pitch du livre est vachement attirant et ton analyse sonne très juste.
RépondreSupprimerUn cerveau dans une boite cranienne n'est pas une conscience isolée mais le gestionnaire de milliers de sensations corporelles dont le propriétaire légitime n'a pas forcément conscience, mais une conscience étrangère se trouverait au commande d'un tableau de bord avec des milliers de voyants qui clignotent et sans manuel. Maintenir la moindre posture (via la proprioception) serait une tache titanesque à entreprendre.