Dernière nuit à Twisted River


Tout commence en 1954 dans le New Hampshire dans un camp de bûcherons. Un cuistot italien et son fils y mènent une vie faites de non-dits et d'omissions maladroites. Et il y a Ketchum, mi-ours mi-indien et remi-ours derrière. Il va se passer quelque chose de terrible dans ce camp, un truc improbable qui va pousser le cuistot et son fiston à fuir pendant le reste de leurs vies. Le récit va donc faire des bonds dans le temps et dans l'espace au gré des errances des deux hommes et des hasards de la vie. Le cuisinier va ouvrir un restaurant par ci, bosser dans un restaurant chinois par là. Le fils va grandir, et devenir père à son tour et surtout romancier de renom. Ketchum sera toujours un peu avec eux, par la pensée, par le téléphone, par le fax... C'est une longue fuite en avant qui ne prendra fin que pratiquement 50 ans après avoir débuté.

Ce bouquin parle de plein de choses : de l'absence de la mère, de bouffe, d'atavisme, du deuil de l'être aimé, des compromis amoureux, de dépucelage précoce, du statut d'auteur, du déracinement, de changement de nom... C'est un roman très riche thématiquement. J'ai été happé par la vie des ces gars. C'est lent, ça prend parfois des détours assez longs, mais je voulais arriver jusqu'à la conclusion logique de ce drame trop longtemps repoussé. Surtout que John Irving s'amuse à mélanger réalité et fiction : le romancier à succès, c'est lui. Quand il parle des oeuvres imaginaires de son héros, Irving fait référence à ses propres bouquins. Il y a une certaine mise en abyme qui s'ajoute à l'effet de répétition du fils sans mère qui devient à son tour père d'un fils sans mère. Les critiques qu'il fait des livres qu'il invente, c'est à lui qu'elles s'adressent.

Une vraie belle chronique familiale entre hommes. Des gars qui disent peu ou mal, qui aiment de manière tordue car ils sont toujours sur la défensive à cause de leur fuite éperdue. C'est un peu rocambolesque comme histoire, mais quand on aime Irving, on peut se laisser embarquer dans un récit à plusieurs niveaux où l'auteur, pas dupe, fait mine de s'auto-parodier en racontant une cavale de 50 piges. Y'a pas plus intime comme histoire. 

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