Würm


Suite logique de Vo'hounâ, Würm est un court jeu de rôles de 144 pages permettant d'incarner les membres d'une tribu préhistorique (Cro-magnons ou Néandertaliens) pendant la glaciation de Würm. Ambiance survie, taillage de silex et cérémonie chamanique. On n'est pas là pour sauver le monde mais pour faire survivre sa communauté malgré les dangers naturels, les bisbilles avec la tribu d'à-côté, les tabous totémiques et les esprits maléfiques qui en veulent aux hommes. Les enjeux sont simples : trouver assez de nourriture pour tout le monde, ne pas se faire blesser lors de la chasse pour éviter que la blessure ne s'infecte, trouver un lieu clément pour passer l'hiver. C'est paradoxalement des thèmes assez proches du post-apo. Y'a rien qui ressemble plus à une tribu préhistorique qu'un groupe de survivants à la Walking Dead, finalement.

Niveau règles, c'est ultra simple. Pas de caractéristique ou de compétences : de base, tout le monde jette et additionne 2d6 quand il tente d'allumer un feu ou de poser un collet. Mais chaque personnage dispose de forces, liées à un animal totem, qui permet de jeter un d6 supplémentaire afin de battre la difficulté. C'est simple comme tout, y'a pas à se prendre la tête. Le système de jeu détaille bien évidemment la survie au quotidien, avec quel jet à faire pour survivre à la météo, quelle quantité de bouffe la tribu engloutit-elle chaque jour et les chances de tomber enceinte. Il y a un système pour générosité qui permet de savoir quelle place on a dans la tribu (celui qui mange en dernier ou bien celui qui a le droit d'avoir 3 épouses ?) et quel regard porte les autres tribus sur votre communauté. Il y a également des règles de manne pour gérer l'aspect chamanique de la tribu, pour savoir si ses ancêtres l'aident ou s'ils n'ont pas fâché l'esprit tutélaire de leur groupe. C'est encore une fois pas compliqué.

Évidemment, le jeu propose de bien belles illustrations, puisque l'auteur est un bédéiste de talent.  Donc quand il dessine des objets artisanaux, on est dans le concret, c'est utilisable tel quel. Tu veux une lance ? Blam, ça ressemble à ça, ça fait tant de dés de dégâts, mais ça casse facilement. Tu veux chasser une bouquetin ? J'ai le profil de la bâte, il va falloir que tu le pistes ou que tu montes une battue. Et c'est bien beau de le tuer, mais il faut découper la bidoche et ne rien perdre. As-tu pensé à t'excuser à l'esprit du bouquetin que tu as tué, au passage ?

L'auteur insiste plusieurs fois : on n'est pas là pour refaire la Guerre du feu. Pas de scénario où les PJ font un raid sur la tribu voisine pour tuer tous les hommes et chopper les femmes en les tirant par les cheveux. Tuer le meilleur chasseur d'une tribu, c'est pratiquement condamner ses proches à la famine. Mieux vaut offrir des cadeaux aux vieux de la tribu du coin pour négocier un bon mariage et un échange de bons procédés. La survie se fait grâce au partage du savoir-faire, pas en incarnant une brute qui ne sait pas aligner deux mots. Au contraire, on joue des personnages qui comprennent bien leur environnement, qui se doutent bien que mettre sa soeur enceinte ne donne pas des bébés bien forts. Certes, leur grille de lecture du monde est bourré d'interdits magiques et de croyances étranges. Ils ont des mythes fondateurs, des tabous, infusent beaucoup de pouvoir symbolique dans des objets... Mais c'est passionnant car c'est d'une grande richesse narrative.

Ce live de base offre deux très bons scénarios qui font très bien le tour de ce qu'il est possible de faire avec une telle matière préhistorique. C'est très rafraîchissant de jouer pour une fois des personnages pas foncièrement cyniques, héroïques ou puissants. C'est plus terre-à-terre, ton père se meurt, tu dois aller chercher des herbes magiques sur tel territoire, qui est connu pour abriter une créature mythique ou une tribu bannie pour cannibalisme. Tu veux marier la fille du chamane qui vit de l'autre côté de la rivière ? Elle va sans doute te demander une preuve de ton amour. Une quête ou une épreuve. Est-ce qu'elle en vaut la chandelle ?

Bref, il y a un parfum de "L'hiver s'en vient" vraiment intéressant.


Non mais matez-moi cet écran. C'est-y-pas inspirant, ces peintures rupestres et ces ombres mouvantes dans une grotte sacrée qui nécessite de se purifier avant d'y pénétrer en rampant ?

Il manquerait plus qu'il y ait des suppléments, tiens. Ben justement, y'en a 2, à ce jour.


Ils proposent des scénarios de qualité, une aide de jeu sur l'anthropophagie, des illustrations inspirantes... bref, ils prolongent agréablement le plaisir qu'on a avec la BD puis le livre de base. Un suivi de qualité qui ne délaye pas la sauce inutilement mais qui apporte une plus-value à la gamme.

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