Parfois, les commémorations
rejoignent mes obsessions. Tout le monde va bouffer du 14-18 dans les quatre
ans qui viennent, mais en ce qui me concerne, ce sera avec plaisir.
Cette guerre ne ressemble à
aucune autre et, dans certains coins du monde, notamment au Proche-Orient, ses
séquelles ne sont pas encore complètement liquidées. De l’Afrique aux
Dardanelles, de la Roumanie à l’Irak, elle a porté une multitude de visages, de
la guérilla arabe à la guerre de montagne italienne, en passant par une
première occupation en Belgique ou par le chaos russe.
Mais l’épicentre du
cataclysme était en France, dans les tranchées. Sur ses quarante millions d’habitants,
femmes, enfants et vieillards compris, la République a en mobilisé huit
millions. Sans entrer dans le décompte des morts et des blessés, ces huit
millions font déjà froid dans le dos. Imaginez 20 % de la population sous
les armes…
Malgré tous les efforts des
uns et des autres, entrepris dès le début des années 20, nous ne connaissons
qu’une infime partie de ces huit millions d’histoires. Ce qui a été publié, en
général, ce sont des mots, des récits
plus ou moins à chaud et plus ou moins articulés à l’un des discours de « l’après »,
pacifiste, nationaliste, ou autre. Les images
sont plus rares, et les images non filtrées par la censure militaire plus
encore.
C’est ici que Frantz Adams
entre en scène. Médecin, psychiatre et officier, il était aussi photographe et
propriétaire d’un Kodak compact. Ignorant l’interdiction de photographier
édictée par l’armée, il prend des clichés de son arrivée sur le front début
1915 à sa démobilisation à l’extrême fin de 1918. Ce que j’ai vu de la Grande Guerre présente environ 150 de ses photos,
soit la moitié du fonds qu’il a laissé à ses descendants, et qui a fini par
être remis à l’AFP.
Beaucoup sont conformes à nos
attentes : des gueules barbues, hâves, émergeant d’abris approximatifs,
des ruines, des prisonniers, des blessés, des chars et des canons…
D’autres sont plus surprenantes,
et rappellent que la vie continue même pendant la guerre : des poilus
complètement bourrés en train de faire la fête avec des demoiselles dont on ne
sait pas trop ce qu’elles font là, une collection de rats, une caisse d’objets
pillés par les Allemands, un Guillaume II pendu en effigie…
Certaines rappellent que même
sur ce front, la guerre a été mondiale : un pot entre officiers français
et serbes, des Russes discutant avec des civiles, des soldats enturbannés venus
des Indes défendre l’Empire britannique, sans oublier l’inévitable Écossais en
kilt…
Certaines sont un peu plus
étranges, comme ces essais de camouflage de routes entières ou ces mutilés
allongés sur des brancards à qui un officier supérieur remet des médailles,
qui, c’est le cas de le dire, leur font une belle jambe…
Et puis, il y a aussi du
dérangeant, comme ces prisonniers allemands occupés à creuser des tombes pour
les soldats français qui vont bientôt partir à l’offensive, ou cette tête
momifiée qui sort du sol…
Présenté dans l’ordre
chronologique, l’ensemble compose une histoire qui en vaut bien d’autres, et
donne l’occasion de faire connaissance avec le Dr Adams. Même dissimulé
derrière son appareil photo ne communiquant avec nous qu’à travers de courtes
légendes, il donne l’impression d’un personnage intéressant, avec qui on aurait
plaisir à discuter.
Bien sûr, préface et postface
s’empressent de le « situer » dans son temps, sa famille, parmi les
autres photographes de guerre amateurs et professionnels, de nous raconter sa
carrière ultérieure de directeur d’asile dans les années 20 et 30, de nous
dresser la liste de ses publications liées à la guerre ou à la psychiatrie,
mais rien de tout ça n’est très important. Au bout du compte, seul compte son
témoignage, à hauteur d’homme.
(Éditions La Découverte,
29,90 €)
Voila qui m'intéresse.
RépondreSupprimerMerde, pourquoi fait que je découvre ça au moment où je suis interdit d'achats livresques pour cause de déménagement à l'autre bout du monde ?
RépondreSupprimerje conseille aussi la lecture de Léon Vivien
RépondreSupprimerhttp://www.e-marketing.fr/Thematique/Communication-1005/Brand-Content-10025/Breves/Leon-Vivien-de-Facebook-au-papier-231545.htm