Un Sfar dans la nuit (as Sfar is concerned)


Bon, Sfar. Rôliste. BDéiste. Réalisateur. Opinioneur. Je ne vous fais pas le topo sur le bonhomme. Mais Sfar romancier, c'est nouveau, alors j'ai essayé.

En 1917, deux frangins (Ionas et Caïn) tournent cosaques puis casaques alors que la guerre fait rage. Caïn culbute toutes les paysannes ukrainiennes qu'il peut tandis que Ionas se morfond (il est très doué pour ça) en pensant à sa mie, restée à l'abri de la guerre. Ionas a l'idée saugrenue de mourir au combat, alors Caïn rentre discretos au pays pour annoncer la mauvaise nouvelle à la belle-famille. Et là, il se dit que tant qu'à y être, autant épouser son ex-future belle-soeur, car le père à du bien. Cette trahison fraternelle provoque un truc incroyable qui transforme Ionas en vampire, une créature qui dispose désormais de l'éternité pour se morfondre. Ionas retrouve les nouveaux mariés et va essayer de trouver sa place métaphysique tout en se plaignant constamment de ce qui lui arrive.

Un livre de vampire, donc. Un nosferatu, selon les standards rôlistes. Mais un Nosfé juif, ce qui veut dire de la culpabilité en abondance et une logique religieuse spécieuse à revendre. Sfar s'amuse comme un gamin à singer le Louis chouinard d'Entretien avec un vampire. Car de l'hommage, il y en a à la pelle, hein, surtout quand on appelle le frangin de son héros vampire Caïn. Et c'est un récit rigolard comme j'affectionne chez Sfar : ça parle de cul quand il faut, ça se moque de la Torah, le héros est à baffer, sa mauvaise foi jésuitique est délicieuse. C'est de l'excellent Sfar, sans dessin, et pourtant ça fonctionne tout pareil que quand il dessine. Il manque juste un ukulélé ou deux.

Et puis dans la seconde moitié du roman, tout s'effondre. On fait un saut dans le temps pour passer au présent où le héros s'acoquine avec la veuve glam-rock d'un chanteur américain fraîchement suicidé. Elle est psy (elle a étudié à Arkham), alors Ionas veut s’épancher auprès d'elle. On est toujours dans la parodie d'Anne Rice, mais pas que. Ionas est colocataire dans un château avec une mandragore et un loup-garou. Et Lovecraft est immortel et chasse les monstres. Tout se termine à Nice (ville de naissance de Sfar) sans raison. C'est du n'importe quoi. Sfar salope son roman comme un sagouin après avoir écrit les 200 meilleures pages que j'ai lues sur le vampirisme goguenard.  J'ai envie de le baffer.

Donc achetez ce roman, car il est génial, mais arrachez-en la seconde moitié, par pitié.

Commentaires