Qu'il soit su du
lecteur que ce jeu est publié par les 12 Singes, qui est également
mon éditeur. C'est toujours bon de savoir qui couche avec qui avant de lire une
critique.
Qu’il soit
également su que cet article a été réécrit car dans sa forme originale, il
était trop proche de l’esprit de l’Odieux Connard, ce qui, bien évidemment,
pouvait être insultant pour ceux qui avaient sué sang et eau sur ce jeu.
Ça partait mal avec Project Pelican car
le titre en lui-même est fautif : en anglais, on dit Pelican Project, et pas
l'inverse. Mais bon, les rôlistes prononcent Bloudlust ou appellent leur jeu
DragonDead, alors plus rien ne devrait me choquer. Mais quand même.
Or donc, la promesse de ce JdR, c'est d'incarner un PJ amérindien
dans le San Francisco des années 70. Et donc, forcément, dans le livre de base,
on me parle (trop succinctement à mon goût) de l'ambiance de l'époque : quelques
titres de films, une liste de noms de groupes, un topo sur les Black Panthers
ou sur le mouvement gay (ce qui n'est pas inintéressant en soi, hein, c'est
juste que moi, je voulais qu'on me parle des amérindiens)... Je comprends entre
les lignes que les PJ ont occupé l'île d'Alcatraz mais ce n'est pas explicite
au départ. L'action débute alors que les PJ quittent l'île après avoir été
accusés par le FBI d'avoir foutu le feu au phare, ce qui a provoqué le naufrage
d'un pétrolier. Ça fait plusieurs mois que les PJ occupent l'île pour
revendiquer le droit des autochtones de différentes tribus, mais après avoir lu
le livre de base, je suis bien en peine d'expliquer la situation aux joueurs
car même moi, le potentiel MJ, je ne sais pas ce qui s'y est passé. Et comme le
bouquin de base ne propose pas le début du commencement d'un scénario, et bien
je ne sais pas quoi faire avec ce jeu qui en est pourtant à sa seconde édition.
Oh, les règles semblent tourner (c'est une énième
variation du dK, soit une valeur sûre mais pas non plus le genre de système qui
me fait grimper au rideau) mais la taille du livre de base empêche le contexte
de prendre son envol. J’aurais voulu en savoir bien plus sur les différents
mouvements sociaux. Au lieu de proposer une tribu autochtone et de la traiter
en profondeur, le jeu propose une dizaine de tribus mais sans pouvoir les
présenter en détails. Le passage sur les drogues est trop clinique. Ça manque de
valeur ajoutée. Alors que le pitch me donnait méchamment envie de plonger dans
les années 70 sans retenir ma respiration, le texte n’est toujours à la hauteur
des attentes créées. D'autant que les règles font l'erreur classique de décrire
la magie via une série d'effets techniques qui viennent piétiner le rêve que
cette magie centrale au thème du jeu doit déployer. On ne devrait pas
déterminer le bonus qu'accorde une séance de sudation sous une tente avec de la
sauge : on devrait rester énigmatique et mystérieux, jouer constamment avec la
frontière entre croyances et réalités. Quand je regarde Longmire ou Coeur de Tonnerre,
c’est l’ambiguïté qui me fascine, le fait de ne jamais savoir si la magie est
réelle ou bien si c’est juste une grille de lecture du monde. Mais non, là on liste
des effets magiques classiques qui transforment l'activiste fugitif que
j'imaginais en ouverture du jeu en un banal super héros de plus. Car le secret
livré au MJ à la fin du livre est d'une grande banalité ludique : les PJ sont
des super soldats produits par une expérience interdite (les mots nazis et
Reich sont même utilisés). Adios le pitch résolument social, en fait tu joues à
une variante de Jason Bourne, mais avec des plumes. Et puisque le jeu est
court, le contexte est survolé, ce qui est problématique quand tu dois mettre
en scène une cavale qui vire au road trip dans une époque et un pays que tu
n’as pas connu intimement.
Et comme je n'ai pas de scénario pour imaginer à quoi va
ressembler la campagne, je me retrouve au final avec des infos génériques sur
les autochtones ricains, de la magie trahie par la technique et un secret qui
caresse une fois de plus le rôliste dans le sens du poil en lui permettant
d'incarner un monstre puissant. Manque de bol, on m'avait vendu une révolte
sociale, un précurseur d'Idle No More qui fleure bon les seventies.
Et résultat des courses, le moindre PJ possède 12 points de vie alors qu’un
flingue de base fait 1d6 points de dégâts. C’est contre-productif.
Et je passe sur les super conseils pour le MJ du style :
pour utiliser un ordinateur, il faut utiliser la compétence Informatique.
Ou sur les caractéristiques des drogues où la Prise mesure en fait... la
puissance de la drogue (mais c'était trop simple d'appeler ça Puissance). Ou le
conseil mode : ne pas hésiter à filer un malus en Athlétisme si le PJ
porte des pattes d'eph'. Une page complète qui liste des armes à gogo.
En l’état, je ne me sens pas capable d’utiliser le livre
de base. J’ai besoin d’en savoir plus pour me lancer. Et j’ai surtout besoin
d’un scénario. Le jeu semble construit autour de sa campagne, dont je n’ai même
pas un résumé après avoir déboursé 30 euros, ce qui est frustrant. Je découvre
sur le Grog que l’écran (vendu à part) contient un scénario, un achat croisé
qui ne m’a pas été conseillé par mon vendeur de JdR (alors qu’il semble
indispensable pour disposer d’une base solide pour bien commencer).
Je suis donc frustré, mais j’ai envie de lire la campagne
car malgré tout, la matière de ce jeu est belle. Il ne tient qu’à moi de ne pas
rendre la magie si mécaniquement accessible aux joueurs et de remplacer le dK
par une mécanique basée sur le Docteur Maboul ou les quilles finlandaises
(selon la hype rôliste du moment). L’idée même de mettre en scène une lutte
sociale perdue d’avance est belle, et le jeu nous permet de plonger dans une
réalité relativement ignorée. Pour moi, il y a un joyau potentiel, mais la
taille de la pierre ne permet pas pour le moment de le révéler.
ah ouep.. pas l'air top
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