Oaths of the Riddermark pour l'Anneau Unique



Il fallait bien que ça arrive. Après des années passées à encenser les suppléments de L'Anneau Unique (The One Ring) j'ai fini par tomber sur une vraie grosse déception. Pas du genre "pas mal mais ça va demander du boulot" comme Bree, mais vraiment du genre "j'aime pas cette campagne".

Pour tout dire, c'est une surprise sans en être une. Comme je m'en étais ouvert dans mon billet sur Horse-Lords of Rohan je trouvais, tout en comprenant les contraintes, le cadre Rohan très rigide, complètement tourné sur lui-même (donc incompatible avec des groupes d'aventuriers pré-existants) et finalement peu inspirant. La campagne Oaths of the Riddermark (Serments du Riddermark) est à l'aune de cette constatation.

Si toutefois ça s'arrêtait là, je dirais que cette campagne n'est pas pour moi sans pour autant en conclure qu'elle est mauvaise. Certes, ce qui fait la valeur de la gamme de l'Anneau Unique (pour moi) c'est cette capacité franchement bluffante à tisser des histoires autour des romans: les joueurs se sentent impliqués dans la Grande Histoire sans pour autant l'influencer de manière notable. Mais après-tout il y a sûrement des gens pour qui jouer des aventures sans aucun lien avec les romans (et sans aucun élément fantastique) n'est pas moins intéressant.

Malheureusement, Oaths of the Riddermark développe d'autres travers qui, s'ils étaient présents dans la gamme jusqu'à lors étaient suffisamment diffus pour qu'on puisse soit les ignorer, soit les contourner. Dans cette campagne, c'est tout simplement impossible. Le principal de ces travers, c'est le dirigisme. De par la nature très mécanisée du jeu, les aventures officielles - à l'exception notable de la campagne Ténèbres sur la Forêt Noire - ont toujours été très scriptées sans que joueurs ou MJs soient encouragés à sortir des clous. Dans Oaths of the Riddermark, cet effet d'emballement du train sur les rails (désolé pour la métaphore pas très Tolkienienne) est très marqué, et ce d'autant plus que même si le texte s'en défend, on a ici affaire à une vraie campagne.

Dans Contes et Légendes des Terres Sauvages et Ruines du Nord, on avait un enchaînement d'aventures qui pouvaient être jouées d'affilée ou dissociées sans trop d'impact sur la cohérence. Oaths of the Riddermark propose un fil rouge beaucoup plus visible, et s'il reste possible de jouer un scénario par ci par là, ça perd énormément de son intérêt et ça créerait des incohérences encore plus importantes que celles (non négligeables) qui figurent déjà dans cet collection de scénarios.

Les incohérences proviennent en fait du concept même de la campagne: les personnages vont devoir oeuvrer à rapprocher contre leur gré deux Maréchaux du Riddermark qui se haïssent et dont la rivalité remonte loin. Dans l'absolu c'est plutôt un bon point de départ, et assez original. Malheureusement, les choses partent en sucette dès le début: comment justifier qu'une poignée de bleusailles ait accès, sans même parler d'influence, sur de tels grands pontes ? Du coup la campagne commence par un scénario peu convainquant sensé porter les personnages à l'attention de Thengel Roi qui dès lors leur demande d'intervenir auprès de ses plus gradés sujets. On y croit pas une seconde. Du coup, scénario après scénario, on rame simplement pour justifier la présence des personnages, et les tours de passe-passe deviennent très vite répétitifs.

Mais regardons plutôt ça par le menu:

Blood on the Snow (Du Sang sur la Neige) est une courte aventure introductive dont l'objet est donc d'attirer l'attention de Thengel Roi sur les personnages. Ils sont envoyés dans la vallée de Westfold par un des magistrats du Roi pour enquêter sur des chevaux sauvagement assassinés. Ils ont des indications des fermes où de tels méfaits on eu lieu, et il y a deux autres équipes envoyées également. En guise d'enquête, il n'y a pas grand chose, et une improbable alliance leur permettra de se débarrasser de la menace qui affecte la vallée. Ce premier scénario est symptomatique des problèmes de la campagne: des incohérences de taille (après trois jours de route, ils arrivent à la ferme indiquée, et les corps des chevaux et des hommes fument encore...), des choix qui n'en sont pas (c'est cousu de fil blanc) et un résultat peu convaincant (pour un petit service rendu, ils sont reçus à la table du Roi en grande pompe...)

Red Days Rising (L'Aube des Jours Rouges) marque le début de la campagne à proprement parler. Thengel demande aux personnages d'aller réconcilier les Maréchaux Cenric et Éogar en proposant un mariage entre deux de leurs gens. Les personnages se rendent sur place et, de manière fort opportune, ont l'occasion de donner un bon coup de main à chacun des Maréchaux en succession, ce qui rend leur requête plus acceptable. Là encore, l'enchaînement des scènes est tellement artificiel que je ne me vois pas vendre ça à des joueurs...

Dans Wrath of the Riders (Colère des Cavaliers) les joueurs sont envoyés par le Maréchal Éogar négocier avec les Dunlendings une trêve qu'il ne veut pas mettre en oeuvre (mais que Thengel Roi lui ordonne d'appliquer.) Les enjeux de l'aventure seront (quelle surprise) de résister aux provocations des Dunlendings et d'affronter des épreuves pour arriver à une paix fragile. Là encore, c'est téléphoné. Outre que l'accroche dépend fortement de la fin de l'aventure précédente (voire est peu cohérente quelle que soit l'issue de celle-ci), les choix auxquels sont confrontés les joueurs sont tous tellement transparents que leurs décisions font peu de doute.

Black Horses, Black Deeds (Chevaux Noirs, Desseins Noirs) propose cette fois ci aux personnages (quelle surprise!) d'aider Cenric - très occupé à repousser des raids Orcs sur ses frontières - à capturer des brigands voleurs de chevaux. Il y a évidemment un peu plus de contexte que cela, mais pour l'essentiel c'est une aventure assez linéaire dont l'issue (à part la 'reconnaissance' de Cenric) est sans grand enjeu. Comme la précédente, la pertinence de l'appel à l'aide de Cenric dépend largement de l'issue de Red Days Rising et pourrait s'avérer franchement tirée par les cheveux.

Dans Below the Last Mountain (Sous la Dernière Montagne) les personnages accompagnent des cavaliers de Eastfold et de Westfold (les factions rivales) à la demande de Cenric et Éogar pour aller à la rescousse de marchands du Rohan capturés par des orcs lors d'un raid sur un village Dunlending où ils commerçaient. Ce sera l'occasion pour les personnages de montrer leur capacité à calmer les ardeurs (concurrentes) des deux factions et le cas échéant à cimenter la paix fragile établie plus tôt avec les Dunlendings. Enfin, ils mesureront peut-être l'ampleur du péril Orc. Accroche improbable et déroulé très linéaire, vous commencez à connaître la musique.

Le final, The Woes of Winter (Les Malheurs de L'Hiver) se déroule lors du mariage arrangé lors de Red Days Rising. Tout d'abord les joueurs doivent à la demande de Thengel s'assurer que les factions des deux Maréchaux ne font pas capoter la cérémonie, puis les festivités sont interrompues par l'approche d'une armée Orque. Branle bas de combat, la campagne se termine par une gigantesque bataille lors de laquelle les joueurs pourront protéger les personnages clés de l'histoire.

Il y a deux choses qui me frustrent plus que tout avec ce supplément: la première est que nombre de situations rigides, de faux choix auraient pu être évitées, ou traitées de manière plus subtile pour gommer au moins en partie la sensation de "seul chemin viable" que les joueurs vont inévitablement ressentir. La seconde c'est que la campagne évite soigneusement (à une microscopique exception près que je ne vous spoilerais pas) tout ce qui touche au Seigneur des Anneaux alors même que Horse-Lords of Rohan proposait quelques maigres pistes: Saruman est installé à Isengard, il se passe des choses à Fangorn, etc.

Du coup, même si comme tout produit imparfait, cette campagne pourrait sans doute être rattrapée avec beaucoup de travail, elle n'en vaut à mon avis tout simplement pas la peine.

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